Lors de la deuxième édition des Journées professionnelles du tourisme, organisées les 6 et 7 avril derniers par l'Office national marocain du tourisme (ONMT), la Fédération nationale du tourisme (FNT) ainsi que le Conseil régional du tourisme d'Agadir Souss-Massa-Drâa (CRT Agadir / SMD), Tarik Kabbaj, maire de la ville d'Agadir, n'a pas mâché ses mots. « Les clignotants sont au rouge actuellement. Au-delà de l'aspect conjoncturel, plusieurs dysfonctionnements subsistent en termes de gouvernance dans la gestion de la chose publique et dans le secteur du tourisme. De plus, l'offre actuelle de 24 000 lits est excessivement faible », a lancé d'emblée le maire. Pour lui, il ne suffit pas de bâtir des hôtels, il faut une politique de la ville qui soit harmonieuse avec les objectifs de développement de la destination. Il pointe du doigt les promoteurs « spéculateurs », le ministère de l'Habitat et de l'urbanisme et la Société marocaine d'ingénierie touristique (SMIT). Kabbaj nous confie d'ailleurs que cette dernière bloque toujours un projet qui devait voir le jour il y a de cela 30 ans déjà. « Il y a plusieurs plans et programmes qui peinent à donner leurs fruits comme le plan azur, la vision 2010 et la vision 2020. Si un projet a réussi c'est le Mazagan, mais grâce à son casino. C'est un mauvais exemple. Vous savez, il n'y a pas de corrélation entre l'offre des hôtels et le balnéaire à Agadir, ce qui fait que les hôtels 3 et 4 étoiles et les résidences touristiques se portent mal actuellement », s'alarme Kabbaj. Situation critique Un constat confirmé par Abderrahim Oumani, président du CRT d'Agadir Souss-Massa-Drâa. Ce dernier nous révèle les derniers chiffres du secteur. Il en ressort des baisses considérables. Pour les arrivées, elles ont baissé de 11 % le premier trimestre alors que les nuitées ont baissé de 18 %. Et rien que pour le mois de mars, la baisse a été de 15%. « Le secteur est très difficile. Il faut que l'Etat nous aide à surmonter cette situation critique », nous déclare Oumani. En effet, ce dernier fait allusion à la tant convoitée rallonge du budget de l'ONMT. « Pour des recettes de 60 milliards de dirhams, on ne débloque que 550 millions de dirhams de promotion. C'est ridicule. Si on ne prenait qu'une part de 1,5 % des recettes, par exemple, on aurait un budget de 900 millions de dirhams », déclare de président du CRT Agadir / SMD. Ceci provoque un manque à gagner de 1,4 milliards de dirhams pour les professionnels, selon Oumani, alors que si l'ONMT se dotait de 200 millions de dirhams supplémentaires, par exemple, cela engendrerait 3 milliards de dirhams de recettes additionnelles. Tarik Kabbaj, maire d'Agadir: « Il y a plusieurs plans et programmes qui peinent à donner leurs fruits comme le plan Azur, la Vision 2010 et la Vision 2020 ». Faible lobbying Cette situation nous renvoie vers le faible lobbying des professionnels du secteur. « Nous avons beaucoup de défaillances en termes de lobbying », a reconnu Ali Ghannam, président de la FNT, lors du point de presse tenu à l'occasion de cette deuxième édition des journées professionnelles du tourisme . Résultat, les professionnels se sentent lésés sur plusieurs points qui ont été décidés au niveau du gouvernement. La dernière en date, la hausse de la taxe intérieure de consommation (TIC) sur les boissons alcoolisées, ou encore la proposition « populiste » du PAM relative à la taxation à 100 dirhams des voyageurs qui arrivent des aéroports. Ceci sans parler des dernières déclarations, très controversées de Mustapha Ramid, ministre de la Justice, sur la destination de Marrakech. D'ailleurs, sur ce point bien précis, la FNT avait communiqué en haussant le ton. « Le secteur du tourisme représente 10 % du PIB et 60 milliards de dirhams de recettes, sans parler des centaines de milliers de familles qui vivent grâce à ce secteur. On ne peut pas marginaliser ce secteur et lancer de tels propos », déclare Ghannam. Quoiqu'il en soit, la FNT comme l'ONMT tentent aussi bien que mal de pallier à cette situation en consolidant la destination Maroc et en renforçant le volet commercial. Chose qui s'avère très complexe en cette période d'incertitudes. Ceci tout en sachant que l'offre des compagnies aériennes desservant le Maroc est en baisse. Il s'agira d'une baisse de 16 % des fréquentations aériennes, sans compter qu'environ 10 avions sont cloués au sol au niveau de la Royal Air Maroc à cause de la flambée du prix du kérosène, selon directeur général de l'ONMT, Abdelhamid Addou. 3 QUESTIONS À … Ali Ghannam,Président de la Fédération nationale du tourisme (FNT). « Nous sommes contre la hausse de la TIC ». Comment comptez-vous remonter la pente ? Nous traversons actuellement une conjoncture difficile. L'année 2012 a démarré avec des chiffres dans le rouge avec une baisse de 11 % pour l'activité en général. Toutefois, il faut relativiser. Par rapport à 2010, nous sommes à +5 %. Mais comme l'année 2011 avait très bien démarré, nous avons enregistré cette baisse. Par ailleurs, pour pallier à cette situation, la Fédération nationale du tourisme, l'Office national marocain du tourisme, l'Observatoire du tourisme et le ministère du Tourisme ont créé une « task force ». Cette dernière travaille avec un plan d'action disposant de plusieurs niveaux de mesures. Des mesures de promotion et de marketing. Le deuxième niveau consiste à traiter, au cas par cas, les établissements qui sont en difficulté. Nous irons les diagnostiquer et les auditer pour proposer des solutions. Toutefois, si la crise dure, nous pourrons actionner des mesures d'ordre fiscal, social et financier. Quel est votre réaction suite à la hausse de la taxe intérieure de consommation (TIC) sur les boissons alcoolisées ? La Fédération nationale du tourisme est contre cette augmentation car elle va diminuer ce segment, même s'il est secondaire. Combien le taux de la recette à l'importation, par rapport aux boissons alcoolisées et aux cigares, va-t-il générer au budget général de l'Etat ? Pas grand-chose. Par contre, il va diminuer l'activité boissons pour les établissements d'hébergements… Dans quel objectif s'inscrivent les rencontres entre les délégations de l'ONMT et les opérateurs du secteur ? L'objectif principal est la présentation des plans d'action des différents délégués de l'ONMT des principales destinations et marchés émetteurs de touristes. Nous les avons divisés en quatre ateliers. Ils partageront avec les professionnels présents, les moyens à mettre en œuvre pour améliorer l'accès à ces différents marchés. Ensuite, les professionnels pourront partir avec des kits commerciaux pour pouvoir vendre les destinations. Ce qui les aidera considérablement dans leur approche commerciale.