«Nous sommes une pluie d'éloges, mais il convient quand même de garder la tête froide car nous ne sommes pas encore sortis de l'auberge », c'est la conviction de J. Ping qui considère que l'Afrique, est « un continent aux ressources considérables, le situant au cœur des convoitises et des enjeux du monde ». Avec les changements, actuellement dans le monde, il faut compter avec l'Afrique même si, « à ce jour, elle n'attire que moins de 5 % des IDE», a-t-il précisé. L'homme d'Etat gabonais, est également revenu, dans son propos, sur les éléments qui ont favorisé une vision positive sur l'Afrique. A l'en croire, « nous jouissions désormais d'une meilleure stabilité politique et gouvernance. Beaucoup de conflits ont été résolus ce qui a amélioré la situation politique avec l'instauration de l'Etat de droit, la liberté de la presse, le multipartisme, la démocratie... » Eliminer les frontières et transformer les matières premières En félicitant plusieurs groupes africains dont Attijariwafa Bank, J. Ping a préconisé de suivre leurs exemples, en matière de délocalisation et de décloisonnement. « Le commerce intra-africain reste encore très faible, environ 10 %, du fait de l'absence de voies de communication adaptées et de la fragmentation des frontières », a-t-il déploré. Autre moyen de croissance, « les Africains devraient aller à la conquête de l'Afrique et promouvoir une industrialisation qui va booster le développement avec la transformation des produits agricoles et miniers». Les étudiants ont notamment interpellé J. Ping sur les effets en termes de développement de la croissance africaine et celui-ci a relevé que souvent il n'y a pas de lien entre cette croissance et le développement, les investissements n'étant pas assez employés localement. Enfin sur les investissements chinois, il a précisé que, « ce qui compte ce n'est pas la couleur de l'investissement, ce sont les conditions que l'on pose ». INTERVIEW Jean Ping, ancien président de la commission de l'UA Trois décennies après son retrait de l'Union africaine, que pensez-vous d'un éventuel retour du royaume dans l'organisation panafricaine ? Le Maroc n'a pas été exclu, vous l'avez dit. Le Maroc s'est retiré pour les raisons que vous connaissez. D'abord, il n'existe pas de disposition concernant l'exclusion d'Etat, ce qui veut dire que si le Maroc exprimait le désir de revenir à l'UA, cela ne devrait pas poser de problème. Mais pour le Maroc, cela signifie qu'il siégera aux côtés de la RASD, ce qui est pour lui une chose inacceptable. C'est la raison pour laquelle le Maroc s'est retiré et ce n'est pas facile de revenir dans ces conditions. Quelle lecture faites-vous de la récente tournée africaine du roi Mohammed VI, une manière de se réintégrer dans le continent ? Je crois d'abord avec beaucoup de sincérité que ce sont les Africains qui construiront l'Afrique, et personne d'autre. L'Afrique ne sera réellement construite que par les Africains eux-mêmes. Le Maroc, comme tout pays africain, devrait s'investir dans le développement de son continent. Les entreprises marocaines devraient aller à la conquête du marché africain. Et je voudrais rappeler que le marché africain, c'est aujourd'hui, un milliard d'habitants, donc un milliard de consommateurs. Ce sera le plus grand réservoir de croissance du monde, donc les Africains doivent aller à la conquête de leur propre marché. A côtés de ces éléments positifs, vous savez que l'Afrique est subdivisée en 54 Etats, ce qui révèle une étroitesse de nos marchés, il faut nécessairement décloisonner. Je pense que c'est ce que cherche à faire le Maroc et tous les pays africains devraient aller en ce sens (...) Si le Maroc semble s'orienter vers cette direction, c'est une bonne chose et à encourager. Une solution au conflit du Sahara favoriserait beaucoup le retour du royaume au sein de l'UA. Sur la table des négociations, une seule proposition émanant du Maroc. Quelle est votre opinion sur le dossier, notamment sur l'action de l'ONU ? Il m'est difficile de donner mon opinion dans une affaire comme celle-là où nous avons fait confiance à l'ONU. Elle doit travailler pour trouver une solution, c'est tout ce que je peux dire. Est-ce qu'elle le fait ? Je l'ignore. Si une solution est trouvée, par bonheur, acceptée par tout le monde, le problème est déjà résolu concernant la réintégration du Maroc. Cela ne va pas dire qu'on ne peut pas chercher une solution autre que celle qui consiste à tourner la réponse à l'ONU. C'est vraiment un problème qui non seulement, rend la situation difficile au sein de l'UMA (Union du Maghreb Arabe) et qui bloque tout, mais ça bloque aussi beaucoup de nos relations avec les autres partenaires. Donc, nous avons dû, dans la plupart des cas, dans nos partenariats avec l'Europe, chercher des solutions complexes, avec le Japon, la Chine, la Turquie... Avec tous nos partenaires classiques, le problème se pose toujours.