Igoudar est le pluriel d'Agadir. Agadir, le nom de la ville vient de là. Il y a la kasbah Agadir n'ouflla qui est un agadir. Le Professeur Mohamed Ait Hamza, directeur de l'IRCAM, vient de publier un livre aux éditions De La Porte, intitulé : «Les agadir de l'anti-atlas occidental». Dans cet entretien, il nous explique les problèmes liés à la valorisation des igoudar. Chaque Anflouss représente un lignage ou une famille possédant un magasin dans l'agadir Il y a un mélange de propriété privée et de propriété communautaire des igoudar. Comment ce genre de problème peut-il être résolu dans la perspective de rénovation et de valorisation des igoudar ? Dans un agadir, comme vous le savez, il y a des parties communes, entre autres, les remparts, la porte, le gardien, toute l'organisation interne, la notifia, la mosquée etc. qui sont des parties communautaires et qui sont gérées par une loi communautaire. Mais il y a aussi des parties qui sont individuelles, ce sont des cases qui appartiennent à l'individu. Seulement il faut faire une petite remarque : même si elles appartiennent à l'individu, il n'est pas tout à fait libre d'en faire ce qu'il veut, parce qu'il est inclus dans une communauté. Et la gestion doit rester communautaire même à ce niveau. Au niveau de la réhabilitation et de la mise en valeur de ces institutions, il est très difficile d'agir, surtout quand on sait que dans la zone, il y a beaucoup d'absentéistes qui sont en Europe, qui sont ailleurs, qui peut-être ne s'intéressent plus à ce genre de chose mais qui restent pour eux un indice d'appartenance à une communauté. Donc en leur absence on ne peut pas toucher à leur propriété, ça peut déclencher une guerre. Il faut, soit prendre le bâtiment tout entier et là c'est un organisme public qui peut le faire en laissant la propriété à part, soit s'organiser de nouveau comme ça a été dans le temps et s'organiser en individuel mais la communauté doit avoir un impact sur l'individu pour l'obliger à entreprendre lui-même les réhabilitations qu'il faut et les rénovations qu'il faut pour sa propriété. Ce genre de choses sont étroitement liées leur usage. Or les changements sociaux et climatiques, l'exode rural que vous évoquiez, empêchent de recouvrir l'usage ancien. Donc quels usages peut-on en faire, sans trop tomber dans les revers de la marchandisation du monde ? évidement il y a une question qui est toujours évoquée... on parle de l'apanage touristique. Est-ce que le tourisme peut-être un apanage pour toute réhabilitation ? Je dis tout de suite non. Déjà le tourisme pose un problème, parce que à l'intérieur d'un grenier, il y a des parties qui sont sacrées. Il y a un certain sacré qu'on ne peut pas toucher. Il est inviolable. Donc on ne peut pas le marchander avec n'importe qui et à n'importe quel prix. Il faut le préserver comme tel. C'est très symbolique. C'est très important. Comme on ne peut pas faire marche arrière, et dire qu'il faut utiliser ces bâtiments comme ils avaient été utilisés dans le temps parce que c'est révolu d'une part. Aujourd'hui il y a le stockage qui est fait dans des frigos, dans des stations d'emballage etc.. et puis les marchandises sont disponibles dans les souks et on n'a plus recours au stockage. C'est fini le stockage. Donc il faut chercher des alternatives. Cela n'empêche, il y a des greniers qui marchent encore, on en voit sur le terrain. Il faut chercher d'autres alternatives, par exemple les visites culturelles, l'usage pour les architectes et les étudiants pour apprendre, évoquer toute la richesse dans un tourisme bien choisi, bien animé et bien guidé, ça c'est très important. On ne peut pas mettre le tourisme de masse là-dessus parce que ce sont des monuments très fragiles. Il faut faire des choix. Seulement, au niveau de la pratique, est-ce qu'on choisit les touristes qui nous visitent ? ça c'est un autre problème. Qui doit gérer ça ? Le ministère de la Culture ? Le malheur des greniers c'est ça aussi parce qu'il y a beaucoup de gens qui prétendent qu'ils doivent avoir la main dessus. Il y a le Ministère de la Culture, celui du Tourisme, les associations locales, la jemaâ locale, les inflass, les propriétaires de cases etc... Il faudrait peut-être réunir tout ce monde autour d'une table pour qu'il y ait concertation et il faut que la population sente qu'il y a un impact sur elle. Si la population ne se sent pas concernée, elle ne va pas céder. Le ministère de la culture tout seul, ça ne suffit pas. Celui du tourisme tout seul non plus, ni les autorités locales toutes seules. Il faut que la population participe et la société civile. Pouvez-vous nous expliquer le concept de Anflouss ? Anflouss est en quelque sorte un garant. Chaque lignage donne un garant qui parle en son nom. C'est un représentant d'une communauté dans une jmaâ tribale. Il est le porte-parole et en même temps il est le garant. Quand il prend une décision c'est toute la communauté qui s'engage derrière lui. Comment sont prises les décisions entre les inflass ? Elles sont prises par un vote. Mais quand c'est décidé c'est décidé ... dans le temps. Malheureusement aujourd'hui il y a l'ingérence de l'administration « moderne » entre parenthèses, qui normalement côtoie les inflass et beaucoup de gens se réfèrent à l'administration moderne qui ne comprend rien à ces choses malheureusement. Igoudar Agadir, est un mot amazigh qui a donné son nom à la ville et qui signifie grenier. IGOUDAR est le pluriel de Agadir. Ce sont des greniers collectifs fortifiés ou greniers-citadelle, dont la fonction essentielle est le stockage des vivres dans des magasins et de l'eau dans des citernes, pour pallier les risques naturels et humains qui planaient sur la population. Ils ont aussi parfois une fonction défensive et de refuge en cas d'attaque * Tweet * * *