Mercredi 9 janvier, une travailleuse domestique a tenté de se suicider au quartier Bourgogne à Casablanca. Quelle est votre impression par rapport à cet acte ? L'acte de suicide ne peut être approuvé. Cependant, les causes qui ont amené cette fille à décider de mettre fin à sa vie de cette manière nous interpellent en tant que groupe d'individus engagés dans la protection et la défense des droits des populations en situation de précarité. Ce geste confirme l'état d'abandon et de désespoir des femmes et enfants dans notre pays ce que nous ne cessons de dénoncer par l'action et par le verbe. Cet évènement ne remet-il pas sur le devant de la scène la problématique de la situation des travailleuses domestiques mineures au Maroc ? Il s'agit de drames humains que nous vivons au quotidien dans différentes régions de notre pays. La survenue de tels drames nous amènent à en parler davantage. Selon nous, il appartient aux responsables institutionnels d'élaborer et de mettre en œuvre une stratégie de sensibilisation forte et soutenue. Les ministères sociaux, les instances élues au niveau local et régional doivent s'attaquer à cette pratique sociale inadmissible et que nous condamnons. En novembre 2012, un rapport de «Human Rights Watch» dénonçait l'exploitation des travailleuses domestiques âgées de moins de 15 ans qui vivent dans des conditions difficiles. Est-ce que les lois sur les travailleuses domestiques sont concrètement appliquée au Maroc ? HRW a travaillé, à partir du rapport de notre Collectif associatif travaillant à l'éradication de l'exploitation des filles mineures dans le travail domestique – qui regroupe près de 100 associations - publié début 2011 et de celui du HCP édité il y a un peu plus d'une année. Il existe, principalement, la Loi sur la scolarisation obligatoire et le Code du travail qui pourraient constituer un cadre suffisant pour protéger les filles mineures contre leur exploitation, dont notamment dans le domaine du travail domestique qui nous préoccupe. Sauf que l'Etat ne met pas en place les structures et les moyens humains et matériels pour en assurer l'application efficace et généralisée. Le projet de Loi sur les travailleurs domestiques approuvé par le dernier gouvernement à la fin de son mandat relève, d'ailleurs de la même démarche, même s'il y est prévue quelques mesures répressives. Le Collectif Associatif a élaboré un mémorandum « Pour l'éradication de l'exploitation des filles mineures dans le travail domestique » qui a établi un état des lieux et qui propose des axes de travail pertinents et réalisables, pour peu que la volonté politique existe. Dans son premier rapport sur les travailleurs domestiques dans le monde, l'organisation internationale du travail (OIT) indique qu'il y a 52,6 millions de travailleurs domestiques dans le monde. Peut-on avoir des statistiques sur le nombre de travailleuses domestiques au Maroc ? L'information sur le travail domestique des petites filles de moins de 15 ans, reste éparse et non exhaustive. Dans la dernière note d'information du Haut-Commissariat au Plan (HCP) publiée, le 12 juin 2012, à l'occasion de la Journée mondiale contre le travail des enfants. 123.000 enfants âgés de 7 à moins de 15 ans travaillaient en 2011, soit 2,5% de l'ensemble des enfants de cette tranche d'âge. Ce phénomène est principalement rural, puisque qu'il touche plus de neuf enfants actifs occupés sur dix (91,7%). La proportion des filles y est de 46,7%. L'étude révèle que les travailleuses domestiques migrantes sont les plus exposées à l'exploitation. Est-ce que votre association mène des actions en faveur des travailleurs domestiques en général et celle des employés migrants en particulier? L'association INSAF dans son plan stratégique 2012-2016 vise à mener une étude sur la situation des mineures subsahariennes et asiatiques exploitées comme domestiques. Notre Association a à ce jour sauvé près de 250 « petites bonnes », et depuis 2009, elle agit dans la cadre du collectif associatif pour la promulgation d'une loi spécifique et pour la mise en place de structures et de moyens pour appliquer la loi. S'agissant d'enfants mineurs nous ne faisons aucune distinction sur leurs origines dans notre approche. Les enfants ont droit à l'éducation et à la vie en famille.