La région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) est urbanisée à 60%, contre une moyenne mondiale de 52%, et affiche l'un des taux de croissance démographique les plus élevés de la planète, selon la banque mondiale. « À l'horizon 2030, sachant que la population citadine s'accroîtra de 45%, les centres urbains de la région accueilleront 106 millions d'habitants supplémentaires. Dans des pays comme l'Egypte, l'Iraq, le Yémen, le Koweït et Djibouti, les villes verront leur population doubler au cours des 20 prochaines années », déclare Franck Bousquet, responsable du secteur développement social et urbain pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) de la Banque mondiale. « Récemment, à Rabat, j'ai assisté à une série d'échanges passionnants entre maires et ministres chargés de l'administration urbaine et locale originaires de plusieurs pays de la région : Maroc, Tunisie, Jordanie, Liban, Egypte, Yémen et Territoires palestiniens. Appuyée par l'Institut arabe pour le développement urbain (AUDI), la Banque mondiale et le Centre pour l'intégration en Méditerranée (CMI), cette initiative a visé à mettre en relation les édiles des villes de la région MENA avec des responsables et des experts des questions urbaines venus du monde entier, afin qu'ils se penchent sur les opportunités qu'offre la ville et partagent leurs approches de la gestion de la croissance », poursuit Bousquet. Les problèmes que rencontrent les maires Au terme des échanges lors de cette manifestation tenue au Maroc, le responsable de la Banque Mondiale a observé que les maires de la région sont confrontés à trois grands problèmes depuis une décennie. Le premier problème est le manque criant de ressources et de capacités à l'échelon local. En effet, dans les villes du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, la part des dépenses publiques locales est la plus faible au monde. Par exemple, elle atteint seulement 3% en Jordanie, 5% en Tunisie et 17% au Maroc. « C'est en partie un héritage de processus de planification et de prise de décision très centralisés, conjugués à la faiblesse des capacités institutionnelles au niveau local », témoigne Bousquet. Le deuxième problème est la forte proportion de jeunes dans la population urbaine. Les 15-29 ans sont plus de 140 millions et le taux de chômage qui touche cette catégorie de population est compris entre 20 et 40%, soit le double de la moyenne mondiale. Quelque 50 millions d'emplois seront nécessaires d'ici 2020 pour absorber les jeunes entrant sur le marché du travail, le plus souvent, dans les villes. Enfin, le troisième problème tient au fait que, dans plusieurs pays de la région, les prérogatives des maires ne concernent que la gestion des déchets solides, de l'assainissement et de l'éclairage urbain. En résumé, tous ces facteurs empêchent les maires de répondre pleinement aux demandes de leurs administrés et, si rien n'est fait, « les villes risquent de freiner plutôt que de tirer la croissance », s'alarme le représentant de la Banque Mondiale. Selon ce dernier, pour jouer un rôle crucial dans le développement socio-économique d'un pays, les villes doivent être bien gouvernées, autonomes et gérées dans une optique durable. La croissance et la création d'emplois ne pourront pas se concrétiser, ni être pérennes, si les villes du monde arabe continuent de sous-investir dans l'infrastructure, comme il est le cas depuis la dernière décennie. Pour un développement local intégré Quoi qu'il en soit, il existe cependant une évolution salutaire, selon Franck Bousquet. De plus en plus de pays de la région encouragent leurs villes à rendre des comptes à leurs habitants. La Tunisie, le Yémen et le Maroc misent sur la décentralisation, admettant que, dans une région largement urbanisée, l'amélioration de la qualité de vie de la population est l'affaire des villes elles-mêmes et non plus uniquement de l'Etat. « Ce que nous avons entendu à Rabat, c'est que les pouvoirs publics donnent toujours plus la priorité au développement local intégré. À cette fin, ils commencent à explorer de nouveaux modèles institutionnels décentralisés qui se caractérisent par davantage d'autonomie, mais aussi par une plus grande responsabilité au niveau local. Ce sont là des évolutions passionnantes, qui replaceront au centre des efforts de développement les villes du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, lesquelles accueillent pas moins de 60% de la population de la région », conclut Franck Bousquet.