Quel était l'objectif de votre visite au Maroc? Permettez-moi de vous dire que c'est d'abord un grand bonheur de venir une fois de plus au Maroc, ce pays qui est si cher à mon cœur. Cette visite a un sens particulier aujourd'hui : la France se prépare au changement avec, je l'espère, l'élection de François Hollande à la présidence de la République Française. Je suis venue présenter aux marocains, et à mes compatriotes qui vivent ici, son projet pour la France et pour les relations entre la France et le Maroc, entre l'Union européenne et la Méditerranée. Mais je suis aussi venue écouter, comme je le fais lors de chacune de mes visites dans votre pays. J'ai eu une audience auprès de sa majesté le Roi. J'ai rencontré le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane ainsi que plusieurs Ministres. J'ai été reçue par mes amis de l'USFP. J'ai pu rencontrer des jeunes du mouvement du 20 février et échanger avec des femmes engagées dans la vie culturelle, sociale et économique. Ce sont des talents formidables et de grandes personnalités dont le Maroc a besoin : je n'oublie pas que la parité est inscrite dans la nouvelle constitution ! J'ai rencontré aussi de jeunes chefs d'entreprise, notamment du Technopark de Casablanca, ainsi que des hommes et des femmes engagés dans la lutte contre la pauvreté dans les quartiers populaires de la ville. Vavez été reçue par Sa Majesté le roi Mohammed VI. Pouvez-vous nous dire quelle a été la teneur de vos échanges ? Nous avons abordé, un an après le discours du 9 mars de Sa Majesté, l'état des avancées démocratiques et institutionnelles, la situation politique et économique au Maroc, les relations avec l'Algérie mais aussi la position du Maroc sur la Syrie. Après avoir échangé sur l'élection présidentielle en France, j'ai porté le message d'amitié de François Hollande au peuple marocain et sa volonté de partenariat renforcé avec le Maroc pour l'avenir. Ce fut une audience extrêmement constructive. Quels sont les thèmes clivants entre la campagne de François Hollande et celles de vos concurrents ? Quand je suis à l'étranger, j'ai pour règle de m'abstenir autant que possible de critiquer nos adversaires. Aussi pendant ces quatre jours j'ai essentiellement parlé du projet de François Hollande : le redressement, le retour de la justice et d'une France dont la parole compte à nouveau dans l'Europe et dans le monde. La priorité, c'est le redressement économique. La politique actuelle est une impasse : les plans d'austérité à répétition enfoncent nos économies dans la récession, tandis qu'aucune des causes profondes de la crise n'est sérieusement prise en compte. Avec François Hollande, nous voulons pour la France un autre chemin. Notre pays souffre d'un déficit de ses finances publiques, mais aussi d'un déficit de croissance et de compétitivité. Vouloir combattre l'un sans l'autre est une impasse : c'est la leçon que l'on peut tirer du fiasco du traitement infligé à la Grèce. Pour cela, il faut mettre la finance au pas, relancer la croissance par une nouvelle politique industrielle soutenant les filières d'avenir et les PME, et réorienter l'Europe en renégociant le traité d'austérité Merkel-Sarkozy. La deuxième priorité de François Hollande, c'est la justice, justice fiscale, justice sociale, justice territoriale. Les inégalités se sont beaucoup creusées en France depuis plusieurs années. Il faut remettre de la justice partout. Enfin, troisième priorité, la préparation de l'avenir : c'est la jeunesse érigée en grande cause nationale du quinquennat de François Hollande avec un nouveau pacte pour l'école et un grand plan pour l'emploi des jeunes. C'est l'écologie avec notamment un nouveau cap énergétique axé sur le développement des énergies renouvelables et l'isolation des bâtiments…Et puis, devant l'ampleur des défis du moment, la France a besoin d'un président qui ait des valeurs fortes – qu'il porte en France et au-delà de nos frontières-, un cap clair, un souffle démocratique, et une capacité à rassembler tous les Français : jour après jour, François Hollande montre qu'il est l'homme de la situation. En ce qui concerne les relations bilatérales, avec François Hollande, nous voulons accroître et approfondir la relation franco-marocaine. Quel message spécifique souhaiteriez-vous adresser aux Français du Maroc et du Maghreb ? Je veux leur dire tout d'abord que, comme les marocains vivant en France, ils sont la passerelle et le lien le plus fort entre nos deux pays. Je connais leur attachement au Maroc, je sais combien ils aiment leur pays, la France, combien son avenir leur est cher : je veux aussi les appeler à participer aux prochaines élections présidentielles des 22 avril et 6 mai prochains. C'est un rendez-vous majeur des Français avec eux-mêmes, qui va décider qui aura la responsabilité de conduire notre pays pour les cinq ans à venir. Je veux enfin leur dire que François Hollande est attentif à leur situation. Depuis cinq ans, de nouvelles difficultés, parfois insupportables, ont vu le jour : je pense en particulier aux frais de scolarité qui atteignent parfois des montants hors du commun, et aux assurances sociales qui posent de nombreuses difficultés! Si les Français de l'étranger font confiance à François Hollande et à nos candidats aux élections législatives, ils doivent savoir qu'ils seront encore mieux représentés, plus écoutés et, surtout, reconnus. Nous l'avons montré par le passé, je me souviens ainsi avoir instauré, sous le gouvernement de Lionel Jospin, la 3ème catégorie aidée de la caisse des Français à l'Etranger. Est-ce qu'une visite du candidat Hollande au Maroc est toujours d'actualité ? Je sais qu'il le souhaite car il connait, au-delà du lien d'exception qui unit nos deux pays, le rôle majeur qui est celui du Maroc dans l'avenir des relations entre l'Europe, le Maghreb et l'Afrique. Ce déplacement que j'effectue au Maroc, nous l'avons préparé ensemble et les messages que je porte, je les porte aussi en son nom. En juin prochain, les Français de l'étranger voteront pour la première fois pour élire leur représentant à l'Assemblée nationale. Pourriez-vous nous présenter Pouria Amirshahi, le candidat socialiste ? Pouria est d'abord un homme engagé pour la justice, pour les droits de l'Homme et c'est quelqu'un en qui j'ai une grande confiance ! Il fait partie de la nouvelle génération de dirigeants socialistes qui, à mes côtés, a beaucoup apporté à la rénovation de notre parti et de ses idées. Il a porté avec force les bases d'une nouvelle politique de coopération et aussi d'une francophonie renouvelée. Il est jeune, mais déjà riche d'un parcours professionnel remarqué dans le domaine social, culturel et international. Il connaît bien les pays de la 9ème circonscription des Français de l'étranger, il est à l'écoute et je sais que, demain, il sera un député écouté. Lors de l'inauguration de l'usine de Renault Tanger, il y a eu un tir nourri de la part d'hommes politiques français, y compris dans vos rangs. Ne pensez-vous pas que ce genre de prises de positions est une erreur qui adresse un mauvais message des deux côtés de la Méditerranée? Tant que nous n'aurons pas construit une vision et même une stratégie commune, nous aurons ce genre de difficultés. Car nous touchons là au cœur de notre coopération. Deux visions se sont affirmées : d'un côté le Maroc qui s'engage dans un ambitieux projet d'industrialisation sur tout le territoire ; de l'autre l'Europe, qui voit son industrie mise en danger par la financiarisation de l'économie et veut préserver ses sites de production. Je pense que les deux approches peuvent se nourrir l'une l'autre. En l'occurrence, personne ne peut reprocher au Maroc de tout faire pour que l'économie du pays produise des richesses en créant des emplois. Ce que beaucoup de responsables Français ont reproché au gouvernement français, c'est qu'il n'a jamais affirmé une stratégie pour l'industrie automobile, ni pour l'industrie en général d'ailleurs. Que faudrait-il faire ? Il faut réfléchir au partage des valeurs ajoutées par des multi-localisations où chacun est gagnant. C'est ce que font l'Allemagne et les pays de l'Est, et les résultats sont au rendez-vous. C'est une question stratégique majeure, tant pour l'Europe que pour les pays riverains de la Méditerranée. Et le Maroc joue, dans cette relation, un rôle central. Fathallah Sijilmassi vient d'être nommé à la tête de l'UpM. Quel rôle voyez-vous à cet organisme dans la politique étrangère de la France ? Et quel rôle devrait jouer l'UpM ? Le Maroc, après Youssef Amrani, diplomate marocain de grande expérience, garde la tête de l'UpM avec Fathallah Sijilmassi. C'est une bonne chose. Avec François Hollande, nous pensons que la Méditerranée doit être réaffirmée comme l'une des grandes priorités de notre politique et en lien avec nos partenaires européens. La vision de l'UpM était trop étriquée et n'a pas donné lieu à des réalisations concrètes. Il faut une ambition plus large et inscrire des actes derrière les discours. De multiples projets existent, qu'il s'agisse de l'éducation ou de la protection sociale, de la politique énergétique, de l'eau, de l'environnement, du développement économique, des transports. Il faut maintenant passer aux actes! Nous avons aussi des défis à relever : le réchauffement climatique, la pollution de la Méditerranée, la sécurité alimentaire. L'accord agricole et l'accord de pêche entre le Maroc et l'Union Européenne ont connu de gros déboires. S'agit-il d'un repli protectionniste de l'Europe ou du résultat des calendriers électoraux en Europe ? L'accord de pêche a été repoussé pour des raisons qui n'avaient rien à voir avec le sujet. Quant à l'accord agricole, il a finalement été adopté. Il comporte des garanties des deux côtés avec des contingents, et des protections pour les agriculteurs. De manière plus globale, nous souhaitons des accords avec nos partenaires comportant des clauses de réciprocité. C'est en avançant ensemble de manière juste et équilibrée que nous réussirons. Nos intérêts sont conciliables ! Voulez-vous rajouter quelque chose pour conclure ? Oui, je voudrais dire que la coopération me tient à cœur. Nous voulons faciliter la mobilité des premiers acteurs de la coopération que sont les étudiants, les scientifiques, les artistes, les chefs d'entreprises… C'est pourquoi l'une de nos premières mesures sera d'abroger la circulaire visant les étudiants détenteurs de diplômes à l'étranger. Nous développerons les possibilités d'aller-retour. Et pourquoi ne pas envisager un « Erasmus francophone » qui permette aux étudiants qui partagent notre langue de faire une partie de leurs études dans nos pays? C'est une belle idée pour la jeunesse !