Echec et Mat est un jeu de pistes grandeur nature à travers tout le Maroc sur trente ans et deux générations». C'est par ses mots qu'Othman Naciri présente son premier long métrage. Trois histoires s'y entremêlent: celle d'Omar (interprété par Omar Lotfi), ancien trafiquant de drogue qui a évité la prison en se faisant interner dans un hôpital psychiatrique, celle d'Ali (Mourad Zaoui) jeune homme prospère dont le destin se bousculera en temps de crise économique, et celle de Said (Said Bey), trafiquant de clandestins, en cavale contre la police dans le sud du pays. Trois histoires parallèles qui se croisent et dont l'énigme ne peut se résoudre qu'en remontant trente ans auparavant sous l'action d'un seul homme usurpant l'identité de son ami et chamboulant le destin de trois générations. Une histoire de manipulation familiale donc, prétexte de l'auteur pour soulever une plus grande question, « celle de savoir si l'évolution des personnages est fruit de leur propre intelligence ou celle de manipulations des autres ». En d'autres termes, sommes-nous maîtres de notre destin ou victime de manipulation ? En faisant ce film, Othman Naciri était motivé par une envie de rassembler en un seul fil conducteur plusieurs destins marocains, toutes classes sociales et toutes régions confondues. Le réalisateur souhaitait donner une vision plus réelle de l'identité marocaine, dans sa globalité et sa diversité. « Le film véhicule de nombreux messages dont un hommage à la force et au courage des femmes », indique Othman Naciri. Il pousse également à la réflexion sur les thèmes de l'amitié et de la fraternité. Que reste-t-il de la confiance établie uniquement par un lien parental lorsque ce lien est mis en doute ? « Dans le film, la confiance établie entre deux personnages est basée sur leur lien parental. Le film pose la question de savoir ce qui advient de cette relation de confiance lorsque le lien de parenté se révèle inexistant », explique Othman Naciri. Course contre la montre La thématique du temps n'est pas nouvelle dans l'oeuvre de Naciri. « Je joue beaucoup avec le temps dans tous mes films. Je le considère comme un personnage à part entière», explique le jeune réalisateur. « Il y a une sagesse que j'apprécie beaucoup : ‘si vous voulez connaître quelqu'un ou si vous voulez comprendre quelque chose, confiez-la au temps' ». Dans «37 Kilomètres Celsius», court-métrage réalisé en 2009, Othman Naciri mettait en scène Karim Saidi et Myriam Raoui dans une course contre la montre. Les deux personnages se retrouvent sur une route déserte coincés par un tournage de film de guerre. Lui est en retard à son propre mariage et elle détient un ticket gagnant au loto, en chemin pour récupérer son gain. Une âme d'enfant Othman Naciri fait partie de cette nouvelle génération de réalisateurs marocains qui choisissent de revenir au pays. Né à Casablanca, il poursuit ses études de cinéma à Paris où il obtient un diplôme de l'ESRA (Ecole Supérieure de la Réalisation Audiovisuelle) en 2004. Il décide de rentrer au Maroc en 2005. « C'est un pays où tout reste à construire et où il y a tellement de possibilités », affirme-t-il. Othman Naciri est également motivé par un devoir citoyen de servir son pays : « Autant construire dans son propre pays», dit-il. Il a à son actif quatre courts-métrages, dont Sin Palabras et 37 Kilomètres Celsius, ainsi que quelques documentaires réalisés principalement en Espagne. Othman Naciri a la « phobie de perdre son âme d'enfant ». Rien ne semble pourtant l'arrêter. « Il y a bien sûr des difficultés, notamment financières. Et c'est aussi une profession où il n'y a pas de répit, mais les difficultés existent partout, autant les subir dans un métier qui me passionne », ajoute-t-il. « Le cinéma est un rêve d'enfance. Pourquoi est-ce qu'un rêve d'enfant serait trop beau pour être vrai ? Allons-jusqu'au bout de l'aventure ». Il a créé récemment sa propre société de production, Hemera Films et s'est entouré d'une équipe jeune et motivée qui souhaite apporter « une touche nouvelle à un cinéma marocain jeune et à l'écoute d'un public de plus en plus exigeant en terme de qualité ». Echec et Mat est actuellement en post-production et sa sortie est prévue courant 2013. Le second long-métrage d'Othman Naciri est déjà en écriture. Hemera Films produit également le court-métrage Play d'Ali Berrada, et collabore avec Sonia Terrab pour l'adaptation de son livre Shamablanca.