La Cour des comptes a dressé un état très opaque de la gestion au niveau de l'Agence urbaine de Casablanca (AUC). Principale observation, le recours excessif aux dérogations. « Si généralement les dérogations sont considérées comme un outil d'assouplissement en matière de planification urbaine, elles doivent constituer une exception et non la règle. Un recours à ces pratiques dénote un défaut de planification et une remise en cause des objectifs assignés aux documents d'urbanisme, exposant ainsi l'administration aux risques liés aux intérêts et enjeux qui se rattachent au processus d'urbanisation », déclarent les magistrats de la Cour des comptes. Selon eux, durant la période allant de 2005 à 2009, sur 1 214 projets déposés en dérogation, 534 ont reçu l'accord de principe. Ainsi, une superficie de 5 340 ha a fait l'objet de dérogations, soit 21,36 % de la superficie totale du Grand Casablanca. Sur le plan légal, l'octroi de dérogations aux règles du droit de l'urbanisme sur la base d'une circulaire constitue une entorse au principe du parallélisme des formes consacré en droit public. En effet, la circulaire n'a de valeur réglementaire probante que pour les membres de la commission des dérogations qui dépendent des départements ministériels concernés. Elle constitue de ce fait une simple instruction interne qui n'est pas en principe opposable aux tiers. L'AUC de plus en plus généreuse Le rapport relève également une ambiguïté de la position de l'AUC vis-à-vis du système des dérogations. Il ressort de la lecture du Plan de développement stratégique (PDS), élaboré par l'AUC et l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la Région Ile-de-France, que le Grand Casablanca souffre depuis plus de cinq ans de l'obsolescence des documents d'urbanisme qui régissent son développement urbain et qui a ouvert la voie à la dérive des dérogations. Cette affirmation, qui consacre le constat de l'impact négatif des dérogations sur le paysage urbain et sur la vocation des secteurs et des zonings, est en contradiction avec l'accroissement notable du nombre de dérogations accordées, ce qui illustre la position ambiguë de l'AUC quant au système des dérogations. Sur un autre registre, étant donné que les projets de dérogation sont étudiés d'une manière séparée et discontinue par rapport à la vision globale et cohérente des plans d'aménagement, leur intégration au niveau des futurs plans d'urbanisme devient très difficile. Ceci se confirme lorsque l'on se situe dans un contexte caractérisé par l'absence d'une procédure juridique adéquate et clairement définie pour l'intégration des dérogations accordées au niveau des documents d'urbanisme, notamment ceux qui sont homologués. Manque flagrant de contrôle Plus édifiant encore, bien que les engagements objets de ces conventions n'aient pas de base légale, il a été constaté qu'ils ne sont pas respectés et que l'AUC n'assure aucun contrôle à ce niveau et ne conditionne pas l'octroi des avis conformes (en vue de l'obtention du permis d'habiter) à la réalisation desdits engagements. De plus, de simples engagements unilatéraux se substituent à des conventions en bonne et due forme et cela sans qu'aucune objection ne soit soulevée par l'AUC.