Ce matin, Miloudi en sortant de chez lui, a eu une idée fugace au moment de monter dans sa voiture. Et si au lieu d'aller au bureau, il s'avisait à longer la côte jusqu'à la Plage Blanche, pousser jusqu'à Dakhla, Cap Barbaste, Cintra et Guergarates ? Autant de noms qui réveillaient son désir d'espaces et de sérénité. Et puis une fois arrivé là, pourquoi ne pas continuer sur Nouakchott puis Dakar? Il se voyait bien, roulant à faible allure, sans contrainte, s'arrêter quand bon lui semblerait et retrouver la chaleur des siens de Guelmim à la frontière mauritanienne, passer du temps avec cette famille qui le protégeait des accidents de la vie et qui le ressourçait sans compter. Il se voyait sirotant son thé en laissant le temps passer comme une denrée inépuisable, écoutant le bruit du vent qui fait crisser le sable et qui se prend dans les fines branches des acacias. Le film qui se déroulait sous ses yeux ressemblait à une réclame aguicheuse de voyage à l'autre bout du monde. Il faut dire qu'il y a des jours où l'on se laisserait bien aller à rester au fond de son lit pour éviter les petits bobos de la vie quotidienne, le vacarme et la vacuité des choses et ce jour là faisait partie de ces moments de faiblesse entretenus par la succession inespérée de 2 jours fériés qui étaient autant d'occasions de prendre du recul et de faire le point pour la énième fois de sa vie. Bien qu'il faille de longues heures pour décrire ce bref moment, la magie fut cassée dès que le contact fut engagé et que la radio dégurgita son flot de nouvelles du jour qui viendraient à bout des rêves les plus fous. C'est donc machinalement que notre Miloudi s'engagea à droite, puis à gauche, puis à droite, de rue en avenues jusqu'à son bureau.Une fois dans l'ascenseur, au fur et à mesure qu'il s'élevait vers son étage, il avait le sentiment de s'éloigner de son horizon et de se transformer en employé modèle. Pour la grande satisfaction de tout le monde.