Kevin Mc Donald, réalisateur du Dernier roi d'Ecosse et lauréat de l'oscar du meilleur film documentaire pour Un jour en septembre, a projeté son biopic Marley à l'ESAV, dans le cadre des débats et discussions en marge de la Biennale de Marrakech. Marley n'est pas le premier documentaire sur l'idôle planétaire, mais il est certes le plus fourni en images d'archives, celles d'une excellente qualité. En fin cinéaste, Kevin Mc Donald n'a pas fait dans la facilité, et a réuni une dizaine d'interviews des amis de l'icône: sa femme, ses enfants et ses proches. « Tout a commencé quand je suis allé en Ouganda et j'ai vu les paroles des chansons de Bob Marley sur les murs. Tout le monde ne jurait que par lui, et il m'est apparu comme un prophète et un philosophe », a expliqué le cinéaste à l'issue de la projection. « Au début, j'ai eu du mal à obtenir les droits de la famille Marley, mais une fois octroyés, le film n'a été sujet à aucune ingérence. Même la longue version de 3 heures n'a pas été amputée », a-t-il poursuivi. « Je l'admirais, a déclaré le réalisateur, et je l'admire encore plus après avoir réalisé ce film. C'est un homme qui a été fidèle à ses valeurs et à ses principes tout le long, et était d'une incroyable passion et détermination ». Dans une Jamaïque pauvre, Marley a su survivre par la musique, et pour la musique. « Tout le travail d'archives était monumental, et chaque pièce d'archive a une histoire derrière elle et son lot de négociations », a-t-il expliqué. «C'était un homme qui parlait bien mais refusait d'accorder des interviews, et pour d'obscures raisons, il avait réussi à cultiver un grand mystère autour de lui », a déclaré le réalisateur. En quête de figure paternelle Au-delà de la sucess-story d'un homme au charisme fou et à l'infaillible aura de leader spirituel, le réalisateur a sondé l'homme. « J'ai passé des mois à essayer de savoir qui était vraiment son père », a expliqué le metteur en scène. « Il était un fonctionnaire colonial britannique qui voyait rarement son fils, et c'est justement le manque de figure paternelle qui avait poussé Marley à se tourner religieusement vers Jah, et la foi rasta ». Le film s'étend également sur son côté métisse, raison pour laquelle il n'était pas accepté en Jamaïque à l'époque. De multiples mentions de ses conquêtes féminines ont également ponctué le film, les maîtresses qu'il avait aimées le temps d'une tournée, ou d'une soirée, ou d'une rencontre. Retour aussi sur sa relation avec Miss Univers 1976, Cindy Breakespeare, mère du musicien Damian Marley. Kevin Mc Donald s'est également penché sur la descendance de Marley et ses 13 enfants éparpillés aux quatre coins du globe. Dans le film, la touchante Cédella, première fille de sa femme Rita, a livré des confidences bouleversantes, sur son enfance privée de père, et délaissée « par des parents qui fumaient des joints et jouaient constamment de la musique ». Un destin brisé Le biopic revient aussi sur le cancer qui l'avait ravagé à l'âge de 35 ans, et le testament qu'il avait refusé de rédiger, même en pleine agonie, lors des derniers mois de sa vie. Un refus catégorique et intentionnel, dans la seule volonté de révéler « la vérité sur chaque membre de sa famille », d'où les litiges qui s'en étaient suivis. Son voyage au Zimbabwe, et le concert qu'il avait financé lui-même le jour de l'indépendance de ce pays, ainsi que la tentative d'assassinat dont il a été victime en Jamaïque, et ses idées politiques, rien n'a été oublié. Cependant, les bémols qu'on pourrait reprocher à ce biopic seraient la partie infime accordée à ses idéologies politiques sur l'Afrique, ainsi que le manque d'immersion dans le processus de création de ses chansons, véritables manifestes d'idéalisme. Malgré les excellentes versions qu'il a intégrées dans la BO du film, le réalisateur a occulté ce grand pan de son parcours artistique. « Il composait le matin quand sa voix était rauque. Lorsqu'il fredonnait, les mots commençaient à sortir. Certaines personnes ont contribué à l'écriture de ses chansons, mais la magie… c'était lui », a confié le réalisateur. Mais on aurait aimé en savoir plus… Marley reste un hommage grandiose à celui qui a chanté la solidarité et l'humanisme, et qui, du haut de sa foi rasta, prônait un monde de paix. Le film sortira dans les salles américaines en avril, selon le réalisateur.