Le comble du paradoxe ! C'est la moindre des choses que l'on puisse dire de l'activité syndicale au Maroc, censée défendre les droits des travailleurs avant de jouer le rôle d'amortisseur des tensions sociales. Un rôle auquel se sont prêtées les organisations syndicales en 2011. «Les cinq organisations (CDT,UMT,UGTM,UNTM et FDT) ont ainsi évité à 442 conflits de dégénérer en grèves ouvertes, soit une part de quelque 61% contre environ 30% pour les sans appartenance syndicale (SAS) et un peu moins de 9% pour l'ensemble des autres organisations », relève le centre marocain de conjoncture (CMC) dans un spécial « Emploi ». Regrouper la trentaine d'organisations syndicales Cette prise de conscience scientifique dont fait preuve l'équipe de Habib El-Malki, président du CMC, semble trouver enfin bon écho auprès du gouvernement de Abdelilah Benkirane. En effet, Mohamed Najib Boulif, ministre délégué chargé des Affaires générales et de la Gouvernance est en train de préparer un projet pour regrouper toutes les organisations syndicales, estimées à une trentaine, en vue de mener à bien les épisodes incessants du dialogue social. Le printemps arabe a pesé de tout son poids sur le paysage social, en l'occurrence la conflictualité du travail ayant marqué une montée en flèche en 2011. Ainsi, le nombre de grèves a été multiplié par deux entre 2010 et 2011, pour se situer à 474 contre 241. Les débrayages observés subissent la loi du marché, eu égard au taux de représentativité largement contesté. « L'activité syndicale ressemblerait à un marché économique à structure fortement oligopolistique puisque les cinq principales centrales syndicales s'accaparent respectivement 76% et 61% des gréves déclenchées et évitées contre une part moindre pour l'ensemble des autres syndicats », est-il détaillé dans le rapport du CMC. Garantir le libre jeu de la concurrence, même dans un domaine aussi sensible que le syndicalisme, semble bien être la nouvelle mission dans laquelle s'est investi le nouvel exécutif. Cette tendance trouve son fondement dans l'aggravation du mouvement conflictuel tout au long de l'année écoulée. Une « véritable rupture », mais qui reste tout de même peu significative, surtout lorsque l'on sait que le taux de participation ne dépasse pas les 32,2%, soit 38.275 salariés, sur un total de 115.338 qu'emploient les 348 entreprises concernées. 277.000 jours perdus En 2010, les gréves ont été déclenchées dans 194 entreprises et établissements, tous secteurs confondus. Le nombre des grévistes a donc bondi de 67%, grimpant ainsi de 38.275 personnes au lieu de 22.874 sur une année. Quoi qu'il en soit, l'année 2011 reste une « année particulière », pour reprendre les termes du CMC. Sa particularité réside dans le manque à gagner, jugé important, qu'a encaissé l'économie nationale. En effet, le nombre de jours perdus a frôlé les 277.000 contre plus de 175.000 sur la même période de référence, soit une accentuation de 58%. Le tissu économique national a donc accusé une perte sèche, que l'on peut dores et déjà estimer comme lourde, bien que l'on ne dispose pas de données chiffrées pour évaluer exactement les dégâts subis. L'exemple qui saute le plus aux yeux est celui des débrayages observés au port de Tanger Med. Ce manque à gagner est immédiatement perceptible au niveau du secteur industriel car ce dernier est le plus touché. « Sur les 474 grèves déclenchées, 50% ont eu lieu au niveau du secteur de l'industrie, contre respectivement 29% des grèves enregistrées pour les activités de services, 12% pour la branche agriculture et 10% pour les activités de commerce », note le CMC.