Venu présenter Or Noir au Festival International du Film de Marrakech, Jean-Jacques Annaud est revenu sur sa carrière de défricheur de mythes et de conquérant de contrées sauvages, lors d'une master-class dimanche soir. Portrait d'un ‘'cascadeur'' du septième art. Pour Jean-Jacques Annaud, les aventures rocambolesques et la patience sont indissociables. Etre cinéaste est selon lui un «éblouissement permanent, une patience sans bornes, et une recherche continue de la novation.» Animé d'une prise de risque permanente, il est le tenant d'un cinéma à part, un cinéma français spectaculaire et populaire, et d'une poignée de fresques et d'épopées déroutantes dont que des poids lourds : ‘'La guerre du feu'' ‘'le Nom de la rose'', ‘'Sept ans au Tibet', ‘'L'Ours'', ‘'Stalingrad'', et on en passe. Nous avons assisté à sa master class au palais des Congrès de Marrakech, le lendemain de la projection de son film ‘Or Noir'' ou il est revenu sur les temps forts de son parcours. Et des grands moments, il en a vécu ! Son premier film, ‘'La victoire en chantant'', un film anti-colonialiste filmé au Cameroun, a obtenu l'Oscar du meilleur film étranger en 1977. C'est avec «La Guerre du Feu», César du meilleur film en 1982, qu'il obtient son premier succès public. En 1990, «L'Ours» est nommé aux Oscars. Revenu sur ce dernier, le réalisateur nous a livré les secrets des trucages cinématographiques et les combats incessants derrière chaque scène de ce film peu commun. Même pas peur… Avec sa bonhomie habituelle, il a passé en revue les heures où les membres de l'équipe couraient après le puma, qui quittait ‘'le plateau'' pour cavaler seul dans les montagnes autrichiennes, ou aussi les moments où les dresseurs se cachaient derrière la caméra pour terroriser l'ourson, ou les heures passées à construire des arbres en plastique et à conditionner l'ours pour s'y agripper, au cœur d'une nature en fureur . «C'est un film qui date et tous les trucages ont été faits a l'ancienne'', a-t-il expliqué. ‘'Dans le cinéma, on peut tout faire, et certaines scènes de l'Ours ont demandé des mois de préparation, et nécessité 8 à 10 jours de tournage. Mais au-delà de ça, j'ai voulu montrer, à travers ce film, notre ressemblance avec l'animal, en l'occurrence le désir amoureux et le besoin de territorialité». Il s'est également étendu sur la ‘'guerre du feu'', dont la scène-clef, si l'on se souvient tous – celle du déclenchement du feu – a été tournée dans une caverne au rif du Kenya, où les conditions de tournage étaient aussi primitives que le film lui-même. «Je suis complètement athé, et j'ai toujours eu un plaisir objectif à observer un certain nombre de croyances» Jean-Jacques Annaud Sur ‘'Or Noir'', il s'est attardé sur les scènes de combats titanesques et ‘'des 700 dromadaires et chevaux et des centaines de figurants qui attendaient sous un soleil de plomb, et d'un Tahar Rahim qui chutait dramatiquement en plein milieu d'un combat…'' De la mer Egée jusqu'aux contrées russes et les déserts de Tunisie, du Tibet jusqu'aux montagnes autrichiennes, des jungles camerounaises jusqu'aux dunes du Qatar, Jean-Jacques Annaud aura tout vécu, ou tout survécu, pour porter à l'écran un cinéma grandiose. Passion de l'autre Mais pourquoi cette quête de l'inconnu trépidante ? Pourquoi cette curiosité démesurée et cette passion de l'autre ? «J'ai été élevé par un père qui n'est pas le mien, et depuis le jour ou je l'ai découvert, j'ai été entraîné dans une quête incessante du savoir, et dans un élan incontrôlable vers l'imaginaire». Et pourquoi ce besoin viscéral de nourrir le monde de spiritualité et de démystifier les civilisations ? «Je suis complétement athée, et j'ai toujours eu un plaisir objectif à observer un certain nombre de croyances. J'ai été élevé dans l'ouverture absolue à l'autre mais le monde merveilleux de la foi m'a été refusé, et c'est sans doute pour cela que j'ai été amené à faire des films sur ces sujets-là», a-t-il confié à l'assistance. Défricheur des mystères ignorés par la planète, Jean-Jacques Annaud est aussi tenace et volontaire, et se laisse rarement démonter. Critiqué souvent par la presse, comme du temps du ‘'Nom de la rose'', adaptation du célèbre roman d'Umberto Eco, et ‘'Sept au Tibet'' dont le héros, l'alpiniste autrichien, Heinrich Harrer, appartenait supposément à l'organisation nazie des SA, et dernièrement ‘'Sa majesté minor'' pour son aspect «outrageusement sexuel», Jean-Jacques Annaud a continué a creuser le sillon de son parcours atypique, allant jusqu'à naviguer sur les sables mouvants des déserts d'Arabie. Constat imparable dans la carrière de ce cinéaste : il ne renonce jamais. La preuve, une prochaine percée… En Mongolie.