De temps à autre, comme tous les citoyens, Miloudi est obligé de passer par la case «administration». Parfois pour demander un cerificat de vie, d'autres pour un certificat de résidence ou même pour aller à la chasse à un document de la plus haute importance auprès d'un tribunal. Le point commun entre ces expériences est identique. Même si elles se sont améliorées, elles restent fort désagréables. Une fois franchi le seuil, on a l'impression de basculer dans un monde parallèle avec ses codes propres et indéchiffrables, son ambiance lugubre et le sentiment d'être coupable avant d'avoir prononcé le moindre mot. Heureusement, il y a toujours quelqu'un qui semble envoyé par la Providence et qui attend tous les Miloudi du monde. Affable, souriant, il est en plus compréhensif comme s'il appartenait aux deux mondes. Il propose son aide en tout bien tout honneur en villipendant ces «monstres inhumains sans scrupules qui font perdre leur temps aux honnêtes gens». Le verbe haut et l'allure dilligente dans une ambiance agressive feraient flancher les plus coriaces des non habitués. Au moment où l'ange gardien improvisé vantait ses services à un Miloudi hagard, une histoire de Fellini lui revint à l'esprit. Attendant un train, en retard comme il se doit, un jeune homme engage la conversation avec lui jusqu'au moment où le tant langui train arrive. Au moment où Fellini prend congé de son compagnon d'attente, ce dernier lui réclame une pièce pour l'avoir aidé « à passer le temps». Préférant devancer ce moment fatidique, songeant même à partager l'anecdote fellinienne avec son putatif protecteur, Miloudi, qui ne pensait qu'au moment où il retrouverait les klaxons et les pots d'échappement de la ville, allongea mécaniquement la main vers son interlocuteur en lui signifiant que tout effort de socialiser n'était que peine perdue en ces bas-fonds.