Les créations originales ont ponctué le festival Timitar cette année, clôturé samedi soir. Un vent de chants traditionnels a soufflé sur Agadir, mêlant rythmes amazighs et gnaouas aux percussions venant de Corée et du Pacifique. Le festival Timitar met un point d'honneur depuis neuf ans à mélanger la spécificité amazighe avec les musiques du monde. Cette année, les organisateurs ont pioché du côté du continent australien et asiatique pour faire vibrer les scènes d'Agadir, concoctant des fusions de taille et des grands moments de musique traditionnelle. Durant trois soirées, le ribab a croisé les décibels avec le yukulélé, le mondol algérien avec l'outar berbère, le bendir avec le djembé, exposant un public fasciné à des héritages ancrés venus des contrées lointaines. La Corée a apporté un vent de percussions avec le groupe Noreum Machi, Suamélé de Nouvelle Calédonie a fusionné avec le chanteur Ali Faik, Ammouri M'barek a livré une musique amazighe moderne, et Aziz Sahmaoui a charmé les Gadiris aux côtés du raïs Ahmadou Massa. Un amazigh en Nouvelle Calédonie Rachid-Zeroual Commençons par le Pacifique, et les rythmiques tribales qui ont primé sur la scène de Bijaoune vendredi soir avec le groupe Sumaélé de l'île de Maré. Ce groupe tout en couleurs, en fusion avec Ali Faïk ex-Amarg Fusion, a donné lieu à Enono Enya (Enono signifie « partager » en langue de Maré et enya signifie « note » en berbère). Fruit d'une résidence de trois semaines dans l'île paradisiaque de Nouvelle Calédonie aux abords du Pacifique, ce tissage festif a fait jaillir des percussions inspirés du kaneka: bambou, pain (sorte de percussion ressemblant à un gros pain), yukulélé, et sifflet emblématiques de cette île du Pacifique. Rien de plus frais et énergétique que ces Calédoniens en plumes et tuniques blanches, le visage peint comme des footballeurs, tout en sourires entonnant leurs chants polyphoniques de la culture, agrémentés de poèmes amazighs d'un Ali Faïk totalement dans son élément, malgré sa santé chancelante et une tournée d'une semaine qui a inclu quatre concerts en nouvelle Calédonie. Noreum Machi Kadem-Sahir Continuons notre balade avec la Corée qui s'est démarquée jeudi soir au théâtre Verdure, ouvrant la soirée du vendredi par un show à mi-chemin entre le traditionnel et le futuriste, et un spectacle ethnique ponctué d'ouvertures new-waves Noreum Machi, ce détonant ensemble venu de Corée du sud – premier pays d'Asie exportateur de musique pop – a livré un spectacle chorégraphique aux costumes improbables, et une prestation inattendue tout droit sortie d'un film coréen. L'ensemble a présenté au public un nouveau son festif et une énergie communicative qui met la nature en vedette, où sonorités rendent hommage aux éléments de la nature : la pluie, le vent, les vagues. Très percussive, cette parade dansante a plongé le public dans une rythmique où tournoiements et gestuelles se mêlaient aux sons des tambours asiatique : Grengari, jango, puk, et ting. Revenons aux contrées amazighes, toujours au théâtre Verdure. Vendredi soir, Ammouri M'barek a conquis un public complètement acquis à sa cause. Ce berbère pure souche est passé maître, depuis belle lurette, dans les sonorités amazighs ouvertes à la modernité. Penché sur son éternelle guitare, il a signé un concert explosif, agrémentant l'amazighe de timbres africo-contemporains : djembé, tamtam, maracas, congas, basses et batterie ; rajouts non exploités habituellement par la musique amazighe traditionnelle. Les autres temps forts n'ont pas manqué à Timitar : Malika Zarra a déployé un charme fou, et une musique douce faite de folk et de blues, Rachid Zeroual une virtuosité admirable, Earth, Wind&Fire le dynamisme qu'on leur connaît, et Abdelaziz Stati une popularité aux confins du délire, et encore un Kadim Sahir plus séduisant que jamais. Il a fait bon à Agadir ce week-end. Pour les festivaliers du Souss, les journées étaient ensoleillées et les nuits étoilées à souhait. Aziz Sahmaoui en territoire amazighe Aziz Sahmaoui n'a pas manqué au rendez-vous Timitar. Charismatique, irradiant, emporté par la musique, il a séduit un public assoiffé de musique du patrimoine. Ce co-fondateur de l'Orchestre national de Barbès a joué pour la première fois au festival Timitar, après une tournée dans les festivals estivaux et des performances remarquables à Mawazine et au festival Gnaoua&Musiques du monde. Grand admirateur de la musique amazighe, il a exprimé la requête de fusionner avec un Rwayss, même par sa volonté continue de valoriser les musiques traditionnelles de son pays. Répondant à sa requête, les organisateurs ont orchestré une rencontre de premier choix avec le Raïs Ahmadou Massa. Résultat : Un concert fusionnel et un formidable échange d'énergie et d'émotions. Accompagné de son groupe « University of gnawa », il a tenu à « suivre » les rythmiques du ribab, instrument qui le fascine, de l'outar, et a déclaré être « honoré » par cette rencontre. Le lendemain du concert, lors de sa conférence de presse organisée au Royal Atlas d'Agadir, il a dévoilé une personnalité affable, sensible et passionnée, une âme de poète et un amour sans bornes pour son pays et la musique qui le caractérise. « Mon âme danse au rythme de ces musiques, ce groove de la musique berbère qui est unique », a-t-il déclaré, les yeux brillants d'émotion, tenant à distribuer à toute l'assistance son nouveau CD. Public et journalistes étaient conquis par ce digne représentant de ce langage universel : la musique. La vraie.