Marche antiterroriste Les partis politiques, de gauche comme de droite, de même que la quasi-totalité de la société civile, ont fait bloc pour s'opposer à la participation du PJD à la grande marche antiterroriste de Casablanca. Après maintes manœuvres, voire des menaces, le parti des islamistes a jugé prudent d'appeler ses troupes à renoncer à défiler. L'initiative est à risque. Pour la société civile et les partis, la participation des islamistes revenait à faire entrer “le loup dans la bergerie”. Pour ces derniers, c'est un “radicalisme” à la tunisienne qui fait feu de tout bois. Dans un cas, comme dans l'autre, les loups sont très solitaires. Marchera, marchera pas ? Le Parti de la justice et du développement (PJD) a été écarté de la marche antiterroriste de Casablanca. Plus que jamais, le parti islamiste est esseulé, isolé et évité comme étant l'incarnation du même mal qui a frappé ce vendredi 16 mai. Pour les organisateurs, plus de 70 associations, partis politiques et ONG, le parti de Khatib a une responsabilité morale dans ces atrocités criminelles qui ont fait plus de 43 morts déjà. La boucle est ainsi bouclée. Il y a eu d'abord, la répulsion populaire, spontanée. Pour monsieur tout le monde, tous les chats se ressemblent dans la nuit de l'obscurantisme. Toute nuance est un leurre. D'ailleurs, les Marocains qui, il y a quelques mois à peine, accueillaient avec une certaine convivialité les leaders du parti, les ont hués et leur ont jeté des tomates à Rabat, le dimanche 18 mai. Signe parmi d'autres : Mustapha Ramid, le chef du groupe parlementaire PJD, a été très mal accueilli lors d'une cérémonie d'enterrement d'une des victimes de Casablanca. Le vent tourne, le PJD en est conscient. Ensuite, il y a eu ce coup de semonce du Premier ministre, Driss Jettou. D'habitude très courtois, Jettou n'y est pas allé par quatre chemins. Parlant des attentats et de la politique, il a fustigé “tous ceux qui, au cours des derniers mois, ont fait du suivi du procès des membres de la Salafia Jihadia, dont les crimes ont été prouvés, des simples calculs électoraux”. Pas besoin d'être un devin : le PJD est ici pointé du doigt. Après l'opinion publique, l'Etat, c'est au tour donc de l'élite politique et de la société civile de faire front uni pour barrer la route aux barbus. Toutes tendances confondues. Réunissant la gauche socialiste et les opposants tous azimuts, le Front unifié a été le premier à exclure toute marche commune à côté des islamistes. Pour Najat Ikhich, responsable de la Ligue démocratique pour les droits de la femme (LDDF), par ailleurs membre du Front : “c'est la politique du PJD qui a incité des jeunes à commettre des actes ignobles”. Ils ne peuvent pas se dédouaner en manifestant avec le reste de la société civile. Abdelilah Benkirane et ses amis essaient de voir ailleurs. Les partis de la majorité avaient annoncé effectivement l'organisation d'une marche commune. Une chance une manœuvre. Le PJD compte quelques alliés, même occasionnels comme Aherdane, et un défenseur, l'Istiqlal. L'USFP, le PPS et les autres coalisés du gouvernement affichent un non catégorique. Nouvelle tentative du PJD cette fois, il s'adresse à la Commission nationale organisatrice de la marche de Casablanca, dont le président n'est autre que Driss Lachgar, membre du bureau politique de l'USFP. La manœuvre du PJD n'aboutit pas, il se retrouve seul. D'autant plus que la majorité gouvernementale et le Front unifié ont fini par s'entendre et que les autres partis dits de droite ont également été associés au défilé (UC, PND, MP…) Mais “les barbus ne marcheront pas, en tout cas pas à nos côtés”, laisse-t-on entendre. Un message on ne peut plus clair : le PJD et autre Adl wal Ihsane sont désormais prisonniers de leur propre identité. L'ambiguïté islamiste a un prix. C'est le PJD qui, le premier, le paiera. Pour le moment, il en est encore au début. De la facture et de la fracture. Affaire à suivre.