Le CCDH a vingt ans. Il a été créé le 8 mai 1991 par feu Hassan II. En 2006, le champ d'action de cette institution consultative s'est élargi depuis la fin du mandat de l'Instance Equité et Réconciliation (IER). L'AMDH et l'OMDH, les deux grandes associations des droits de l'Homme au Maroc, ont des approches différentes sur l'action de l'instance présidée par Ahmed Herzenni. Elles découlent notamment des soubassements idéologiques et partisanes qui ont présidé à la création de chaque ONG. Entre l'AMDH et le CCDH, ce n'est pas le grand amour. Depuis l'accession de Ahmed Herzenni à la présidence de cette institution, les relations sont tendues.En fait, bien avant, c'est- à -dire depuis la création même du CCDH en 1991. «A l'époque, l'AMDH avait refusé, en dépit des pressions exercées par Réda Guedira, conseiller de Hassan II, et Driss Basri, ministre de l'Intérieur, de siéger dans le CCDH parce que nous avons estimé, vu les statuts de cet organisme, que cette adhésion constitue un handicap pour l'indépendance de notre association», se rappelle Abdelhamid Amine, vice-président de l'AMDH. Et d'ajouter : «notre décision ne nous a nullement empêchés de collaborer avec le CCDH au même titre qu'avec le département de la Justice ou n'importe quel autre ministère du gouvernement». Les points d'achoppements entre l'ONG et le CCDH sont multiples. «Au début, le CCDH ne reconnaissait pas l'existence de détenus politiques et des disparus. Après, il l'a reconnue mais partiellement, à sa manière. Du temps de feu Benzekri, nous avons critiqué la motion élaborée, le 6 novembre 2003, par cet organisme à l'origine de la création de l'Instance Equité et Réconciliation. Des critiques qui nous ont valu d'être traités par feu Benzekri de petites mafias des droits de l'Homme. Après ,il s'est excusé mais timidement», souligne notre interlocuteur. Et de poursuivre que «sous l'ère de Ahmed Herzenni, les relations entre le CCDH et l'AMDH ont empiré. Et pour cause, il n'a pas accepté de mettre en oeuvre les principales recommandations de l'IER structurantes pour l'avenir du pays. En revanche, il a préféré travailler sur la réparation individuelle et de santé. Il vient de commencer à traiter la réparation collective», assure Amine. Si l'AMDH refuse toujours de siéger au CCDH, ce n'est pas le cas de l'OMDH. «Nous nous félicitons que notre présence au sein du CCDH ait permis la réflexion sur la mise en place d' une commission de vérité. En adhérant à cet organisme, nous avons fait de la question du respect des droits de l'Homme une question fondamentale, politique et d'opinion publique. Et de l'intérieur du CCDH nous avons pu défendre nos positions», estime Amina Bouyache, présidente de l'OMDH. Concernant l'application des recommandations de l'IER, cette ONG se félicite que la réparation individuelle notamment au niveau des indemnités enregistre des avancées. Ce qui n'est pas le cas pour les autres volets de cette réparation qui accusent du retard sur la réintégration sociale, par exemple. Quant aux recommandations institutionnelles et législatives, les observations d'Amina Bouyache se rapprochent de celles d'Amine de l'AMDH. Pour mémoire, l'OMDH avait appelé au jugement des responsables des crimes commis durant les années de plomb. Dans un rapport publié en décembre 2009 avec le soutien de la Fondation allemande Friedrich Ebert et le Centre international pour la justice transitionnelle, l'ONG avait affirmé que «la lutte contre l'impunité constitue un moyen efficace pour fonder un Etat de droit». Dans des déclarations à notre journal, AminaBouyache reprend les mêmes termes, précisant que «la lutte contre l'impunité est un élément essentiel dans le respect des droits de l'Homme. Si auparavant, les détentions étaient effectuées parce qu'il n'y avait pas de droits avec l'installation de l'IER nous considérons que cette instance a mis les bases de l'Etat de droit. Sur ce point, le CCDH est bien en retard».