Le chef du bureau de la défense du Tribunal spécial pour le Liban, François Roux, mène une campagne de sensibilisation auprès des pays arabes appelant leurs juristes à s'impliquer dans le droit international. Seul un avocat marocain est reconnu par le TSL, Abdellatif Ouahbi. François Roux, chef du bureau de la défense du TSL. L'espoir a toujours nourri ses projets. Le célèbre avocat François Roux, aujourd'hui à la tête du bureau de la défense du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), plaide désormais pour une nouvelle cause, celle d'impliquer les juristes arabes dans les cours internationales, à son évolution et à son avenir. «Le TSL est le premier tribunal dans lequel a été créé un bureau de la défense à égalité avec le bureau du procureur. L'objectif en a été d'assurer enfin devant les tribunaux pénaux internationaux une égalité d'armes entre l'accusation et la défense, ce qui n'était pas assez le cas. Dans les premiers tribunaux, il n'existait pas de bureau de la défense, mais une section sous la tutelle du greffe », explique au « Soir échos », François Roux soulagé que la communauté internationale ait fini par rectifier le tir en créant quatre organes : Le président, le procureur, le greffier et la défense. Une campagne de sensibilisation François Roux mène donc une campagne de sensibilisation. « C'est dans ce cadre que j'ai souhaité rencontrer les barreaux du Maroc et juristes marocains pour les informer de ce qui se fait au TSL, premier tribunal à avoir l'arabe comme langue officielle avec l'anglais et le français, le premier à rendre des décisions en arabe. Je pense qu'il est important que les juristes du monde arabe et de tradition romano-germanique (par opposition à la tradition anglo-saxonne) s'intéressent, d'une manière générale, à la justice pénale internationale, mais surtout au TSL », affirme-t-il. Le chef du bureau de la défense du TSL s'est donné trois jours, du 3 au 5 décembre, pour tenir une série de réunions de travail avec différents responsables. Il a ainsi rencontré le Délégué interministériel aux droits de l'Homme, le secrétaire général du Conseil national des droits de l'Homme et le président de la Chambre des conseillers, ainsi que le président de la commission parlementaire de la justice. Auprès de la société civile, il s'est entretenu avec l'Association « Adala » et l'Association nationale des barreaux du Maroc. « A tous mes interlocuteurs, j'ai transmis le même message : ce qui se passe dans les juridictions internationales est très important, il faut que les juristes marocains y participent », précise-t-il, estimant que ses premiers échanges ont été très satisfaisants. « J'aurais l'occasion de revenir pour les approfondir, c'était juste une première visite », promet François Roux. Un seul Marocain au TSL Aux échanges devraient succéder une réelle collaboration à travers des séminaires et des ateliers de formation sur la justice internationale. « Nous avons développé au sein de mon bureau des formations extrêmement précises que nous mettrons à la disposition des juristes marocains s'ils le souhaitent. On doit absolument faire la promotion du droit pénal international », insiste le chef du bureau de la défense au TSL qui a été appelé, dans le cadre de sa mission, à établir une liste d'avocats pouvant représenter des accusés devant ce tribunal. « Depuis quatre ans, on a inscrit à peu près 140 avocats du monde entier, mais très peu du monde arabe. Nous n'en avons qu'un seul pour l'Algérie, la Tunisie et le Maroc représenté par maitre Abdellatif Ouahbi », indique François Roux soulignant que son bureau apporte à ces avocats un soutien juridique et logistique et met à leur service son officier de liaison à Beyrouth pour les aider à accomplir leur travail sur le terrain. L'un des rares Marocains à s'être inscrits à la cour pénale internationale, Abdellatif Ouahbi a présenté sa candidature au TSL auprès de 700 avocats du monde entier. Après examen oral et étude de dossier, Ouahbi a été retenu sur sa liste des avocats agréés depuis deux ans déjà. « Si j'ai choisi de concourir, c'est surtout pour rester au diapason du droit international, son évolution et ses jurisprudences», déclare-t-il. C'est à son initiative d'ailleurs, que François Roux s'est entretenu avec différents responsables au Maroc. « Le Maroc doit disposer d'ambassadeurs auprès des tribunaux internationaux, ce qui n'est pas le cas pour le moment », regrette Ouahbi annonçant que des tentatives sont en cours pour susciter le débat autour de la question et de l'implication du Maroc dans le droit pénal international. « Nous travaillons sur une convention avec les facultés marocaines de droit et une journée d'étude sur la Cour pénale internationale. Il faut fédérer les efforts de la Coalition et des associations pour la ratification des conventions internationales qui lui sont liées. Ce qui permettrait au Maroc d'être plus présent notamment dans le conflit syrien », estime Ouahbi convaincu qu'entre ses espoirs et la réalité, l'écart est trop grand. « C'est un rêve d'être réellement présent sur le plan juridique international. Il faut du temps et une grande culture en matière de droit international où les magistrats sont d'abord de grands spécialistes », souligne-t-il. Ouahbi reconnaît le retard du Maroc mais aussi celui des pays arabes insistant sur l'urgence d'établir les bases d'une coopération. Un retard à rattraper Cela commence par susciter l'intérêt. « Intéressez-vous à la justice pénale internationale, soit le TSL, soit la Cour pénale internationale ! ». C'est l'appel qu'a lancé François Roux à ses interlocuteurs, dont la faculté de droit de Rabat où il a tenu, mardi, une rencontre. « Je leur ai rappelé que le droit pénal international est toujours en création, la justice pénale internationale n'a que 16ans, c'est encore un bébé aux yeux de l'humanité. Dans ses débuts, elle a été imprégnée par le droit anglo-saxon et américain, parce qu'ils étaient là en premier. Il est temps que la tradition romano-germanique s'impose. Demain, toutes les jurisprudences qui sont entrain de s'élaborer dans les juridictions vont s'appliquer à toutes les juridictions internationales. Il faut que le Maroc s'y prépare », plaide-t-il. Et d'ajouter que tous les Etats modernes tels le Maroc prévoient dans leur Constitution que le droit international préemptera sur le droit national. « Faut-il encore que les juristes du monde participent à l'élaboration du droit international ! », insiste-t-il. Le chef du bureau de la défense du TSL étaye son appel d'arguments irréfutables. «Il existe des difficultés dans le droit pénal international, à commencer par les procès très longs et très coûteux. Je pense que si nous apportions un peu plus de cette tradition de culture romano-germanique, nous ferions en sorte que les procès aillent plus vite », estime-t-il. Le rêve de François Roux se résume ainsi : prenons le meilleur des deux systèmes pour le progrès de la justice. * Tweet * *