Nous y retrouvons, tout d'abord, six ministres de souveraineté. Si le ministère de l'Intérieur est revenu à un élu du peuple pour la première fois depuis plusieurs décennies, Mohand Laenser se retrouve étroitement « secondé » par un pur produit de la mère de tous les ministères en la personne de Charki Draiss. Même constat pour les Affaires étrangères ou Saad-eddine El Othmani sera épaulé de très près par Youssef El Amrani qui fut secrétaire général du même ministère avant de prendre les rênes de l'Union pour la Méditerranée qui peine à prendre son envol. Le secrétariat général du gouvernement, les Habous et l'Administration de la défense conservent leurs titulaires tout comme l'Agriculture qui est réattribuée à Aziz Akhannouch. Le cas d'Aziz Akhannouch mérite qu'on s'y attarde car il concentre toute l'ambiguïté de la gouvernance du pays. Voilà un capitaine d'industrie, élu local sous les couleurs du MP, habillé en RNiste pour accéder au gouvernement, élu national sous la bannière du RNI, votant le passage à l'opposition de son parti, démissionnant moins d'un mois plus tard du même parti pour rejoindre le gouvernement. Au-delà des compétences et de l'intégrité du personnage, qui ne sauraient être mises en doute, la lisibilité des choix de l'élu laisse pour le moins perplexe quand elle ne décrédibilise pas un champ politique en quête, justement, de légitimité.Abdelillah Benkirane, qui voulait une équipe « plus jeune que lui », se voit entouré de quelques septuagénaires et de plusieurs sexagénaires fournis par certains coalisés dont le fonctionnement date encore de l'époque du droit d'ainesse. Le PJD a non seulement fourni les « jeunes » ministres du nouveau gouvernement mais aussi l'unique femme du cabinet. La parité ne semble pas être, non plus, la priorité des coalisés. Enfin, on attendait un gouvernement de 15 puis de 25 ou de 28 ministres et on se retrouve avec 31 portefeuilles preuve, s'il en fallait encore, que le chef du gouvernement n'a pas su s'imposer au sein de sa propre majorité. Le délai de grâce de l'équipe Benkirane, traditionnellement de 100 jours, débute le 3 janvier pour se terminer le 15 avril 2012. Ryad Mezzour Faible marge de manœuvre La marge de manœuvre de la nouvelle équipe est faible au vu de la conjoncture nationale et internationale, de l'architecture du gouvernement et du renforcement de l'équipe des conseillers du roi.Les réformes d'envergure, si elles sont engagées, ne pourront donner leurs premiers fruits que dans plusieurs années. Les attentes des Marocains sont immenses et la consécration démocratique à travers la légitimité des urnes et l'esprit de la nouvelle Constitution auraient pu donner un premier gage de bonnes intentions pour permettre à nos concitoyens de partager les difficultés attendues pour mener à bien des réformes nécessaires dans un contexte délicat. L'architecture du nouveau gouvernement n'a pas su proposer de rupture crédibilisant une transition démocratique d'envergure. Elle s'inscrit dans une tradition d'évolution en liberté étroitement surveillée sous un modèle de gouvernance unique en son genre. Les prochains mois pourront nous éclaircir sur la capacité des Marocains à se retrouver dans cette équation tout en admettant que chaque peuple n'a, finalement, que le gouvernement qu'il mérite. Le cas d'Aziz Akhannouch mérite qu'on s'y attarde car il concentre toute l'ambiguïté de la gouvernance du pays.