La vitesse mène à tout. Lauréate du prix du courage de l'International Women's Medias Foundation en 2004, en 2004, Salima Tlemçani livre dans le numéro 2 de Rukh une enquête concernant le consortium japonais pour l'Autoroute algérienne (COJAAL) et ses difficultés à parvenir à la mise en service des 399 kilomètres reliant Bordj Bou Arrerij [...] La chronique de Salim JAY La vitesse mène à tout. Lauréate du prix du courage de l'International Women's Medias Foundation en 2004, en 2004, Salima Tlemçani livre dans le numéro 2 de Rukh une enquête concernant le consortium japonais pour l'Autoroute algérienne (COJAAL) et ses difficultés à parvenir à la mise en service des 399 kilomètres reliant Bordj Bou Arrerij (au centre) à la frontière tunisienne. Le consortium japonais a été fragilisé financièrement par un séisme, un tsunami et la catastrophe de Fukushima. Salima Tlemçani détaille les entrelacs d'une négociation algéro-japonaise sur fond de défi climatique et financier. Elle use parfois de formules poétiques : « L'Algérie est un marché sphinx. Sa pyramide des âges en « pagode », ses ressources gazières inestimables et les lourdeurs administratives qui les accompagnent sont désormais légendaires ». La journaliste ne se contente pas d'assertions, elle démêle l'écheveau (mais Rukh écrit dêmèle, si bien que les coquilles qui se nichent parfois dans cette chronique m'apparaissent moins douloureuses...) La conclusion de Salima Tlemçani ? « Si ITOCHU, le coffre-fort de COJAAL, a un genou à terre, l'Algérie dispose de réserve de changes avoisinant les 200 milliards de dollars (...) De quoi faire le premier pas pour débloquer rapidement ce dossier... » La description par Salima Tlemçani d' « un marché public pas comme les autres » est minutieuse et très informée. Romain Poirot-Lellig, maître de conférences à Sciences Po Paris, a, lui, imaginé pour Rukh un jeu vidéo du nouveau monde arabe, ARAB SPRINGS IV où Samir « étudiant égyptien orphelin et débrouillard » se retrouve plongé au cœur de la révolution égyptienne. Des développeurs marocains, à Casablanca, travailleraient sur le projet depuis plus d'un an nous affirme l'article brillamment illustré par Superbirds. Jusqu'au moment où le pot-aux-roses nous est avoué : « tout ce que vous venez de lire n'est encore que pure fiction. Mais cela pourrait changer rapidement. » Aussi le potentiel économique et culturel des jeux vidéo n'est-il pas négligé aux Emirats : « Abou Dhabi a lancé en 2008 un programme au sein de sa Media Zone. » L'un des charmes de Rukh est la révélation des possibles au-delà des restrictions mentales. Aller de l'avant n'effraie pas les deux jeunes architectes Fréderic Karam et Leonard Gurtner qui, cherchant un thème pour leur sujet de diplôme ont créé ELHUB, un collectif qui propose le développement de plateformes (hubs sur l'eau pour accueillir et encourager le transport par la mer). Karam explique que l'intention est de réconcilier le terrestre et le maritime, les plateformes amovibles devenant « des endroits dynamiques au sein desquels des gens partagent des biens et des idées ». Tout cela suite à l'idée d'un architecte norvégien : relier toute la côte libanaise en deux heures et demie par l'eau. Hachemi Ghozali, fondateur et rédacteur en chef de Rukh a, lui, choisi de rencontrer Aly Horma, qui est d'origine mauritanienne, PDG de la société organisatrice du Grand Prix Automobile de Marrakech. L'impact économique direct de MGP sur la ville et la région dépasse les 220 millions de dirhams. On apprend que « même si les femmes pilotes restent malheureusement rares dans le championnat du monde, au niveau national, plusieurs femmes pilotes son sacrément douées. » Donc, oui au machinisme et non au machisme. Zoé Deback a vu « la révolution des bécanes en Tunisie » et c'est Sonya qui raconte : « Quand je roule, (...) c'est de l'épanouissement pur. » Ces temps derniers, de nouveaux clubs de motocylisme sont nés à Hammamet, Gabès, la Soukra, Bizerte... L'argent est, bien sûr, le grand problème des passionnés. La journaliste, notant le développement d'une moto sportive responsable, désigne cette attitude comme « le stade adulte des pétarades rebelles de l'adolescence. » La première phrase du reportage de Benjamin Hoffman est étrange : « En lettres dorées sur les panneaux de la salle d'arrivée de l'aéroport de Mascate, les yeux me brûlent. » On y apprend que le marché de la voile, sport écolo et élitiste, ouvre a Oman des perspectives de niche touristique, tandis qu'à la marina Bandar al Rawda, (...) les vingt élèves d'une école du coin équipent leurs dériveurs. » A Oman, où 43% de la population a moins de quinze ans, les élèves s'essayent a la navigation dans des centres dédiés. Avec l'espoir d'une médaille aux Jeux Olympiques 2020. La richesse du sommaire de ce numéro 2 de Rukh est presque surprenante. On y lit un reportage en Libye de Mathieu Galtier (photos de Taha Al Sayeh Al-Jawashi) A Tripoli, moyennant 5 dinars, l'usager d'un cybercafé, outre une adresse email, reçoit un cours accéléré de Facebook. La nouvelle inédite de Fouad Laroui commence dans un avion de ligne. Son héros n'a pas de téléphone portable ! A l'entendre, les seules questions qui vaillent, Hayy Ibn Yakzân les posait déjà il y a mille ans : « L'âme du monde est –elle une ? Ou plusieurs ? » La section Rythmiques de la revue n'est pas la moins alléchante. Elle est emmenée par Mounir Kabbaj, acteur des musiques du monde à Paris qui réagit à l'électro-pop de la Libanaise Yasmine Hamdan et au rock électro de la chanteuse tchèquo-yéménite d'Al Yaman. Il salue enfin le collectif tuniso-palestinien Checkpoint. Le sculpteur et tagueur Kenichi Yokono offre ensuite une illustration en noir et rouge du crash de Saint Exupéry dans le désert libyque, le 30 décembre 1935, épisode dont est imprégné Terre des hommes qui parut en 1979. Ce n'est pas fini ! Amin Maalouf évoque pour Brigitte Stora « Les Arabes et le temps ». Le numéro 2 de Rukh s'achève à Kaboul « ville foutraque qui laisse la place à un sport de glisse, d'adrénaline et de crash : le skate. (...) Début octobre, raconte Solène Chalvon, une bombe destinée à exploser dans l'enceinte de l'OTAN a manqué sa cible. » Parmi les morts, Khorshid, quatorze ans, qui était instructrice de skate. Skateistan accueille trois cents gamins, « avec leurs planches qui ont l'air d'être magnétisées aux chaussures ». Ceux qui les regardent de travers feraient mieux de lire Rukh, cette belle revue qui mériterait d'exister en diverses versions, dont l'arabe et l'afghane. Mais c'est une version anglaise qui devrait paraître bientôt... * Tweet * *