A l'issue du premier tour de le présidentielle, le Front National a enregistré un score historique de 17,9 %, doublant presque son résultat de 2007 (10 %). Entretien avec Jean Yves Camus, spécialiste des nationalismes et extrémismes en Europe et chercheur associé à l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). Marine Le Pen a séduit 6,4 millions d'électeurs au premier tour, dimanche dernier. Comment analysez-vous la percée du Front National à l'issue du premier tour de la présidentielle française ? Cette percée est le résultat de plusieurs facteurs. Une bonne partie des Français ne se reconnaissaient plus à travers la politique de Nicolas Sarkozy. Durant son quinquennat, il a initié des projets qui sont allés à l'encontre de leurs attentes notamment dans le domaine du chômage, sur la question relative à l'immigration, sur le pouvoir d'achat des Français et autres. Ces électeurs qui avaient jeté leur dévolu sur le candidat de l'UMP durant le scrutin de 2007 n'ont pas donc hésité à le sanctionner dans les urnes. Ce plébiscite du FN, un vote sanction ou un vote de confiance ? C'est les deux à la fois. Les électeurs ont porté leur choix sur le Front National pour sanctionner la gauche libérale qui, à leurs yeux, ne répondait pas à leurs aspirations. C'est aussi un signe manifeste de leur adhésion aux points saillants de l'idéologie du FN. A travers ses sorties médiatiques et sa propagande, le parti de Marine Le Pen a réussi à incruster dans l'esprit de beaucoup de français qu'une France nouvelle est possible. Un pays qui va s'affranchir du multiculturalisme. Une France qui ne sera plus sous la menace des agressions culturelles. D'où la persistance du refus de l'immigration dans les différents discours du parti. Justement, l'avenir des immigrés ne s'inscrit-il pas en pointillé avec cette montée du FN ? Leur situation risque de devenir compromettante. On risque d'assister à une campagne de la droite au second tour. Il ne faut pas s'étonner de voir l'UMP et le Parti socialiste se rapprocher de l'idéologie du Front National dans le dessein de sympathiser avec ses électeurs, notamment pour ce qui est de l'immigration. Déjà on constate que des responsables commencent à aligner leurs discours sur question de l'immigration par le biais des médias. Les débats vont être focalisés sur la question migratoire. A ce rythme, le risque est grand d'omettre deux priorités qui me semblent actuellement primordiales : la question du chômage et le pouvoir d'achat des Français. Comment appréhendez-vous l'attitude des électeurs du Font National pour le second tour ? C'est Nicolas Sarkozy qui est le mieux placé pour bénéficier du report de voix au second tour de la présidentielle. L'UMP et le FN ont quelques similitudes car ces deux formations appartiennent à la droite. Plus de la moitié des électeurs du Front National vont voter pour le président sortant. Entre 15 et 20 % vont porter leur voix sur François Hollande tandis que le tiers de l'électorat va s'abstenir en conformité avec leur leader Marine Le Pen qui ne devrait pas donner de consigne de vote car elle estime que les deux protagonistes émettent souvent sur la même longueur d'ondes. Le FN, arbitre du 2e tour Le président-candidat, qui ne peut espérer une réélection le 6 mai que s'il séduit en masse les 6,4 millions d'électeurs frontistes du premier tour, a poursuivi ses clins d'œil sur sa droite. S'il a assuré sur France Info qu'il n'y aurait «pas d'accord» avec le Front national et «pas de ministres» FN dans son futur gouvernement s'il était élu, Sarkozy a redit qu'il se refusait «à diaboliser des hommes et des femmes qui, en votant pour Marine Le Pen, ont exprimé un vote de crise». Désireux lui aussi de s'adresser aux électeurs frontistes, Hollande a, lui, plutôt choisi l'angle social, en promettant mercredi de ne pas laisser faire un «cortège de plans sociaux» qui serait en préparation et dont l'annonce serait différée à l'après-présidentielle. Il réagissait à la cessation de paiement du numéro deux français de la sécurité, Neo Sécurité. 5 000 emplois sont concernés.