Bob Marley n'est plus mais ses tubes continuent de se déverser dans le flot ininterrompu des ondes. Retour sur les temps forts de son destin hors norme. Bob Marley n'est plus mais ses tubes continuent de se déverser dans le flot ininterrompu des ondes. Retour sur les temps forts de son destin hors norme. L'homme et la voix du reggae à travers le monde sont à nouveau présent dans les esprits. Bob Marley, véritable légende, chanteur jamaïcain, décédé le 11 mai 1981, en pleine gloire, fait actuellement recette dans la critique. Et les colonnes dithyrambiques de la presse panafricaine n'en finissent pas de revenir sur les traces du musicien exceptionnel, figure centrale du mouvement rasta, initialement créé par Leonard Percival Howell. L'enfant de l'île des Caraïbes, fruit des amours d'un père blanc et d'une mère noire, est très tôt marqué par l'histoire de ses ancêtres, qui n'ont jamais autant souhaité leur retour à la terre natale, l'Afrique. Marley adhère au rastafarisme, en découvrant Ras Tafari Makonnen, devenu Haïlé Sélassié Ier, empereur d'Ethiopie. L'Africanité est alors au centre des préoccupations de Bob Marley. Il va s'en inspiré pour révolutionner le son mento, musique née chez les anciens esclaves plus douce que le reggae. « Le mento est devenu le rock steady. Bob Marley l'a complètement électrifié au point d'en faire un outil de guerre idéologique et musicale, avec moins de percussions. Ce qui a forcément plu aux jeunes générations des années 70 et 80, accoutumées à écouter du rock alors qu'avant, il existait un reggae plus doux chanté par Heptones ou Jimmy Cliff », explique Jean-Michel Denis, critique de musique et rédacteur en chef du mensuel Afrique magazine. Pourquoi l'effet Marley fut-il, à l'époque, un succès phénoménal qui se poursuit encore aujourd'hui ? « Il avait un discours qui prônait l'antiracisme, le retour à l'Afrique pour les Noirs, même en Corée du Sud, Marley a une incroyable résonance ! Il est la première pop star du Tiers-Monde : un asiatique de Hong Kong comme un black de Harlem peut chanter ses titres. Il a été produit pas le Tiers-Monde, même Youssou N'dour n'a pas connu un tel destin. » Le discours « rebelle » de Bob Marley n'est pas un simple appel à l'africanité, il est au-delà, et bien plus fort puisqu'il s'apparente à celui des penseurs de la négritude comme Senghor et Aimé Césaire, ou des sociologues et historiens tels que Cheikh Anta Diop. « Ces esprits n'hésitaient pas à dire que l'Egypte avait été noire à une certaine période ; fait longtemps occulté par l'Occident », poursuit Jean-Michel Denis. Musicalement, Marley reste un génie qui « a codifié les règles du reggae. Un tube comme No woman no cry révèle une mélodie extraordinaire. Son dernier album « Uprising » (juin 1980) est une galette sublime. Quelque chose de plus apaisé, de plus policé s'y annonçait. En plus d'être un reggaeman, il était aussi considéré comme un rocker, ce qui signifie celui qui swingue, celui qui fait balancer en jamaïcain », précise Denis. Si Marley est le chantre du rastafarisme, et qu'il a fait des émules de par le monde, a-t-il actuellement des successeurs ? « Même le guitariste des Wailers, Peter Tosh est mort assez vite. Ensuite d'autres ont repris son message, comme Burning spear. Et beaucoup sont tombés dans la routine, car ce sont des américains qui ne connaissent pas l'Afrique. Ceux qui ont vraiment repris son flambeau sont des musiciens africains comme Tiken Jah Fakoly, Lucky Dube, Alpha Blondy, car ils « passent » de la conscience à travers leurs textes. Ils parlent des dictateurs, de la corruption, de l'aliénation féminine, des fonctionnaires apathiques, de la guerre. Tous se revendiquent d'une union africaine : le panafricanisme rêvé au moment des indépendances des Afriques et porté par Sankara, Mandela, Kwamé Nkrumah, Lumumba. Dans son dernier album, « African revolution », Tiken Jah Fakoly introduit des instruments africains avec une flute peule, la guitare ngoni, la Kora, harpe africaine. Plus proche de nous, le musicien Adil Assim du groupe Hoba Hoba Spirit, évoque sa passion pour Marley : « C'était un visionnaire. Son histoire est ponctuée de mysticisme. L'icône d'un peuple, qui a transmis sa musique bien au-delà des frontières de la Jamaïque. J'aimerais que la musique marocaine ait le même destin ».