Miloudi aime bien se déplacer en petit rouge dans la ville blanche. Il observe ses concitoyens dont le comportement au volant mériterait une encyclopédie. Il écoute les histoires dignes de Cortázar ou Borges que rapportent les conducteurs de ces engins d'un autre temps pour qui le code de la route est une fiction lointaine. Cette semaine, lors d'un trajet aussi pittoresque que chaotique à cause de la circulation que le ramadan rendait agressive, il était assis à droite du chauffeur. Le minuscule pare-brise barré en haut et en bas par une large bande rouge lui donnait l'impression de rouler dans un char au milieu de positions ennemies. Une radio d'époque, certainement coincée sur un programme de la même époque, crachait des sons dignes des films de guerre de la seconde moitié du siècle dernier. En y pensant, Miloudi comprit soudain la mentalité des chauffeurs de taxis. Ils étaient en guerre totale. Contre les autres véhicules qui oseraient les priver de leur pole-position au feu, contre la maréchaussée ennemi suprême, contre les bus qui profitant de leur taille ne font pas dans le détail et aussi contre les autres taxis prêts à tout pour cueillir un nouveau passager.Miloudi était perdu dans ses observations quand son téléphone eut la fâcheuse idée de sonner. Extirpant l'objet sonore de sa poche, le collant contre son oreille gauche avec suffisamment de force pour faire ventouse et diminuer l'impact du bruit ambiant, il était tout à sa conversation, quand un passager monté au feu, lui subtilisa l'objet et se volatilisa en moins de temps qu'il vous a fallu pour lire cette phrase. Hébété, Miloudi était furieux et vexé. Arrivé à destination, son premier réflexe fut d'appeler son opérateur pour demander la suspension de la ligne. En homme bien organisé, Miloudi trimballait un petit carnet contenant toutes les informations de survie dans ce monde numérique. Il voulut donc confier à son interlocuteur le code IMEI de son appareil pour que d'un simple coup de clavier, il fût réduit à un tas de plastique sans utilité. Mais son opérateur, pas plus que la concurrence n'offrait cette possibilité. Depuis, Miloudi se demande si les opérateurs ne sont pas complices de tous ces malfrats… Aucun article en relation !