Vendredi 23 octobre, l'acteur français Jean Louis Trintignant a présenté un florilège de poésie au théâtre Mohamed V. Il est le troisième «Jean», français et célèbre, à fouler les planches de ce théâtre. En effet , si Jean Piat et Jean Paul Belmondo s'y étaient produits en tant que comédiens , l'un rendant hommage à Sacha Guitry , l'autre retrouvant les tréteaux de théâtre après un long itinéraire cinématographique (la pièce s'intitule «Frédérick ou le boulevard du crime'») Quand à Jean Louis Trintignant, il vient y répandre de la bonne parole poétique. Cet engouement lyrique ne date pas de cette soirée. Déjà Louis Aragon le fou d'Elza et Apollinaire eurent les honneurs du «remember». Cette fois, ce sont Jacques Prévert, Boris Vian et Robert Desnos qui sont ressuscités par le grand acteur. Accompagné d'un excellent accordéoniste, Trintignant lut plusieurs poèmes écrits par leur auteur respectif sur de sujets divers. On eut à deux reprises l'occasion d'entendre la Sarabande suite N1 de Bach. Ainsi, le timbre musical grave du violoncelle a cédé le ton aux sonorités ludiques de l'accordéon. Jean Louis Trintignant a débuté sa carrière cinématographique dans l'année où l'auteur de ce billet est né. Cela voudrait dire que mon âge équivaudrait à sa carrière d'acteur. Comme je sens que j'ai assez existé, cela prouve l'immensité de cette carrière. J'ai vu beaucoup de ses films à l'époque où je fréquentais le ciné-club du CCF. On accourut à sa rencontre quand il fut invité par cette dernière institution culturelle. On avait apprécié son rôle de juge irréductible dans le célèbre film «Z» de Costa Gavras. On se souvient aussi du long métrage Les Liaisons dangereuses de Roger Vadim et Un homme et une femme de Claude Lelouch , sans oublier le film pour lequel il a eu le prix de la meilleure interprétation masculine L'homme qui ment. Une de ses citations m'avait tout particulièrement interpellé: «Un rôle, c'est l'addition d'une quantité de petits détails qui ne se remarquent pas. Ce sont des silences, voire des absences». Ce fut un plaisir de la lui rappeler en fin de prestation. Une soirée «orphéenne», pleines d'expressions métaphoriques. J'espère que cette grande star aura le temps de lire le petit recueil que j'avais publié au Canada sous le titre «Au delà de l'Artifex, je dis» et que j'eus l'honneur de le lui dédicacer au même titre que la diva du folksong Joan Baez et le vétéran du cinéma indien Amitabh Bachchan .