Le 6e Festival international du film de femmes de Salé s'est achevé le 23 septembre dernier. Douze films, douze regards ont définitivement signé l'exploration d'une narration riche et contrastée. Retour sur certains films, les temps forts de cet événement. Extrait du film « Hanezu » de la réalisatrice Naomi Kawase (à droite). Et Extrait du long-métrage « La dernière piste » réalisé par Kelly Reichardt (à droite) Les femmes et les hommes, des auteurs simplement habités par leur art, ont donné à voir la richesse et la complexité de leurs pays et de leurs œuvres. Si les thématiques abordées se dessinent à travers deux aspects majeurs, l'amour et les faits liés à l'Histoire contemporaine et passée, ce 6e Festival international du film de femmes de Salé a présenté de grands films. Des cinéastes qui maîtrisent manifestement la narration et la forme de leurs récits, offrant un moment de cinéma intense car simple et sans fioritures. Témoin, la première journée de cet événement, le 22 septembre dernier, où sur l'écran géant du cinéma Hollywood de Salé, les festivaliers, la profession et la critique ont été embarqués dans trois ouvrages différents et pourtant, saisissants. Signé par la cinéaste américaine Kelly Reichardt, le long-métrage « la dernière piste », évoque la peur de l'autre alimentée par l'ignorance, sur fond de ruée vers l'or. Esthétique hors pair, la beauté du désert et son silence, sont les seuls compagnons de route de trois familles chrétiennes, fortement imprégnées de culture biblique, les versés de la Bible sont une messe quotidienne, une litanie déclamée par les différents disciples des ces fratries. Rétention de dialogues, prédominance de l'image, la cinéaste déroule un récit tout en contemplation, ponctué de souffrances physiques et psychologiques : assoiffées et harassées, les familles ont peu à peu une défiance croissante à l'égard de leur guide et « messie », Meek, un trappeur pétri de vanité et de violence. Il prétend les mener vers un eldorado débordant d'eau, mais depuis plusieurs jours, le convoi de femmes, d'enfants et d'hommes tourne en rond, avec le désert, pour seul repère. La caméra de Kelly Reichardt enserre les personnages au plus près de la tension : le désert, personnage à part entière, se joue de leurs nerfs et de la faiblesse de leurs corps. C'est la rencontre fortuite des femmes avec un Indien appartenant à la tribu Païute, qui va bouleverser le cours de cette histoire. Préjugés, animosité, paranoïa à son encontre cristallisent la peur de mourir de ces familles blanches. Capturé par Meek, cet indien, leur ennemi juré, pourrait peut-être, être leur sauveur, fils du désert et de l'Amérique bien avant eux… On pense notamment à l'œuvre de Montaigne, « Les Essais » héritée du XVIe siècle, « Est cannibale ce qui n'est pas de mon usage ». « La dernière piste » révèle malheureusement une actualité criante, face à la montée de tous les extrêmes aux quatre coins de la planète. Stigmates de l'Histoire Autre pépite, « Djeca », a également marqué la seconde journée de cette compétition officielle. Second long-métrage, réalisé par la cinéaste bosniaque Aïda Begic, récompensée par le Prix du meilleur scénario, lors du 3e Festival international du Film de femmes de Salé, avec « Snow ». Que dire d'un film qui dit l'essentiel sur les orphelins de Sarajavo, après une décennie de conflits armé ? Tendu, tachycardique, brut, « Djeca », dit caméra à l'épaule l'histoire de Rahima, 23 ans et de son frère Nedim, 14 ans. Ils font partie des exclus du boom économique, dans un pays en reconstruction, où les nantis et la corruption font bon ménage. Dans un Sarajevo, totalement dénué de compassion pour ses jeunes orphelins, Rahima, travailleuse, digne et méritante découvre que son frère est sorti du droit chemin. Il faut attendre la dernière séquence du film, pour voir éclore le sentiment familial, qui lie Rahima et son frère, en guerre tout au long de cet opus, bon sang ne saurait mentir : les feux d'artifice du Nouvel An font écho au souvenir des bombardements… La bande sonore de « Djeca », est de plus, en parfaite adéquation avec les dégâts du conflits sur les corps et les esprits. Enfin, récompensé à l'unanimité par le Grand prix, « Hanezu » de la cinéaste japonaise Naomi Kawase, est un conte moderne. Situé dans la région d'Asuka, berceau du Japon, ce film se dévoile telle une peinture, (rappelant la griffe de Takeshi Kitano) par touche successives, apportant sa trame émotionnelle à la dramaturgie. Comme au temps des Dieux, forces en puissance des montagnes en présence, un triangle amoureux impossible voit le jour. Takumi, mariée à Tetsuya, vit une passion avec un sculpteur, Kayoko. L'insoupçonnable éclate, en silence, dès lors irréversible pour la jeune femme. * Tweet * *