Près de six mois après les dernières élections législatives, la nouvelle est tombée comme un couperet. Elle secoue l'échiquier politique dominé par un mouvement « brownien » en tous sens, entre contestation sociale, hausse du prix de l'essence, réforme de la Caisse de compensation… [Najib-Boulif] Le Conseil constitutionnel a invalidé l'élection de trois députés PJD à Tanger-Asilah, dont Najib Boulif était tête de liste. Nul ne s'y attendait, certes, mais voilà qu'elle plonge dans un certain désarroi le Landerneau politique, suscite une curiosité assidue, qu'elle constitue aux yeux de certains comme une brèche dans l'édifice du parti au pouvoir ! Il s'agit de la décision du Conseil constitutionnel d'invalider l'élection de trois députés, et non des moindres, du PJD dans la circonscription de Tanger-Asilah. Ils appartiennent à la liste de Najib Boulif, nommé en janvier ministre des Affaires générales et de la gouvernance qui a renoncé à sa députation. Les autres sont Abdellatif Berrahou, Mohamed Diaz et Mustapha Chouati. Décision argumentée Le motif invoqué par le Conseil constitutionnel n'est autre – aussi surprenant que cela puisse paraître – que l'usage des « symboles religieux » qui a été fait lors de la campagne législative. Le Code électoral en interdit formellement l'utilisation et les formations politiques le savent forcément. Sauf que dans l'arrière-fond des grandes affiches comme aussi sur les tracts imprimés en bleu dominant, un minaret s'impose et surplombe visiblement les membres de la liste PJD. La mesure d'invalidation a été décidée et prise, suite à un recours introduit par Adil Dfouf, quatrième élu dans la même circonscription et membre du Conseil national du PAM (Parti de l'Authenticité et de la Modernité). Violation du code électoral ? Transgression aussi du principe de neutralité ? À coup sûr, les membres du Conseil constitutionnel, tout à leur implacable rigueur, n'auront aucun mal à justifier la sentence. La référence religieuse, en l'occurrence, a été interdite par le code électoral pour la bonne raison que l'Islam ne saurait être instrumentalisé à des fins politiques ou idéologiques. Or, les affiches et les tracts distribués à Tanger-Asilah par le PJD pendant la campagne électorale de novembre déclinent délibérément un symbole religieux. Comme l'élément central et attirant d'un tableau, le minaret s'impose et suggère d'emblée à la fois le thème et la finalité politique. C'est une interpellation à l'évidence dévoyée, qui traduirait en langage prosaïque une volonté de faire « tromper sur la marchandise »...Tant et si bien que, non seulement ils se distinguent des autres, non seulement ils instrumentalisent la religion à des fins de propagande, mais violent la loi électorale. Ils prétendent, ensuite, à une exclusivité d'appropriation qui, si l'on pousse loin le raisonnement, constitue une volonté d'isoler les autres partis. Pas d'amalgame On ne s'indigne jamais au fait que le Maroc est, comme le stipule la Constitution, un Etat musulman et l'Islam sa religion. C'est la toute première disposition constitutionnelle. En revanche, l'Islam ne constitue pas le monopole d'un groupe, d'un parti , encore moins d'un groupuscule politique qui en fait son arme ou son cheval de bataille. L'Islam appartient à la totalité du peuple marocain, à toutes formations politiques, à toutes les composantes de la nation. Le principe est irréfragable et fonctionne ainsi depuis la nuit des temps, spécifié de surcroît par un texte électoral clair. Il convient cependant de s'interroger pourquoi les hauts dirigeants du PJD, à commencer par l'actuel ministre des Affaires générales et de la gouvernance, se sont-ils laissé succomber au séduisant pronostic de la victoire, au point de négliger une si importante disposition ? Au point de paraître comme les transgresseurs du code électoral ? Aujourd'hui, et c'est plus significatif, il conviendrait de replacer une telle question dans son véritable contexte. Celui-ci dépasse les échéances que nous vivons, parce que l'ultime objectif proclamé est une « refonte » des valeurs à l'horizon 2017 – date des élections législatives prochaines – vers lesquelles tend le « système PJD » pour mettre en place une configuration islamique. Non que la revendication puisse être contestable ou contestée même, mais elle ne saurait enfreindre la loi, ni non plus manipuler l'opinion au prétexte que le PJD a le vent en poupe et qu'il entend imprimer à la société son modèle. Dans cette affaire d'invalidation, il y a donc le principe de droit violé, l'infraction constatée et une volonté politique d'instrumentalisation de ce qu'il y a de plus sacré et d'inviolable, à savoir la religion de tous les Marocains. Une autre invalidation en vue Le PJD n'a pas seulement maille à partir avec l'autorité constitutionnelle pour ce qui se révèle être un délit d'abus à Tanger, mais il se heurterait apparemment à un problème d'éventuelle invalidation à Marrakech. Et celle-ci concernerait le député PJD emblématique de Guéliz, de son nom Ahmed Moutassadeq, bienfaiteur de son état, aujourd'hui mis en cause et dont un certain frère, non moins connu, n'est autre que celui dont se sont emparé les polices allemande et américaine pour son appartenance au mouvement A l-Qaïda...La justice a pour mission non pas de dire le vrai ou le faux, mais le droit qui transcende les partis et les hommes et qui, en l'occurrence, devrait constituer la digue nécessaire et le garde-fou des dérives. Que l'on soit d'un côté ou de l'autre, l'invalidation de l'élection des députés du PJD pour violation au code électoral a valeur de symbole. Elle procède, en effet, d'une volonté de moralisation publique. La faute commise s'apparente à un manque de respect des électeurs, abusés par la propagande du PJD, trompés sur la nature de ceux qui s'en sont servis, enfin fourvoyés à des fins électorales. La jurisprudence appliquera donc le principe de vérité et de conduite pour l'avenir, applicable pour tous de la même manière. * Tweet * * *