Les électeurs israéliens qui ont voté mardi ont donné la majorité, comme prévu, à l'extrême droite et permis à Sharon de poursuivre sa politique de destruction massive et meurtrière pour le peuple palestinien. Le parti travailliste a été laminé. Les laïques font une percée remarquée. Sans surprise, le Likoud a remporté haut la main les élections législatives israéliennes. Le plus dur reste à faire pour Ariel Sharon, gouverner sans se faire piéger par des alliés indésirables. Il risque en effet d'avoir le plus grand mal à former une coalition large. Le Parti travailliste, grand perdant du scrutin de mardi, a d'ores et déjà réaffirmé son refus de faire partie du futur gouvernement. C'est donc une victoire à problème que vient de remporter Sharon, qui s'efforce, depuis la formation de son gouvernement sortant, il y a deux ans, de passer pour un centriste. Gouverner avec une majorité limitée à la droite, à l'extrême droite et aux partis religieux ne manquera pas de provoquer de fortes tensions, voire une crise de confiance, avec ses tuteurs américains, lorsqu'il décidera, au moment d'attaquer l'Irak probablement, que le moment est venu de relancer les initiatives de paix et les négociations israélo-palestiniennes. La 16è Knesset s'annonce comme le plus à droite de l'histoire d'Israël depuis sa création en 1948. Le Likoud obtient 37 sièges sur 120, contre 19 dans le parlement sortant. Le Parti travailliste enregistre une humiliante déroute, n'obtenant que 19 élus contre 25, soit le plus mauvais score de son existence. Le Shinoul, laïc et centriste, décroche 15 mandats contre 6, et le Shass, ultra-orthodoxe recule avec 11 élus contre 17. Le taux de participation a été le plus faible de l'histoire d'Israël pour des élections législatives, ne dépassant guère les 68 % des inscrits, soit environ 10 % de moins que le taux de participation habituel. Le décompte quasi définitif fait ainsi apparaître que les partis de la droite nationaliste pourront compter sur quelque 70 sièges avec les formations extrémistes et religieuses. La gauche s'effondrant avec quelque 35 sièges, dont 9 parlementaires pour les partis arabes. Ce dernier bloc, mené par le chef du parti travailliste Amran Misnah a catégoriquement exclu toute participation à un gouvernement dirigé par Ariel Sharon : «Je n'ai aucune intention de servir d'alibi à un gouvernement dirigé par Sharon», a-t-il réaffirme. La presse israélienne a donc raison d'écrire que «Sharon est en difficulté», expliquant qu'il a certes «reçu un mandat clair des Israéliens et son assise parlementaire lui permet de former facilement une coalition restreinte de droite, mais en réalité cela réduirait sa marge de manœuvre politique auprès des Américains et le gênerait dans sa tentative de sortir Israël du marasme économique». «Il vaut mieux ne pas danser sur les toits ni boire trop de champagne. Après le passage à droite et l'écroulement du processus de paix, Sharon va devoir vivre les affres d'un gouvernement étroit et extrémiste. Il a perdu la respectabilité que lui donnait le parti travailliste en servant de feuille de vigne à sa politique de force. L'Amérique n'aimera pas cela », écrit le quotidien Haaretz. Les autres titres israéliens s'interrogent eux aussi très longuement sur la constellation des formations en présence à la Knesset et la complexité des combinaisons permettant l'émergence d'une coalition gouvernementale fiable et crédible. Trois facteurs contrarient les projets d'Ariel Sharon. D'abord la confirmation par Misnah de son refus catégorique de participer à un cabinet d'union nationale. Le dirigeant travailliste veut sans doute contraindre Sharon à gouverner avec une majorité la plus à l'extrême droite possible, dans le but que cela conduise à l'impasse et à de nouvelles élections. Ensuite, Sharon est piégé par l'écart énorme entre les blocs de droite et de gauche. Une marge tellement grande qui ne fait qu'accroître la pression sur lui pour qu'il forme une coalition « naturelle » regroupant la droite, l'extrême droite et les religieux orthodoxes. Enfin, une majorité du Likoud s'oppose aux rares ouvertures de son président concernant un quelconque Etat palestinien. Sharon peut difficilement s'opposer de front à une grande partie de sa formation. Toutes ces projections se trouvent compliquées par l'imminence d'une guerre en Irak. Une éventualité qui renforce le sentiment de crise et d'urgence à l'intérieur d'Israël, un pays profondément divisé. Malgré les apparences, ces élections n'ont fait qu'aggraver les clivages au sein d'une société bloquée et convaincue des menaces que fait peser sur elle une paix négociée.