Comment estimez-vous la politique de l'Etat vis-à-vis de la question de l'usage des drogues et des droits des usagers ? La politique de l'Etat vis-à-vis de cette question n'obéit à aucune stratégie précise. Les autorités compétentes appliquent très mal le dahir de 1974 relatif à la répression et la prévention de la toxicomanie. Le constat est que cette politique reste purement répressive. L'usage des drogues mène directement en prison. Comment peut-on instaurer une politique respectant les droits des usagers ? Il faut agir sur les textes qui réglementent l'usage des drogues ou en établir de nouveaux qui seront plus en adéquation avec la réalité. Il faut également intégrer le traitement médical de la toxicomanie dans le code pénal afin que le juge puisse avoir de la matière et faire convenablement son travail. Le dahir de 1974 est une copie presque conforme à la loi française qui prévoit en plus d'une amende et de l'emprisonnement, une possibilité de traitement et de prise en charge. Mais au Maroc, le juge classe le dossier une fois que l'usager est en prison. Ce dernier n'est jamais informé sur la possibilité de se faire suivre ou se désintoxiquer. Nous avons mené de nombreuses enquêtes de terrain à ce sujet et nous avons réalisé qu'il n'y a pas de coordination entre les associations qui assistent ces usagers et les autorités qui ne font que réprimer et mettre les victimes en prison. Comment une politique appropriée de lutte contre l'usage des drogues peut-elle réduire les risques et prévenir les dommages liés à la consommation des drogues, surtout chez les « refuzniks » du sevrage ? Les politiques répressives n'arriveront jamais à arrêter l'usage des drogues. Il faut penser à d'autres moyens plus humains et plus considérants. La prise en charge, la prévention et la sensibilisation sont les prémices d'une bonne sortie du monde de l'addiction. Les associations qui s'intéressent à la santé des drogués, à l'addiction en général, permettent à ces usagers qui se soignent d'accéder facilement à leur « kit propre » de drogues en doses décroissantes tout en veillant à l'hygiène durant l'utilisation. La guerre globale contre la drogue produit plus de dégâts que les méfaits de la drogue elle-même ? Comment justifiez-vous cette affirmation ? C'est évident puisque l'usage des drogues est réprimé et donc se réduit à la clandestinité et à la contrebande. « Le produit » devient rare et très demandé et entraine le simple usager dans un cercle vicieux. Nous sommes d'accord sur le fait que les drogués peuvent tout faire pour avoir leur dose et peuvent même en perdre la raison s'il n'en trouve pas. La répression s'abat d'autant plus sur eux, chose qui rend le traitement plus difficile car ils se sentent exclus. Une fois arrêté puis relaché, le consommateur qui était non dangereux devient dealer. Voilà pourquoi je suis pour la contraventionnalisation de l'usage des drogues. L'ONU s'était donnée comme délai 10 ans pour éradiquer la consommation de drogues mais cela n'a pas abouti. Pourquoi à votre avis ? La répression toute seule n'a jamais suffit. Il existe un grand nombre de peuple qui sont habitués à consommer de la drogue pour des raisons culturelles, folkloriques ou simplement pour des raisons professionnelles apaisant le stress et rendant le travail plus serein. L'Amérique a la Coca, le Yémen a le Qat et le Maroc a le Hashish. C'est inéradicable car cela relève des croyances de chacun de nous. Les Pays-Bas, le Portugal et la Suisse sont des exemples convaincants de l'impact positif d'une politique centrée sur la prévention, le traitement et la réduction des dommages. Pouvez- vous nous citer des exemples palpables ? En effet, les autorités du Portugal par exemple ne stigmatisent plus l'usager. Ils le mettent en confiance, discutent avec lui, cherchent à savoir les raisons de sa consommation. Ensuite, le consommateur de drogue est conduit vers un centre de traitement et de désintoxication. Nous faisons la même chose ici au centre de Hasnouna à Tanger. Les usagers sont pris en charge. D'une part, le centre a une équipe permanente qui fournit aux usagers non seulement de la méthadone et du café mais aussi une prise en charge psychologique. D'autre part, le centre de Hasnouna a une équipe mobile qui distribue des seringues propres aux « refuzniks » afin d'éviter les contaminations. Ils ne sont pas brutalisés mais sont informés sur le danger que leur santé est entrain d'encourir et qu'il n'est pas trop tard pour le réaliser. Le cannabis doit faire l'objet de la même approche que celle concernant les drogues dures ? Une drogue reste une drogue puisque l'addiction est là. L'usage relève de la liberté individuelle des consommateurs du moment qu'ils n'atteignent pas la liberté des autres. Pourquoi la même peine privative qui s'applique sur les usagers de drogues ne s'appliquerait pas sur la cigarette et l'alcool ? Ces deux là sont plus nocifs que le Haschich. D'ailleurs nous sommes producteur mondial. Plus de la moitié du Maroc en consomme, disons le ainsi. Nous n'allons pas tous les mettre en prison !.