Inimaginable il y a quelques années, l'Institut agronomique et vétérinaire Hassan II l'a fait : réunir un salafiste et un laïc autour de la même table. Les deux invités phares de ce colloque n'ont été autres que le pore-flambeau de l'amazighité, le militant laïc Ahmad Assid, et le tonitruant cheikh salafiste, ex-détenue de la « Salafiya Jihadya », Mohammed Fizazi. Les deux protagonistes y ont échangés leurs points de vues, chacun campant sur ses positions. L'un utilisant des argument religieux, s'approchant de la radicalité; l'autre étayant ses convictions séculaires et humanistes avec le calme qu'on lui connait. La laïcité pour protéger l'Islam Parmi les sujets abordés lors de cette réunion, la loi anti-terroriste votée au lendemain des attentats du 16 mai. Cette loi, liberticide, a eu pour cause d'écrouer des milliers d'individus dans les prisons, à la suite de jugement expéditifs. Lorsque Ahmed Assid a déclaré à son interlocuteur qu'en lieu et place du PJD, pourtant d'obédience islamiste, ce sont bien les laïques qui ont combattus la loi anti-terroriste; Fizazi rétorque que « si le PJD a voté pour cette loi, il l'a fait à contre-coeur », puisque selon ce dernier, « il était la cible de l'appareil sécuritaire qui le menaçait de dissolution ». Il est vrai qu'au lendemain des attentats du 16 mai, toute la pression était sur les épaules du PJD, leur vote pourrait être considéré comme un vote de « survie » politique. Comme à son habitude, Fizazi a pointé du doigt « les athées et les hérétiques », qui selon lui, « mettraient le pays et son unité religieuse en danger ». Quant à la laïcité, Fizazi répond que ce n'est pas la solution. Il en prend pour preuve le printemps arabe ainsi que la vague islamiste qui en a découlé. « C'est bien des musulmans et non celle des laïques », lui a-t-il asséné, oubliant qu'être musulman et laïque est tout sauf incompatible. Fizazi s'est aussi déclaré contre l'emploi du terme « islamiste », préférant le terme « musulman ». Concernant la liberté de culte, Fizazi n'y trouve aucun problème. « Que mon voisin soit musulman ou chrétien, je le protégerais, ainsi que ses biens ». Face à ces apparentes belles paroles, Assid a tenu à assurer qu' « il n'y a que la laïcité qui est à même de protéger la religion», justifiant ses propos par le fait que l'utilisation de la religion à des fins politiques ne pouvait qu'augmenter les risques de « despotisme». Par ailleurs, Ahmed Assid a relevé qu'une des causes de la décadence des musulmans est « la fermeture de leur esprit, que Dieu leur a donné pour l'utiliser à des fins d'Ijtihad ». En d'autres terme, d'une interprétation éclairée de l'Islam.