La situation au Nord-Mali représente aujourd'hui un défi majeur des pays du Sahel et du Maghreb qui sont sont désormais confrontés à une sérieuse menace terroriste. Mohamed Benhamou, président la Fédération africaine des études stratégiques, fait le point sur cette situation pour le Soir Echos. Extrait d'une vidéo où des militants islamistes détruisent des mausolées à Tombouctou, le 1er juillet. La situation au Nord-Mali fait planer beaucoup d'inquiétudes sur la région. Quels sont les défis sécuritaires qui s'imposent aujourd'hui aux pays du Sahel ? La situation au Nord-Mali est très complexe. Les pays du Sahel et de l'Afrique du Nord sont confrontés à une multitude de menaces dont notamment le terrorisme. La présence d'Aqmi et de ses groupes affiliés tels que Ansar Dine et le Mujoa (Mouvement pour l'unicité du jihad en Afrique de l'Ouest) va engendrer un foisonnement de groupuscules terroristes dans la région. Le crime organisé dont le trafic de drogue connaît un développement important dans cette région ces dernières années. La région est même devenue une plate-forme, une des routes principales d'acheminement de la cocaïne qui transite vers l'Europe et d'autres destinations. De même la prolifération d'armes lourdes issues du conflit libyen rend la donne difficile et montre la complexité des défis sécuritaires auxquels les pays de la région sont aujourd'hui confrontés. Ces groupes terroristes enrôlent également des personnes sous la contrainte en vue de renforcer leur troupes et participent également à la création de réseaux de migration clandestine puisque cela constitue aussi une énorme source de revenus. Les groupes islamistes armés ont réussi à chasser les rebelles touaregs du Nord-Mali et contrôlent la majeure partie du territoire. À quoi doit-on s'attendre désormais ? Je pense que cela ne doit pas masquer la réalité de la connexion qui a existé entre les rebelles du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) et les groupes islamistes armés. C'est à l'issue d'une action commune que les deux entités ont pris le contrôle du Nord du Mali. Mais entre-temps, il y a eu la guerre des chefs au sein du MNLA qui a donné naissance à d'autres mouvements toujours dans l'objectif d'avoir le contrôle de la région. Les rebelles ont voulu séduire la communauté internationale et en particulier les Occidentaux en posant comme seuls capables de livrer la guerre à Aqmi et de le déloger du Sahel. Les confrontations observés depuis entre les groupes islamistes (Ansar Dine et le Mujao) et les rebelles prouvent bien qu'ils ont des visions différentes. Cependant, même si les islamistes dominent le Nord actuellement après avoir chassé les rebelles, je ne pense pas qu'ils nourrissent l'ambition d'attaquer le Sud. L'enjeu désormais est de tout faire pour consolider la paix et la stabilité dans le sud en vue d'éviter un éventuel envahissement. Que pensez-vous de l'option militaire envisagée par la CEDEAO ? Toute option militaire à la crise malienne est très difficile et très coûteuse en terme de moyen matériel, humain et aussi politique puisque cela pourrait ne pas donner la réponse escomptée. Compte tenu de la fragilité de la région, il faut agir vite mais avec prudence pour éviter un enlisement. C'est d'ailleurs sur cet enlisement que jouent les acteurs du Nord (ndlr : les rebelles et groupes islamistes). Nous sommes aujourd'hui dans une situation de guerre asymétrique dans la mesure où en face, les soldats de la CEDEAO ne seront confrontés à une armée mais plutôt à un groupe d'hommes bien entraînés. Je pense donc que la prudence est vraiment de mise dans la mesure où des situations de ce genre dans d'autres parties du monde ont prouvé que même malgré des moyens bien adaptés, une telle guerre est toujours complexe. Je pense que le mieux pour le moment est d'agir dans le sud pour renforcer les stabilité sans toutefois céder à la partition du pays. L'exemple du Mali démontre encore une fois la nécessité d'une vraie coopération régionale accrue entre les pays du Sahel et de l'Afrique du Nord vue de trouver une stratégie régionale à même de réduire la vulnérabilité de la zone. Comment expliquez-vous la réaction, jusque-là, amorphe de l'Union Africaine (UA) face à la crise malienne qui menace fortement la paix sur le continent ? Tout le monde est conscient du danger au Nord-Mali mais personne n'a une formule adéquate. La situation est d'autant plus complexe que c'est une zone minée par des diverses influences. Certains pays de la sous-région nourrissent des ambitions en vue d'étendre leur domination à cette zone du continent. Ce qui implique de nombreuses manipulations des acteurs. Le Mujao est composé de Mauritaniens, d'Algériens et de Maliens et leur dernière action a été un attentat contre une entité de l'Etat algérien la semaine dernière. C'est le côté complexe de la situation puisque ces groupes sont manipulés dans l'ombre parfois à des fins politiques. Cependant, quant à l'Union Africaine, je pense que compte tenu du manque de visibilité dans l'action à mener, elle a préféré laisser à la CEDEAO le soin de trouver une issue régionale. Car la réponse à cette crise ne peut être que régionale. Il y a également lieu d'insister sur la responsabilité en la communauté internationale qui doit porter assistance aux pays de la région pour relever les différents défis qui s'imposent. La nouvelle réalité géopolitique qui s'impose à toute la région suite au printemps arabe engendre de fait une assistance internationale, qui ne doit pas s'assimiler une ingérence de la part des puissances occidentales, en vue de permettre à l'ensemble de ces pays engagés dans une transition incertaine de rétablir la paix. * Tweet * * *