La morosité dont souffre la Bourse de Casablanca risque de lui coûter sa présence dans l'indice de Morgan Stanley, MSCI Emerging Market (EM). D'après une note conjoncture publiée par une société de la place boursière, parmi les 21 pays composant le MSCI EM, le Maroc est le seul menacé d'une éjection de l'indice. Cette perspective est probable pour la prochaine révision en juin 2013. La note apporte des précisions sur la nécessité de surveiller avec attention le comportement du marché boursier marocain suite au fort repli de la capitalisation flottante marocaine, à la tendance baissière du taux de rotation des valeurs cotées et à l'accroissement de la volatilité. Depuis le déclenchement de la crise financière mondiale et malgré les fortes résistances du Maroc face à son environnement extérieur, le marché boursier s'est montré fragile. «Le recul des volumes transitant par le marché local devient de plus en plus atone et absorbe difficilement les titres disponibles à l'achat ou à la vente», soulignent les analystes dans leur note. Le concept de marché liquide correspond à la possibilité pour un investisseur d'effectuer une transaction au prix affiché pour un volume important sans affecter pour autant le cours du titre. Un manque de liquidité se traduit par une décote des valeurs car le risque pris par l'investisseur est plus important. Il reflète aussi le cycle de récession dans lequel les investisseurs adoptent une politique d'attentisme émanant de leur crainte de ne pouvoir liquider leurs titres en cas d'une vente massive. Par conséquent, les titres relativement liquides sont les plus pénalisés car ils sont les premiers à subir le choc de volume. C'est la situation que vit le marché boursier marocain actuellement, avec l'attentisme des institutionnels. La mise sous surveillance du Maroc est la conséquence tout d'abord de la dégradation continue et structurelle du niveau de liquidité du marché. En effet, le volume moyen quotidien sur la période 2008-2012 a été divisé par 3, passant de 300 millions de DH à moins de 100 millions de DH. Ce niveau d'activité demeure très faible en comparaison à d'autres pays de la région. Le poids du Maroc dans l'indice MSCI EM pénalisé par la faible représentativité de la place casablancaise dans l'indice constitue un autre handicap au niveau international. Après le reclassement de BMCE et CGI en 2009, la radiation de l'ONA de la cote en 2010 et la révision à la baisse de la pondération de Maroc Telecom, le MSCI EM Maroc s'est limité à trois valeurs, ADDOHA, Maroc Telecom et Attijariwafa bank. Résultat : cela a limité en 4 ans le poids du Maroc dans l'indice à 0,1% au lieu de 0,4% en 2008. Selon les règles du MSCI EM, au moins trois valeurs doivent valider les critères minimaux de liquidité et de capitalisations. Aujorud'hui, Attijariwafa bank ne répond plus aux critères de liquidité. La banque affiche un ratio de liquidité de 11,8% contre un niveau de 15% fixé par MSCI EM. La valeur Maroc Telecom s'approche dangereusement du seuil de non appartenance, elle remplit tout juste les conditions avec un ratio de liquidité de 15,1%. Ce qui pointera la liquidité comme cause principale d'une éventuelle reclassification vers le MSCI Frontier Markets (FM). Un indice regroupant des valeurs moins liquides et connaît ainsi un très faible niveau de volumes devant le niveau du MSCI EM. En testant l'éligibilité du top 10 des valeurs les plus liquides sur le marché, Managem, Alliances et Samir répondent à ce critère. Ils ne satisfont pas pour autant les conditions sur la capitalisation globale et la capitalisation flottante. En revanche, la BCP, qui répond à l'ensemble des critères, mais ne figure pas encore dans l'indice, peut faire l'objet d'une éventuelle intégration, que l'on juge méritée. Néanmoins, le nombre très limité de valeurs marocaines dans l'indice est un véritable handicap. En l'espace de 10 ans, elles sont passées de 12 à 3 valeurs. Aujourd'hui, le Qatar, ou les Emirats-Arabes-Unis, actuellement classés en MSCI FM, représentent de très bon candidats pour le MSCI EM pour la révision de 2013. Dans le cas de l'ajournement du classement éventuel, Le Maroc deviendra moins visible si les deux candidats potentiels viennent à intégrer l'indice avec respectivement 13 et 9 valeurs. Le Maroc pèse 0,1% de l'indice actuellement contre 0,3% pour l'Egypte, 1,6% pour la Turquie et 7,3% pour l'Afrique du Sud. Risque de fuite des étrangers Un déclassement pourrait avoir des retombées néfastes sur les plans quantitatif et qualitatif. D'une part, il engendrerait un désengagement automatique d'un nombre important d'investisseurs étrangers. Actuellement, les participations des fonds d'investissement dans les valeurs du MSCI EM sont estimées à plus de 253 milliards de dollars contre 71 millions de dollars dans le MSCI FM, d'après une note d'une banque d'affaires de la place. D'autre part, faire partie du club des pays émergents permet à un marché boursier de gagner énormément en crédibilité et en visibilité sur la scène internationale. Un éventuel déclassement du Maroc en un « pays frontière » aurait un impact défavorable sur l'image de la Bourse de Casablanca. De leurs côté, les investisseurs marocains restent très influencés par le comportement des intervenants étrangers, ce qui enfoncerait la liquidité de la place et entraverait les projets d'investissement dont notamment celui de Casablanca Finance City.