Le Maroc élu vice-président d'Interpol pour l'Afrique    SM le Roi décide d'opérer une nouvelle transformation dans le mode de gestion des affaires des MRE    Sahara marocain : Le Royaume s'emploie avec succès à consacrer l'évidence d'une réalité tangible et d'une vérité irrévocable    Sahara : L'Algérie impose des sanctions économiques à la France    Le mastodonte financier AFD va désormais investir au Sahara, affirme son DG    Casablanca : Exposition photographique célébrant la Marche Verte    Le groupe AFD va désormais investir au Sahara marocain    Bank of Africa inaugure sa succursale au CFC    Cours des devises du jeudi 7 novembre 2024    Le Maroc optimise sa fiscalité pour attirer des capitaux et la FIFA    Le Maroc, une plateforme économique fiable, compétitive et innovante pour l'Allemagne    A la tête de la BCP, Naziha Belkeziz est la première femme PDG d'une banque au Maroc    Maroc : Lancement du projet d'extension du port de pêche de Laâyoune pour 210 MDH    Réforme de l'IR: L'exonération étendue à plus de 80% des salariés du secteur privé    Présidentielle américaine: Kamala Harris concède la défaite face à Trump    Liga: le match Valence-Espanyol Barcelone reporté en raison des inondations    Anniversaire de Hakimi: Respect...Ssi Achraf !    FIBA Afro Basket 2025 : La FIBA offre une seconde chance au Maroc, déjà éliminé !    LDC. J4 (fin): Le PSG provisoirement éliminé !    Températures prévues pour le vendredi 08 novembre 2024    Moroccan national extradited to France on suspicion of rape and murder of French girl    Algeria imposes trade curbs on France over Sahara recognition    Morocco invests 210 million dirhams to expand Laayoune fishing port    Rabat-Salé-Kénitra: une batterie de mesures incitatives pour assurer la réussite de la campagne agricole 2024-2025    Hausse substantielle des saisies de marijuana au Maroc, selon un rapport officiel    Sous l'emprise d'un duo largement contesté, le CCME, une institution en quête d'un redressement nécessaire    Les prévisions du jeudi 7 novembre    Emirats arabes unis : Le Maroc, invité d'honneur au Salon international du livre de Sharjah    21e Festival international du film de Marrakech : 70 films de 32 pays en compétition    Football : L'entraîneur Rachid Taoussi soutient sa thèse sur le leadership sportif    Avant le 6 novembre 1975, l'Algérie prétendait n'avoir «aucune prétention» sur le Sahara occidental (avant de manquer à sa parole)    Ligue des champions: Nouvelle démonstration pour le Barça, le PSG battu sur le fil par l'Atlético    USA: une présidentielle serrée sous le signe de l'incertitude    Cinéma : Le MP dénonce la domination des influenceurs et l'agonie des salles de cinéma    Présidentielle américaine : SM le Roi adresse un message de félicitations à Donald Trump    Donald Trump remercie les Américains de l'avoir élu 47e président des Etats-Unis    Présidentielle américaine: Trump promet un «âge d'or» pour son pays    SM le Roi décide d'opérer une nouvelle transformation dans le mode de gestion des affaires des MRE    Présidentielle américaine: Les dirigeants mondiaux félicitent Donald Trump    Le Hamas appelle les États-Unis à cesser leur soutien 'aveugle' à Israël    Mondial des Clubs 2025 : La FIFA fixe les règles    Al Ain : Soufiane Rahimi auteur d'une prestation décevante face à Al-Nassré    Macron félicite Trump et se dit "prêt à travailler ensemble" avec "respect et ambition"    IFM : Les Rendez-vous de la Philosophie célèbrent 10 ans d'existence    Nador à l'heure de son 13è Festival international de cinéma et mémoire commune    Chambre des représentants : Projet de loi approuvé pour réorganiser le CCM    Célébration du 10e anniversaire du Musée Mohammed VI d'art moderne et contemporain    Semaine arabe de l'UNESCO : Le caftan marocain brille de mille feux    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Lemkadem : «Je n'ai plus rien»
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 06 - 04 - 2007

Bouchaïb Lemkadem est rentré à Agadir pour commémorer le quarantième jour du décès de ses cinq enfants, assassinés par leur mère belge le 28 février dernier. Il livre à ALM un témoignage accablant sur ce drame horrible. Entretien.
ALM : Le jour du quintuple assassinat de vos enfants, le 28 février dernier à Nivelles, vous étiez de retour en Belgique après un voyage d'un mois au Maroc. Dans quelles circonstances et avec quel sentiment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
Bouchaïb Lemkadem : J'arrive à l'aéroport national de Bruxelles, le 28 février, juste après le drame. Des éléments de la police belge se présentent à moi pour me dire «Vous devez rester ici». Et là, tout de suite, un coup de téléphone m'apprend que tous mes enfants sont partis. La police m'a dit que c'était un accident. J'ai dit que ce n'était pas vrai ; le jour de leur décès, ils devaient être à la piscine. Ce n'est pas possible que mes enfants meurent en même temps. Après, des éléments de la Police judiciaire belge m'ont pris en charge pour m'emmener au poste de Nivelles, ma ville de résidence. Chemin faisant, je me posais des questions. J'ai pensé que les auteurs du drame étaient mes voisins belges, pour des petites histoires de jalousie et de méchanceté gratuite. J'avais porté plainte contre eux pour une affaire de racisme. Il n'en est rien. Une fois arrivé au poste de police, à Nivelles, on m'apprend que c'est ma femme, et personne d'autre, qui a tué les enfants. J'ai répondu : «Je ne suis pas d'accord». Alors, ils ont changé de sujet.
A ce moment, deux aides-victimes, deux femmes psychologues, interviennent pour me calmer. L'une d'entre elles m'a dit, en guise de consolation, que mon fils Mehdi était dans la même école que sa petite fille. Entre-temps, on m'apprend que toute ma famille est venue me voir. J'ai refusé de les voir. J'avais l'impression d'être dans un film d'horreur. J'ai perdu la sensation d'écouter, de parler, d'être cohérent. J'étais dans l'obscurité la plus totale. A ce moment-là, des éléments de la PJ interviennent pour me demander ce que je voulais faire : aller dans un hôtel, à l'hôpital, ou bien chez ma famille. J'ai tout refusé, en disant : Je préfère rester au poste de police. J'étais dans l'incompréhension absolue. Ils me proposent d'aller me reposer, pour les besoins d'une audition.
L'auriez-vous rencontrée ?
L'un d'entre eux m'a dit : «Nous aussi devons aller dormir». Finalement, ils m'ont convaincu d'aller quelque part. Et là, j'ai accepté d'aller chez mon ami portugais Amandio di Santos, avec qui je venais de rentrer d'un voyage au Maroc. Il est témoin du choc. Après avoir accepté de me rendre chez cet ami, des éléments de la PJ téléphonent au juge d'instruction qui était en charge de mon dossier pour lui demander l'autorisation de mon départ. En fait, les autorités craignaient que je me suicide. Elles étaient très préoccupées de ma sécurité. Arrivé au restaurant portugais, je me suis enfermé dans un silence total. Je ne voulais ni manger ni boire, même si j'avais la bouche sèche.
Intérieurement, c'était l'obscurité, et autour de moi, c'était aussi l'obscurité. Je me suis dit : «Réveille-toi, fais un vide et affronte». Je n'ai pas fermé les yeux pendant toute la nuit. A 7 heures du matin, j'étais déjà debout. Je suis allé chez ma sœur, puis je suis retourné au poste de Nivelles. Les policiers me demandent pourquoi je suis revenu. J'ai répondu : «Je dois faire l'audition maintenant». L'audition a duré entre 6 et 8 heures. Ils m'ont traité humainement. A chaque moment, ils me demandent si on peut arrêter l'audition pour un autre jour. Ma réponse était: Non. «Je continue jusqu'au bout». J'ai commencé à réaliser que je n'ai plus d'enfants, ni de maison, ni plus rien. Spontanément, j'ai demandé des nouvelles de ma femme, Geneviève L'hermitte. J'ai appris qu'elle avait subi une opération chirurgicale le jour de l'incident. Elle a raté son cœur, mais touché son poumon.
Les policiers m'ont rassuré qu'elle se réveillait tout doucement. Elle a été sauvée d'une mort certaine. Une équipe d'enquêteurs, avec le juge d'instruction, étaient sur place à l'hôpital. J'ai alors demandé si je pouvais bien voir ma femme en présence de la police. Les policiers m'ont répondu : «On va poser la question à Mme le juge». Juste après, on me dit que ma femme commence à parler. Je profite de l'occasion pour poser la question : «Demandez à ma femme où je pourrais enterrer les enfants». «On va demander à Mme le juge », m'ont-ils encore dit. Pendant ce temps, l'audition se poursuit. Un policier, qui était à l'hôpital, se présente tout à coup: «Votre femme va vous parler une fois l'audition terminée ». C'est chose faite. Sauf que mon vœu n'est pas exaucé. «Votre femme est dans un état de fatigue extrême». N'empêche, j'obtiens une réponse. «On a demandé à votre femme où elle voulait enterrer les enfants». Elle a répondu : «Il faut enterrer mes enfants dans un cimetière musulman, et de préférence à Agadir. Et s'il arrive que je meure, il faut m'enterrer à côté d'eux». Je demande illico d'aller voir les enfants. Mais voilà, les policiers m'ont dit qu'il était strictement interdit de les voir à ce moment. Mes enfants devaient subir une autopsie à l'hôpital Saint-Luc, à Bruxelles, là-même où je serais admis dans un service de psychiatrie sous la supervision du professeur Constant. J'ai dû alors prendre mon mal en patience. Plus tard, une fois les corps prêts, j'ai reçu un appel pour me demander de les récupérer. Je suis allé au consulat général du Maroc à Bruxelles. Arrivé, j'ai été reçu chaleureusement par tout le personnel du consulat. Tout le monde était venu me présenter ses condoléances.
On me demande ce que je comptais faire. «J'aimerais avoir le moyen le plus facile et le plus rapide pour enterrer mes enfants», ai-je demandé. Tout de suite, ils appellent les pompes funèbres. A ce moment, je reçois un appel de la part de l'ambassadeur du Maroc en Belgique. Il a demandé à me voir. Me voilà chez lui. «Toute la communauté marocaine est avec vous», m'a-t-il dit, pour me réconforter. «Au-delà d'être Marocain, tu es un frère», a-t-il ajouté, compatissant. Spontanément, j'ai vu un homme digne, qui respecte ma douleur.
Certains prétendent que vous aviez une autre femme à Agadir. N'est-ce pas pour cela que vous aviez fait le déplacement à Agadir ?
Ma mère, qui résidait avec moi à Nivelles, ne supportait pas le climat de la Belgique. Et c'est ma femme même qui m'a dit de l'accompagner à Agadir, de prendre le temps nécessaire de m'occuper d'elle. Elle m'a dit exactement : «Il ne faut pas la déposer comme un colis. Prends soin d'elle».
Aviez-vous un quelconque litige avec votre femme ?
Tout ce qui a été dit à ce sujet relève ni plus ni moins des rumeurs. La preuve est simple. Quand j'ai eu l'occasion de voir ma femme en prison, j'étais en face d'une femme affaiblie, qui confirmait son amour total. Elle m'a demandé pardon à moi et à ma mère pour les enfants. Je lui ai répondu : «Mon pardon est automatique, mais c'est Dieu qui décide du pardon pour les enfants». Pour ma part, je ne peux que retourner à la vie commune avec cette femme chaleureuse, affectueuse, très sensible aux détails de l'éducation de ses enfants.
Comment se sont comportés les médias belges à votre égard ?
J'ai évoqué avec ma femme les rumeurs colportées par certains médias belges, comme quoi j'ai une seconde femme et un enfant à Agadir. Et là, elle me dit : «Quelle bande d'imbéciles. S'il te plaît, il ne faut plus lire ces mensonges. J'ai bien fait ma déclaration à la police. J'ai bien un mari exemplaire, qui était vraiment à la hauteur d'un papa digne». Elle enchaîne en me demandant pardon. «Je penserais à vous samedi (NDLR : le jour de la commémoration du quarantième jour du décès des enfants, ce samedi 7 avril). Je vais demander une autorisation pour te téléphoner ce jour-là. Et il ne faut pas m'oublier. Fais une prière pour moi aussi, et fais attention à ta santé, embrasse ta mère de ma part, et dis-lui que tu es toujours dans mon cœur». Elle ajoute : «N'oublie pas d'associer la mémoire de la mort de ton grand frère l'Haj Larbi Lemkadem, mort le 7 avril 2000». C'est elle qui m'a appris l'anniversaire du décès de mon grand frère, qu'elle adorait. A ce moment, une gardienne de la prison se présente pour nous dire: «Vous avez encore cinq minutes pour vous séparer». Alors, j'ai demandé à ma femme de rester dans mes bras pendant les cinq minutes restantes. Elle pleurait à n'en plus finir. J'ai alors pensé à ce que certains m'avaient dit au sujet de son projet de suicide. Je lui ai dit: «S'il te plaît, ne fais pas de bêtise».
Comment avez-vous réagi aux propos de la presse belge ?
Je dois malheureusement dire que le traitement que la majorité de ces médias ont fait de l'incident était indigne de la noble mission du métier de journalisme. Au moment du drame, j'ai été condamné sans appel. Ces médias se sont acharnés contre ma personne, contre mon appartenance marocaine et contre mes origines arabo-musulmanes. C'était une condamnation supplémentaire. J'ai été doublement victime ; victime de ma situation familiale qui s'est arrêtée le jour de l'assassinat de mes enfants, le 28 février ; victime aussi des médias extrémistes. J'ai été étonné par leur réaction, d'autant plus que je suis aussi de nationalité belge. Alors que l'enquête judiciaire était en cours, des médias audiovisuels comme « RTL-TVI», ou plus encore la presse écrite «Le Soir», «La Dernière heure», ont préféré faire l'enquête à leur manière pour vraiment casser l'image d'un homme qui n'a pas encore eu l'occasion de faire son deuil, ni de voir même ses enfants décédés. J'ai été bombardé de condamnations gratuites et infondées.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.