A l'occasion d'une affaire récente, une discussion entre un salarié et son employeur connaît un tournant inattendu. Le 1er mars 2012, le chef d'entreprise en question ne peut accepter le comportement irresponsable d'un de ses collaborateurs, le convoque et lui fait des remontrances. Le salarié intervient alors pour donner des explications à son patron, mais ce dernier ne semble pas disposé à le croire. La tension monte. Le chef d'entreprise insulte à haute voix le salarié, lui lance des propos blessants. Celui-ci veut réagir mais son patron le surprend en lui assenant un coup au visage. La suite de cette histoire se déroulera devant la justice pénale et sociale. Suite à cet incident, le salarié dépose une plainte devant le procureur du roi qui décide de poursuivre le présumé pour les chefs d'accusations suivants : insultes graves et agression corporelle. Le chef d'entreprise se voit donc condamné par le tribunal pour ses délits. Mais l'affaire ne s'arrête pas là. Le salarié ne se contente pas du procès pénal, il s'adresse également au tribunal social pour demander des indemnités de licenciement. L'avocat de l'entreprise plaide alors pour le rejet de la demande du salarié en se basant sur le fait que celui-ci a abandonné son poste sans donner un avis à son employeur. Les fautes graves de l'employeur selon le code du travail Il ressort de l'étude de ce cas de figure deux questions : le salarié a-t-il le droit de quitter son poste et de demander des indemnités de licenciement? Les fautes graves citées dans le code du travail sont-elles exhaustives ? Le code du travail énumère une liste des fautes graves commises par l'employeur, le chef de l'entreprise ou de l'établissement à l'encontre du salarié à savoir l'insulte grave, la pratique de toute forme de violence ou d'agression dirigée contre le salarié, le harcèlement sexuel, l'incitation à la débauche. Il assimile en outre le fait pour le salarié de quitter son travail en raison de l'une des fautes énumérées en haut à un licenciement abusif, notamment s'il est établi que l'employeur les a commises réellement. Il s'ajoute à cela d'autres fautes graves qui ne sont pas citées dans l'article 40, à savoir la négligence des mesures de sécurité et d'hygiène pour protéger la santé des salariés, la non déclaration des salariés à la CNSS ou à l'assurance pour accident du travail, etc. La position de la Cour de cassation Cela étant, les salariés qui considèrent que leur patron a commis une faute grave peuvent saisir le tribunal pour demander la réparation des préjudices subis, sachant toutefois qu'ils doivent avoir des preuves objectives à l'appui. Dans un arrêt récemment publié (voir la revue de la jurisprudence du tribunal de cassation 2012, sous N° 822 du 1er juin 2011 dossier social N° 106/5/1/2010), concernant une affaire similaire au cas que nous avons évoqué, le tribunal a rejeté la requête de l'avocat de l'entreprise en se basant sur les arguments suivants : la faute grave de l'employeur est établie après sa condamnation par le tribunal pénal pour agression, violence, insulte et injures contre le salarié. Le salarié qui a quitté son travail à cause des fautes susmentionnées du chef d'entreprise est considéré par la force de la loi comme ayant été licencié abusivement, et ce, en vertu de l'article 40. Cet arrêt de la cour de cassation est instructif sur plusieurs points. Il nous permet tout d'abord de repenser notre idée sur la faute grave en intégrant la possibilité que l'employeur, lui aussi, est susceptible d'être sanctionné pour une faute grave établie. Il précise également que le chef d'entreprise exerce son pouvoir de contrôle et de direction sous le contrôle de la justice sociale et enfin, que le salarié victime de ces agissements peut quitter son poste et recourir à la justice, notamment s'il a des preuves tangibles.