La situation en Syrie sert, une fois de plus, de terrain de démonstration de force et de règlement de comptes entre les grandes puissances dans un piètre remake de guerre froide. Avec le veto sino-russe présenté comme une ignominie par la plupart des chancelleries occidentales, il faut dissocier le droit de veto de son exercice. Cependant, il faut rappeler qu'il s'agit du second veto sur la même question, par les mêmes acteurs qui avaient bloqué une condamnation similaire il y a quatre mois, jour pour jour, en octobre dernier. Le droit de veto, hérité de la Seconde Guerre Mondiale a été utilisé 265 fois depuis 1945. A chaque fois, au moins, l'un des cinq membres du Conseil de sécurité y a eu recours pour faire avorter la volonté de tous les pays membres des Nations Unies, le plus souvent avec des conséquences dramatiques sur le terrain, avec une mention particulière pour le trio de tête constitué, dans l'ordre, par l'Union Soviétique/Russie, les Etats-Unis, et la Grande Bretagne, suivis par la France puis la Chine. Nous sommes donc loin de l'idée reçue de la Démocratie et de la (bonne) gouvernance mondiale. C'est ce qui s'appelle la realpolitik et ses « dommages collatéraux ». Dans le cas de la situation en Syrie, le blocage sino-russe se justifie selon ses auteurs par le « débordement » en Libye qui a légitimé de facto le changement de régime et qui allait au delà du mandat signé par la Russie lorsqu'elle a approuvé la demande des Nations Unies. Mais sur le terrain, ce sont des enfants, des femmes et des hommes plus ou moins jeunes qui tombent chaque jour sous les mortiers d'une armée sanguinaire. Des êtres humains sacrifiés aussi bien par ceux qui les exécutent que par ceux qui jouent avec l'esprit de la loi pour se dédouaner. La morale voudrait que l'on condamne avec véhémence ces actes de barbarie et que l'on fasse tout ce qui est possible pour arrêter ces assassins. Hélas, trois fois hélas, tant que cinq petits pays continueront à imposer leur volonté à l'ensemble de la planète en se basant sur un ordre révolu, la Justice continuera d'être subordonnée aux calculs géopolitiques et l'espace pour permettre à cette fameuse gouvernance mondiale d'émerger encore à inventer.