Rabat a abrité ce week-end une grande réunion des ministres de l'Intérieur de l'UMA (Union du Maghreb Arabe) à laquelle a pris également part Habib Boularès, secrétaire général de l'Union ! Cette rencontre s'inscrit dans le cadre des consultations instituées depuis deux ans maintenant sur la sécurité dans la région, mais se justifie à présent par « l'urgence » que les événements du Sahel et notamment du Mali imposent. Les cinq ministres plus le secrétaire général de l'UMA ont prolongé la réunion que les experts respectifs ont tenue samedi et adopté pour ainsi dire l'agenda pour les prochains mois. Et que Mohand Laenser, ministre de l'Intérieur, nous a décliné lors de la conférence de presse organisée dimanche à midi du ministre de son département. Cet agenda comporte, outre l'application des mesures décidées, un calendrier : les ministres de l'Intérieur des 5 pays ont décidé de se retrouver une fois pas an pour renforcer leur concertation. Les experts pour leur part se réuniront 3 fois par an afin d'assurer le suivi et de poursuivre la réflexion collective sur les divers sujets. Une rencontre par année au « Sommet » pour les ministres, trois autres pour les experts. C'est peu dire qu'il existe de part et d'autre une volonté manifeste de renforcer le cycle des concertations, à différents niveaux, avec des mécanismes « ad hoc » ! Pour ce qui est des problématiques, dont la présente a entamé l'examen, elles sont au nombre de cinq. Le communiqué commun, publié à l'issue de la réunion des membres de l'UMA, les détaille comme suit : lutte contre le terrorisme et le crime organisé ; lutte contre l'émigration clandestine et le trafic humain ; lutte contre le trafic de drogue ; renforcement des politiques de protection civile ; enfin renforcement de la mise en œuvre des recommandations et des mesures prises . La déclaration finale, publiée à l'issue des travaux, porte le nom de « Déclaration de Rabat », se veut une « feuille de route », nous dit Mohand Laenser, expliquant, par ailleurs, que « la réunion de Rabat prolonge en quelque sorte la réunion que les ministres maghrébins des Affaires étrangères ont tenue le 9 juillet 2012 à Alger et qui a examiné notamment le problème de la sécurité dans la région » ! Il convient de rappeler, que cette réunion , évoquée par le ministre, est survenue trois mois après que les islamistes se soient emparés « manu militari » du Nord du Mali et que l'Algérie, qui avait abrité l'accord de 2006 sur l'Azawad, se soit trouvée dans une posture d'expectative. Le « Sommet » de Rabat qui vient de réunir les 5 ministres de l'Intérieur , plus le secrétaire général de l'UMA examine en vérité un autre contexte, une évolution d'autant plus inédite que plusieurs et différents événements – dont la menace n'est désormais plus voilée ou occultée – sont venus transfigurer de fond en comble avec, notamment, la guerre du Mali et l'intervention franco-africaine qui l'a suivie... Le Sahel et l'espace sahélo-sahaien, la guerre qui y est livrée et la résurgence du terrorisme qui pointe son nez dans la région, sont désormais la priorité des pays du Maghreb qui se sentent plus que concernées par l'extension de ce phénomène. C'est si évident, comme le dira Mohand Laenser, que les réunions du même groupe à Tripoli les 11 et 12 mars 2012, des 8 et 9 avril dernier à Alger dans le cadre des groupes « 5+5 », témoignent d'une ultime prise de conscience impérative. Si le Maghreb cherche encore sa voie sur le plan politique, il manifeste en revanche une même disposition d'esprit pour ce qui est de la sécurité collective, concept qui prend forme sous l'emprise d'une réalité nouvelle : le terrorisme qui se déplace, comme le dira le ministre libyen de l'Intérieur. La conférence de presse des ministres de l'Intérieur des 5 pays de l'UMA a donné l'occasion à ces derniers d'aborder, parfois dans une sorte de gêne, des « sujets qui fâchent », comme notamment le Sahara, la réouverture des frontières maroco-algériennes, l'expulsion de l'Algérie du militant amazigh marocain et sa reconduction dans son pays... La langue de bois, ou disons les finasseries diplomatiques ont été de mise, déployées avec un art de la mesure par le ministre algérien de l'Intérieur, Daho Ould Kablia. « L'Algérie, a-t-il déclaré, nourrit toujours l'espoir de voir les frontières entre nos deux pays s'ouvrir...C'est la fermeture la plus longue de l'histoire entre deux pays du Maghreb... Mais, elle ne relève pas du calendrier politique entre les deux gouvernements... Il faut la préparer, examiner le fond du contentieux, portant sur la circulation, les biens, etc... » ! Le ministre a ajouté qu'au lendemain de la visite, en janvier 2012, à Alger du ministre marocain des Affaires étrangères, Saad Dine El Otmani, le sujet des frontières avait été abordé avec sérénité de part et d'autre et une volonté affichée de les rouvrir a été réitérée. « Un plan d'action » a même été prévu et « nous continuons à y travailler », a souligné Daho Ould Kablia... La presse et l'huile sur le feu Impatient sans doute d'apporter ce qui serait l'éclairage ultime à cette question lancinante des frontières, il a affirmé : « Il n'y a ni préalable, ni conditions à cette réouverture, il faut un climat, une ambiance … Dans un avenir proche, nous espérons retrouver ces conditions pour envisager la réouverture, comme le souhaitent nos peuples respectifs.. » Et, indiquant que le militant amazigh, Khalid Zirari, parti en Algérie participer à une manifestation en Kabylie, sera éconduit et mis dans un avion ce dimanche même pour le Maroc. Il exhorté la presse marocaine « à ne pas rajouter de l'huile sur le feu... » ! Pourquoi cette expulsion ? « On ne peut tolérer qu'un étranger prenne part à une manifestation non autorisée – car nous avons des lois – en faveur du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie... ». La réunion des cinq ministres de l'Intérieur aura été l'occasion, au moins pour une partie de la presse, de « titiller » le ministre algérien sur des sujets « tabous », comme celui du Sahara marocain... Il n'a pas dérogé à la traditionnelle position de son gouvernement en affirmant que son pays « n'a jamais été concerné par cette affaire, qu'elle implique le Maroc, le Polisario, et les Nations unies et qu'elle devrait s'inspirer du principe par lequel l'Algérie a accompli sa libération, à savoir le référendum d'autodétermination » !