Le 24 décembre 1982 mourait à Paris Louis Aragon qui avait écrit « Il ne m'est Paris que d'Elsa ». Trente ans plus tard, c'est Hakim Beddar, un peintre et graveur né à Alger en 1962 qui rend hommage au couple que formèrent Louis Aragon et Elsa Triolet en accompagnant de gravures originales le premier poème du recueil Les yeux d'Elsa où Aragon proclamait : Le 24 décembre 1982 mourait à Paris Louis Aragon qui avait écrit « Il ne m'est Paris que d'Elsa ». Trente ans plus tard, c'est Hakim Beddar, un peintre et graveur né à Alger en 1962 qui rend hommage au couple que formèrent Louis Aragon et Elsa Triolet en accompagnant de gravures originales le premier poème du recueil Les yeux d'Elsa où Aragon proclamait : « Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent Moi je voyais briller au-dessus de la mer Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa » La chronique de Salim Jay Cet hommage est particulièrement élégant et il touche d'autant plus si l'on se souvient qu'Aragon préfaça le recueil de Mohammed Dib Ombre gardienne. Le lien au Maghreb d'Aragon s'est donc poursuivi de nos jours avec Hakim Beddar qui vit aujourd'hui dans la Drôme et me raconte, car j'ai eu le plaisir de le rencontrer à la faveur d'un récent Salon du livre à Romans sur Isère dédié à la littérature du Maghreb et du monde arabe : « Madame Anne-Laure Cottance, voisine et originaire de la région est parmi les premières personnes que j'ai rencontrées en arrivant en France en 1999. Fille de Jaques Brunius (membre des surréalistes, membre de l'équipe des « Français parlent aux Français » à la BBC pendant la Seconde Guerre mondiale à Londres, « découvreur » du Palais Idéal du Facteur Cheval à Hauterives-Drôme-), elle m'a présenté son amie Mady Chancel qui a participé activement à la résistance dans la Drôme avec son mari, amis du couple Aragon. Ce fut une heureuse rencontre avec cette grande dame. Devant son chevalet en train de finir une peinture (un paysage) avec beaucoup de fierté malgré la blessure qu'elle portait en elle, Mady Chancel m'a raconté l'histoire d'Aragon et d'Elsa séjournant à Saint-Donat-sur-l'Herbasse dans la Drôme, pendant la guerre dans la clandestinité (juillet 1943-septembre1944) sous le nom des Andrieux et l'amitié qui les a liés, la correspondance qu'elle entretenait avec eux, en gardant précieusement leurs lettres et leurs livres dédicacés ». Cette allusion à des livres dédicacés par Elsa Triolet et Louis Aragon précieusement conservés par leur amie me fait un effet particulier : un jour où j'étais particulièrement fauché, il y a une quarantaine d'années, je revendis mon exemplaire du « Rossignol se tait à l'aube » d'Elsa Triolet malgré la dédicace... J'ai le souvenir aussi d'un coup de téléphone d'Aragon pour me remercier d'un article que j'avais consacré à son recueil Les chambres. Quand on songe à la goujaterie à peu près généralisée parmi nombre des jeunes (on moins jeunes) écrivains d'aujourd'hui qui, pour rien au monde, ne remercieraient d'un article, la gentillesse d'Aragon est un souvenir qui laisse pantois. Mais revenons à Hakim Beddar et aux 15 exemplaires de son livre d'artiste, signés et justifiés par lui réservés par souscription pour les médiathèques, les bibliothèques ainsi que les particuliers (riches) qui peuvent le commander à [email protected]. Jean Ristat, poète lui-même dont « Ode pour hâter la venue du printemps » (Gallimard, 2008) a été singulièrement éclairée dans la subtile préface d'Omar Berrada, est l'exécuteur testamentaire de Louis Aragon. Il a immédiatement autorisé Hakim Beddar à reproduire des extraits des « Yeux d'Elsa en regard des corps suggérés sensuellement par l'artiste, cependant que des arabesques folâtrent autour. Les vers d'Aragon comme tatoués subliminalement résonnent à neuf, soixante-dix ans après leur écriture : Les yeux d'Elsa « Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire/J'ai vu tous les soleils y venir se mirer/S'y jeter à mourir tous les désespérés /Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire ». Hakim Beddar a été aussi inspiré par un autre chantre de l'amour, Si Mohand ou Mhand dont les poèmes avaient été traduits et mis en lumière dans « Errance et révolte » (Paris-Méditerranée/ Edif 2000) avec une présentation de Younes Adli. C'est ainsi que l'artiste algérien choisit d'illustrer Poésies Kabyles de Si Mohand. Le grand poète kabyle de l'errance, de la révolte et de l'amour avait à peine quatorze ans, en 1857, quand son village natal fut rasé par l'armée française, et ses habitants expropriés contraints au déplacement. On a cité quelques vers des Yeux d'Elsa de Louis Aragon, en voici quelques autres de Si Mohand ou Mhand : « Dis à la fille aux yeux verts Aux sourcils bien tracés, Cette perdrix encagée, Qu'elle m'a mis dans la tourmente Avec ses cils foncés » Que se rencontrent ainsi dans l'art nuancé de Hakim Beddar les ombres gardiennes de Louis Aragon et de Si Mohand ou Mhand, voilà qui invite à espérer que ce peintre qui fut jadis scénographe en vienne à illustrer quelque jour des poèmes de Mohammed Dib dont Aragon écrivait : « De la douleur naît le chant. D'abord étonné de soi-même. Puis on dirait que pour mieux se reconnaître, l'homme assure mieux dans sa main le miroir. Ayant comparé le monde et sa parole s'il poursuit, sur cet instrument donné, c'est comme au premier moment pour ne retrouver que ce qui est de sa gorge ». Le rossignol se tait à l'aube ? Il suffit de lecteurs et d'un peintre, parfois, pour réveiller l'oiseau-lyre. * Tweet * * * VN:F [1.9.21_1169] Patientez Rating: 0.0/5 (0 votes cast) VN:F [1.9.21_1169] Rating: 0 (from 0 votes)