Hamadi Jebali, SG d'Ennahda, s'apprête à devenir Premier ministre. Portrait du nouvel homme fort de la Tunisie. Lunettes vissées sur le nez et fine barbe blanche, Hamadi Jebali se veut le symbole d'un islam politique modéré. Après la victoire de son parti aux élections du 23 octobre, le SG d'Ennahda s'apprête à prendre la place de Premier ministre à l'Assemblée constituante. Conscient qu'Ennahda est un mouvement hétérogène, Hamadi Jebali entend se positionner comme une figure politique consensuelle et fédératrice. Le mouvement Ennahda « rassemble plusieurs générations, plusieurs points de vue. Il est naturel qu'il y ait des divergences», reconnaissait-il. Dans ce but, il n'hésite pas à jouer la carte turque, invoquant l'AKP d'Erdogan comme modèle. Parcours Agé de 62 ans, Hamadi Jebali est originaire de la ville de Sousse. En 1969, il part faire ses études d'ingénieur en France, où il restera pendant 9 ans. C'est alors qu'il est encore jeune étudiant qu'il commence à militer au sein du Mouvement de la tendance islamique, l'ancêtre d'Ennahda, fondé en 1981. « Il était très populaire, se souvient Samir Dilou, membre exécutif d'Ennahda. Au sein du parti, il avait la réputation d'être un homme d'écoute et de dialogue. Il avait la qualité d'encourager les jeunes même s'ils commettaient des erreurs ». Après les Législatives de 1989, qui marque l'éradication des islamistes par Ben Ali, Hamadi Jebali fera partie des nombreux opposants politiques mis en prison. Au total, Jebali a passé seize ans et demi derrière les barreaux. 16 ans en prison Dont dix dans un isolement total. «Une cellule de deux mètres sur trois, sans pouvoir parler à personne, privé de lecture et d'écriture». Une expérience qui l'a beaucoup marqué, voir « structuré » selon ses propres mots. Directeur du journal du mouvement islamique Al Fajr, il a été incarcéré une première fois en 1991 après la publication d'un article sur les tribunaux militaires, jugé « diffamatoire ». La bourde du « califat » Petite ombre au tableau pour Hamadi Jebali : son dérapage dans un discours à Sousse. A cette occasion, le Secrétaire général du parti Ennahda s'est mis à comparer la transition tunisienne au « sixième califat », une référence ordinairement utilisée par les islamistes radicaux. Un terme polémique qui lui a valu de s'expliquer après coup pour essayer de redresser le tir. «J'ai été mal compris. Je voulais seulement donner l'exemple d'une bonne gouvernance fondée sur le droit et l'équité», a-t-il assuré. Puis l'année suivante, il est jugé une seconde fois à l'occasion d'une vague de répression anti-islamiste et la lourde condamnation tombe, « pour appartenance à une organisation illégale » et « complot visant à changer la nature de l'Etat ». Après trois grèves de la faim, il sera finalement gracié et retrouvera la liberté le 26 février 2006. Aujourd'hui de retour sur la scène politique, il se présente comme l'avocat d'une «réconciliation nationale», affirmant vouloir « dépasser les erreurs du passé».