À j- 3 du 11e FIFM, Noureddine Saïl, directeur du CCM et co-directeur de cet événement nous a accordé un entretien dans son bureau à Rabat où les affiches de « Cet étrange objet du désir » et « Le Mépris », rappellent son goût du cinéma. Noureddine Saïl. Photo Yassine TOUMI Quel sera l'aspect déterminant qui marquera cette 11e édition ? L'aspect à retenir lorsque nous parlons du Festival International du Film de Marrakech, est le modèle artistique et économique parvenu à un équilibre : nous avons atteint le bon rythme grâce à ceux qui œuvrent au déroulement de cet événement dans l'harmonie. Mais cette réalisation est le fruit d'un long processus qui repose sur des piliers d'excellence liés à la programmation des longs-métrages présentés en compétition officielle, à la qualité des membres du jury et au choix du président, aux cinéastes au talent reconnu à travers le monde, à la compétition courts-métrages Cinécoles, enfin, aux projections de films destinés aux non-voyants et aux mal-voyants. Le développement de la production filmique marocaine a de plus, commencé en 2003 et en 2004, la confirmation du FIFM a accompagné l'élan de cette production. Le Maroc produit chaque année 20 à 25 longs-métrages, et 80 courts-métrages. Le second aspect à retenir, est la présence de quatre films marocains de genres différents, présentés dans la section «Coup de cœur». «L'Amante du Rif», de Narijiss Néjjar sera projeté lors de la cérémonie d'ouverture comme «Courte vie», de Adil Fadili, clôturera le festival. L'an dernier a été créé le concours Cinécoles destiné à la jeune école du court-métrage marocain. Le prix remporté par Mahassine El Hachadi, la réalisatrice du film «Apnée» devait lui permettre de réaliser un second film. Où en est-elle sur ce plan ? La philosophie de la compétition Cinécoles tient à un discours concret : nous adresser aux étudiants des écoles de cinéma du Royaume afin d' offrir au lauréat, qui a le plus de potentiel mais pas les moyens financiers, la possibilité de réaliser un second court. Son altesse royale, le prince Moulay Rachid, a doté ce prix de 300 000 dirhams. Mahassine El Hachadi, récompensée pour «Apnée», est actuellement en projet. Cette dotation doit être utilisée pour un film réalisé et achevé dans les trois ans qui suivent le Palmarès. L'année dernière, nous avons été amenés à faire une sélection parmi 56 courts-métrages, cette année, nous en avons vu 68. «Un pays qui n'a pas de production visible n'appartiendra jamais au monde du cinéma.» Le cinéma mexicain, l'un des plus innovants avec celui d'Asie et des Balkans, est mis à l'honneur cette année. Son volume, lié à celui de l'Amérique du Sud ne s'élève qu'à 80 films par an. Quelles conclusions en tirer ? Il y deux ans, le cinéma invité était la Corée du Sud. Un cinéma inventif, très bien mené et excellemment construit. Il s'agit d'un modèle pour le cinéma du Maroc. Nous avons précédemment, traversé l'histoire du cinéma avec l'Egypte, l'Italie, la France, la Grande-Bretagne, patries du septième art, à l'instar du Maroc aujourd'hui. Deux cinématographies manquaient : celles de l'Asie et de l'Amérique du Sud, la Chilienne, l'Argentine, la Brésilienne, la Mexicaine qui ont des similitudes stylistiques et identitaires avec le Maroc. Nous avons une sensibilité commune et nous avons développé une présence marocaine en Argentine, où nous trouvons une reconnaissance pour nos fictions, 7 films y sont présentés. Un pays qui n'a pas de production visible n'appartiendra jamais au monde du cinéma. Au terme de ces dix années, le FIFM incarne-t-il un festival du Sud alliant le goût du cinéma à celui du spectacle ? En Afrique et dans le monde arabe, le FIFM a atteint un degré de cinéphilie et de sérieux jamais démenti. Le Maroc se trouve à la pointe de l'Afrique, sa résonance avec l'Asie ou l'Amérique latine est tangible. Il incarne un rendez-vous incontournable qui fidélise les stars internationales. Nous sommes un festival qui ne leur propose pas de cachets et nous avons un vrai public. Justement, Marrakech se situe aux portes du désert et le FIFM encourage les premiers films et les films indépendants. On aimerait y voir les grands cinéastes africains représentant la création de la rive sud aux côtés de stras hollywoodiennes… Les films africains ou arabes étaient absents : nous ne faisons pas une compétition entre les pays, s'il y avait eu de bons films sénégalais, béninois, finlandais, estoniens, ils seraient en compétition. Bruno Barde, Jérôme Lacour et moi-même, n'avons pas eu de moments d'exception avec la France, certains films rejoignent déjà le musée cinématographique. Mais nous avons de vrais débats. Les films sélectionnés sont à l'image du monde : sombre, en souffrance. Quel est le budget du FIFM 2011 ? 5 millions d'euros quand des festivals du monde arabe atteignent 10 ou 12 millions d'euros. Que répondez-vous à ceux qui désignent le FIFM comme un festival français se tenant au Maroc ? Je suis toujours fasciné par la capacité de l'ignorance qui passe pour de la science… C'est méprisant pour les architectes et les petites mains qui travaillent toute l'année pour inviter Nuri Bilge Ceylan, Emir Kustrurica ou encore Sigourney Weaver. Bruno Barde a l'opportunité de voir 400 films par an à Poussan ou au Canada, Mélita Toscan du Plantier a un carnet d'adresse mis au service du FIFM. Et la dimension technique est à saluer grâce à Fayçal Laraïchi. Tout ceci est une stratégie de complémentarité. Dès lors qu'il y a processus de création, il y a suspicion.