Le festival Gnaoua et Musiques du monde a séduit encore une fois. Des rencontres décisives ont ponctué ce week-end d'émotions et de transe. Une 15e édition aussi spectaculaire que les précédentes. Maâlem Saïd Oughassal, maâlem Abdellah Akharraz et Djembe New Style. Dans l'Antique cité d'Essaouira, à quelques battements d'ailes des mouettes et à quelques mètres des imposants remparts, l'heure était à la thérapie et à la fascination. Rien n'a échappé aux ondes euphorisantes de ces guérisseurs gnaouas venus pendre possession des rues, des terrasses, des échoppes, des cafés aux volutes de menthe et d'argan, créant des grands moments sur les trois scènes de la ville, et au rythme des soirées intimistes. Jeudi soir, la fusion du trio Sylvain Luc avec le maâlem Abdeslam Alikane, directeur artistique du festival et les membres de Tyour gnawa, a réussi, malgré quelques bémols sonores dus à des problèmes techniques, à faire jaillir un son maîtrisé, non prémédité, libre. Autre moment-phare du festival : la rencontre entre Soweto Quinch quartet et le maâlem aguerri Hamid Kasri, samedi soir. Gnaouas et jazzmen y ont inventé un nouveau son, alliant interaction à inspiration, orchestrant une fusion qui était plus d'ordre humain que musical et un espace ouvert qui respirait la justesse. Africanité, quand tu nous tiens Loin des inflexions jazz, le concert d'ouverture a pris des tons plus explosifs, entre Djembé New Style de l'Afrique de l'Ouest et les ensembles des maâlems Oughassal et Akharraz. Fruit d'une résidence bien mûrie, la symphonie rythmique des deux ensembles a donné lieu à un cocktail africain haut en couleur, où le son des gnaouas s'est mué en un ton plus entêtant et plus décisif, à la fois réfléchi et détonant. Une ambiance festive où koras et balafons se mêlaient aux djembés, guembris, karkabas et tambours. Samedi soir, la rencontre à Burj Bab Marrakech était tout aussi déterminante, mettant en vedette l'ensemble du Maâlem Abdelkebir Merchane, et le groupe aux influences afro-cubaines, Querrencia . Sur le toit de ce site qui surplombe le port de la ville, ce brassage inédit mettait en avant rythmiques latines et percussions africaines, mêlant cajons, congas, flûte traversière et tambours gnaouis. Vendredi, le trio rodé, soudé et complice, Majid Bekkas, Marocain du monde, Joakhim Kühn, Allemand vivant à Ibiza, et Ramon Lopez, Français résidant à Paris et s'est surpassé sur la scène Moulay Hassan. Ce trio qui s'était déjà produit à Essaouira en 2003, a fusionné avec les gnawa de Salé. Vendredi, un tout autre genre de musique a enflammé la scène, avec les Issaoua de Meknès et les Qawwali de Pakistan, dignes représentants d'une musique à la croisée entre soufisme et hindouisme aux poèmes indo-persans. Du grandiose. Cet ensemble tout en lyrisme et incantations a été suivi par une Oumou Sangaré au mieux de sa forme, en fusion avec l'ensemble du maâlem Moustapha Baqbou. Mystérieux, majestueux, accompagnateurs et accompagnés, les Gnaoua étaient sur toutes les scènes, sur tous les toits de la ville, formidables guerriers du « hal » (la transe), en rythmes et en couleurs, en discrétion et en grandeur. Il y a du beau dans l'impénétrable. Car les écouter c'est être témoin d'un mélange de réserve et d'aisance intrigante. C'est tomber sous le charme de ces porteurs de secrets venus direct de leurs fiefs rencontrer les musiques du monde. Ces performeurs sortis de leurs bastions pour côtoyer New-Yorkais, Sénégalais, Parisiens et autres porte-flambeaux de la musique planétaire. Ces musiciens et danseurs traditionnels qui viennent volontairement dans cette terra incognita de tissages magnifiquement improbables. Derrière la « chachia » qui tournoie sur les têtes, la babouche qui vibre et les voix en chœur, ces mystérieux maâlems aux regards lourds de secrets s'ouvrent et se dévoilent. Et le reste n'est que sensations et vertiges. * Tweet * * *