Après cinq mois d'enquête dans 15 prisons, le Conseil national des droits de l'Homme constate la crise dont il fait une responsabilité partagée. Il propose 100 recommandations pour la protection des droits des détenus. Le CNDH a adressé 100 recommandations aux différentes institutions concernées par la situation des détenus. Des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les détenus subissent les pires châtiments que le CNDH décrit dans son nouveau rapport sur la situation des prisons et des prisonniers, présenté hier à Rabat. Les conclusions de son enquête, supervisée par Jamila Sayouri, ne dévoilent aucun secret, mais confirment un constat qui avait été déjà établi par la même institution, il y a quelques années (premier rapport établi en 2004 et actualisé en 2008). « Falaqa », les exactions à la peau dure Les mêmes violences rongent encore les prisons. Au sein des15 centres pénitentiaires auxquels s'est rendu le CNDH entre le 31 janvier et le 19 juin 2012, les détenus accusent le personnel de les transformer en souffre-douleur. « Les violations se manifestent par des coups portés aux moyens de bâtons et de tuyaux, la suspension sur des portes à l'aide de menottes, les coups administrés sur la plante des pieds (falaqa) », indique Jamila Sayouri relatant les principales conclusions du rapport. Aux violences physiques, qui se manifestent aussi par les gifles, les pincements à l'aide d'aiguilles et les brûlures, s'ajoutent les insultes et le déshabillage forcé des détenus. Des traitements dégradants que l'on retrouve dans la majorité des prisons visitées « avec une prévalence et une intensité qui diffèrent d'une prison à une autre, à l'exception des prisons d'Inezgane et de Dakhla où des cas isolés ont été enregistrés », précise le rapport. Oujda, Nador, El Hoceima, Kénitra, l'enquête du CNDH a concerné des lieux de détentions variés. « Notre sélection des prisons n'a pas été arbitraire, elle a pris pour base des plaintes adressées par des détenus. Nous nous sommes rendus à des centres pour mineurs, à des prisons anciennes et d'autres en voie de construction », souligne le secrétaire général du CNDH, Mohamed Sebbar. Responsabilité collective Si le Conseil met le doigt sur la crise des prisons, ce n'est pas dans la volonté d'en accuser une partie, et plus particulièrement, la Délégation générale de l'administration pénitentiaire et de la réinsertion, dont le responsable, Hafid Benhachem, a d'ailleurs marqué sa présence à l'occasion. Le président du CNDH, Driss El Yazami, tient à le préciser en affirmant à plusieurs reprises que « face à la crise structurelle des prisons, la responsabilité est partagée ». « Pour être sincère, la Délégation générale n'est pas l'unique responsable de la crise des prisons. Dans le dahir de création de celles-ci, il est stipulé qu'un comité réunissant tous les secrétaires généraux des ministères doit se réunir autour de la situation des prisons. La Délégation générale a demandé la tenue de cette commission tout au long des gouvernements successifs, mais en vain et nous en avons la preuve », déclare El Yazami. Le CNDH salue, en fait, la délégation pour ses efforts en matière de réaménagement et de construction des établissements pénitentiaires et de lutte contre la corruption malgré le manque des moyens financiers et humains. Mais il critique, en revanche, le privilège qu'elle accorde à « la politique sécuritaire au détriment de la sécurité des détenus et le recours excessif aux mesures disciplinaires prévues par la loi 23/98 (...) en l'absence ou insuffisance d'un contrôle effectif ». Recommandations Elles sont au nombre de 100 adressées aux différents secteurs concernés de près. A la Délégation générale, s'ajoutent le ministère de la Justice et des libertés, le ministère de l'Intérieur et les acteurs associatifs et politiques. « Toutes me semblent urgentissimes à commencer par une conférence nationale devant permettre d'établir un diagnostic partagé de la situation des prisons. La seconde est l'accélération de la ratification par le Maroc de la convention européenne pour la prévention de la torture au plus tard en 2013 », insiste Driss El Yazami. La troisième recommandatione concerne le budget qui pour le CNDH, doit être conséquent pour parvenir à la réhabilitation des détenus. « Nous ne voulons pas que ces recommandations connaissent le même sort que celles de notre premier rapport où une étude comparative a révélé qu'aucune n'a été mise en œuvre », prévient El Yazami annonçant que le CNDH compte assurer le suivi. * Tweet * *