Dans quel cas le salarié est jugé avoir commis une faute grave. Si le code du travail n'apporte pas de précisions à ce sujet, c'est à l'employeur, puis au tribunal d'en apprécier la gravité, lorsqu'il y a litige entre le salarié et son employeur. Un enregistrement vidéo daté du 22 décembre, montrant un employé d'une compagnie de transport de renommée internationale chargé d'une livraison, jeter l'écran de l'ordinateur du client par-dessus le portail, fait le tour du monde. Cet acte illustre le cas typique de la faute grave du salarié. En ce sens, même s'il ne figure pas dans la liste des fautes graves stipulées dans l'article 39 du code du travail, il peut être considéré ainsi pour deux raisons : le préjudice subi à l'employeur et le manque de discipline du salarié. Le législateur, dans l'article 39, cite à titre d'exemple un ensemble de fautes graves pouvant provoquer le licenciement du salarié sans indemnité, voire sans préavis. Ce cas d'espèce nous renvoie à étudier en détail un autre cas attaché au contexte marocain, à savoir celui d'un chef d'agence bancaire qui a émis un chèque sans provision au profit d'un client de la banque. Peut-on considérer l'acte de ce banquier comme faute grave ? Le traitement de ce cas nous renvoie aux questions suivantes : comment peut-on définir la faute grave ? Les fautes graves sont-elles citées dans le code du travail à titre indicatif ou à titre restrictif ? La notion de faute grave La loi n'apporte pas de définition de la faute grave détaillant des explications précises sur sa qualification. De plus, la jurisprudence marocaine ne détermine pas les critères de la notion de faute grave. Le code du travail accorde à l'employeur le droit d'apprécier la gravité de la faute et d'en supporter les conséquences de son jugement, lorsque le litige est porté devant les tribunaux. En général, la faute grave du salarié est une faute qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Elle résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié et constituant une violation des obligations contractuelles dont l'importance rend impossible le maintien de la relation dans l'entreprise pendant la durée du préavis. En effet, la qualification de la gravité de la faute ne nécessite pas qu'elle soit intentionnelle ou qu'elle soit à l'origine d'un préjudice subi par l'employeur, la présence d'un risque est suffisante pour évoquer la faute grave. Le fait, par exemple, pour un gardien de dépôt de carburant, de fumer ou d'allumer un feu de bois à proximité d'une citerne de carburant, pour préparer son thé à la menthe, constitue un risque certain d'incendie et une faute grave. Enfin, la faute grave doit être prouvée par l'employeur. En cas de doute, cela profitera toujours au salarié. Quelques cas d'espèces de la faute grave Le législateur, dans l'article 39, cite à titre d'exemple un ensemble de fautes graves pouvant provoquer le licenciement du salarié sans indemnité, voire sans préavis : le délit portant atteinte à l'honneur, à la confiance ou aux bonnes mœurs ayant donné lieu à un jugement définitif privatif de liberté ; la divulgation d'un secret professionnel ayant causé un préjudice à l'entreprise ; le vol ; l'abus de confiance ; l'ivresse publique ; la détérioration grave des équipements, des machines ou des matières premières causée délibérément par le salarié ou à la suite d'une négligence ; toute forme de violence ou d'agression dirigée contre un salarié, l'employeur ou son représentant portant atteinte au fonctionnement de l'entreprise ; refus délibéré et injustifié du salarié d'exécuter un travail de sa compétence. Toutefois, l'employeur peut invoquer d'autres cas de figure qui peuvent être qualifiés de faute grave en dehors de cette liste, comme la perte du permis de conduire pour des raisons comme celles de la conduite en état d'ivresse (même en dehors de son temps de travail), ou même simplement conduite à une vitesse excessive, emprunt d'une machine ou d'un véhicule de l'entreprise sans autorisation pour un usage personnel, refus non justifié d'effectuer des heures supplémentaires ou des heures d'astreinte, détournement de clientèle vers un concurrent, produire une fausse signature à la place du directeur, demande de remboursement de frais professionnels fictifs, retard lourd et injustifié dans l'envoi d'un certificat d'arrêt de travail, fautes juridiques multiples dans la gestion des dossiers des clients de l'entreprise, l'insulte d'autres personnes que les personnes de la direction, allumer le feu de bois à proximité d'une citerne de carburant, etc. Chèque sans provision Il découle de cette analyse que la faute commise par le chef d'agence précité est une faute grave même si elle n'est pas inscrite dans la liste des fautes graves telles quelles sont stipulées par l'article 39. La Cour suprême, dans son arrêt N° 772 du 1er octobre 2002, a considéré que «la faute imputée au salarié du fait de l'émission d'un chèque sans provision au profit d'un client de la banque est un acte grave compte tenu de la personnalité de celui qui l'a émis qui est le responsable direct d'une agence bancaire et qui est tenu être honnête». De ce fait, force est de constater que du moment que les fautes graves ne sont pas limitées par la loi, il relève de la compétence du tribunal d'évaluer leur gravité.