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Attentats du 16 mai : Un combat contre l'oubli
Publié dans Le Soir Echos le 14 - 05 - 2010


 
Chaque jour, le vide s'agrandit. Je ne peux pas m'empêcher d'imaginer que mon fils, s'il était toujours là, serait devenu un avocat comme son papa. Mais, j'ai perdu les deux sans préavis et ma vie s'est tout d'un coup brisée».
 Les attentats du 16 mai 2003 ont arraché à Souad Khammal ce qu'elle avait de plus précieux, son fils et son mari. Sept ans après, le tragique événement reste gravé dans sa mémoire. «Je vis avec au quotidien. Tous les vendredis matin, je vais me recueillir sur leurs tombes. C'est un rituel devenu, pour moi, une sorte de thérapie». Et pour commémorer le triste anniversaire, Souad Khammal ainsi que les familles victimes de ces attentats comptent observer, dimanche à 19h, un sit-in devant la stèle commémorative sur la Place Mohammed V à Casablanca. Réunies dans une association, les familles des victimes profitent de l'occasion pour rappeler à tout le monde leur détresse, leur déception de constater un oubli. «Nous ne sommes pas restées les bras croisés. Nous voulions, par le biais de notre association, organiser des activités régulières, continuer à sensibiliser les jeunes, soutenir les victimes… Malheureusement, nous n'avons pas obtenu l'appui que certains nous avaient, pourtant, promis », regrette Souad Khammal qui préside l'Association des victimes des attentats du 16 mai.
«Le mouvement associatif s'est essoufflé, depuis les attentats du 16 mai 2003, pour cause de l'oubli d'une partie des militants ».
 A ses débuts, cette association aspirait à élaborer un programme d'activités et de manifestations culturelles pour sensibiliser les jeunes des quartiers les plus vulnérables. Au fil des années, l'effervescence sur laquelle comptaient ces familles s'est refroidie. «Durant les quatre premières années, nous étions (membres de l'association) en contact presque tous les jours. La cadence s'est minimisée, par la suite. Les membres de l'association se sont réduits, mais ce n'est pas de notre faute », estime la présidente. La « faute » est imputée, en premier, aux promesses non tenues, entre autres, celles des écoles privées de Casablanca. « Elles étaient plusieurs à promettre aux familles la prise en charge de leurs enfants. Seules deux d'entre elles, primaire et secondaire, ont tenu leur engagement », précise Souad Khammal. Sentiment, de déception doublé d'une colère que les victimes qualifient de légitimes. «Je me  rappelle une rencontre que nous avions prévue d'organiser le 11 janvier 2005. La salle est restée vide ! Personne n'est venu y assister !», déplore-t-elle. Et d'ajouter que même son livre sur les attentats n'a pas eu le succès escompté : «Je voudrais tellement le traduire en français. Mais je n'en ai pas les moyens». Autre rappel amer : au sit-in commémoratif de l'an dernier, une poignée de personnes seulement y a participé. Ce que ces familles des victimes redoutent le plus, c'est l'oubli qui réduirait un si tragique événement en un simple anniversaire. «Le mouvement associatif s'est essoufflé, depuis les attentats du 16 mai pour cause de l'oubli d'une partie des militants. Les familles sont doublement victimes », reconnaît Ahmed Ghayet, l'un des piliers du militantisme associatif. Pour lui, la frilosité de la société civile n'est ni «bénéfique» ni volontaire. «La société civile ne sait pas comment entretenir la flamme, tout simplement », explique Ahmed Ghayet qui préside, actuellement, aux destinées de l'association « Marocains pluriels ». Au festival « L'Boulevard », il observera avec les organisateurs une minute de silence prévue à la mémoire des victimes du 16 mai. Marquer l'événement avec le plus de ferveur possible, c'est aussi le vœu de l'association « Espace moderniste pour le développement et la coexistence », créée justement à la suite des attentats du 16 mai. « Nous avons misé sur la continuité. C'est notre volonté depuis le départ », assure Wahid Mbarek, 1e vice- secrétaire national de l'association. « Vive la vie ! »,  lslogan que cette dernière a choisi pour célébrer le 7e anniversaire des attentats. Au Jardin Idrissia à Derb Sultan, 150 enfants de 1o ans et plus se retrouveront pour exprimer un hymne à la vie. « Après les attentats qui ont eu lieu à Hay El Farah en 2007, nous avons décidé de tenir notre manifestation dans ces lieux pour élargir le mouvement de soutien à l'ensemble des victimes », indique Wahid Mbarek Avec le conseil de l'arrondissement El Fida et le conseil des oulemas de Derb Sultan, la manifestation, prévue de 16h à 19h, verra la participation de plusieurs noms connus, dont Simon Lévy qui a d'ores et déjà confirmé sa présence. « A l'occasion, les chauffeurs de taxi adhérant aux associations Moustaqbal Al Madina et Ouled Al Madina tiendront un sit-in symbolique de 15mn en soutien à notre manifestation », ajoute Wahid Mbarek. Et de souligner que l'association ne ratera pas l'occasion de rappeler sa revendication de créer un fonds pour les victimes des attentats : « Nous militons pour cette cause depuis deux années déjà. Nous comptons, cette fois-ci, adresser notre revendication aux groupes parlementaires pour nous aider à concrétiser ce projet ». Le retour à la paix sociale ne doit pas éclipser la souffrance des victimes. Nous en sommes tous responsables. 
Oubli
A qui la faute ?
Pour certains, la faute est à mettre sur le compte de la mémoire plutôt courte, alors que, pour d'autres, elle est due au «mutisme» des politiciens. «Du point de vue sécuritaire, il y a moins de risque de connaître d'autres attentats. Mais au niveau de la société civile et  politique, on n'a pas su et pu faire en sorte que les principes de lutte contre l'extrémisme se poursuivent», remarque l'observateur Salah Sbyea. Et de préciser que la vigilance doit rester de mise, puisque les terroristes frappent toujours là où l'on s'attend le moins. Pour les politiciens, ce n'est pas, toutefois, une raison valable pour maintenir «une tendance à la dramatisation».
 «Je crois que le Maroc affronte d'autres défis beaucoup plus importants. Le problème du terrorisme n'est pas un phénomène local, il est transnational», indique le politologue Mohamed Darif. Pour ce dernier, «Le Maroc a réussi à endiguer le phénomène sur le plan national. A présent, c'est l'Europe qui exporte les terroristes et non plus le Maroc». Sur ce point, l'enjeu se situe au niveau des renseignements sécuritaires, de l'échange d'information au niveau régional et international.


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