Rencontre avec Samir Bantal, concepteur de l'exposition sur l'architecture néerlandaise, qui sera inaugurée le 4 novembre à Casablanca. L'architecte maroco-néerlandais Samir Bantal a été choisi pour concevoir l'exposition « L'architecture néerlandaise : un tour d'horizon » qui ouvrira ses portes à l'ex-cathédrale du Sacré-Cœur de Casablanca le 4 novembre. Ce jeune homme de 34 ans, qui a collaboré avec des architectes aussi prestigieux que Rem Koolhas et Toyo Ito, travaille aujourd'hui à Amsterdam. C'est là que nous l'avons rencontré. Pourquoi avez-vous été choisi pour concevoir l'exposition sur l'architecture néerlandaise ? Je n'ai pas la réponse, mais je pense que mon approche a été considérée comme facilement accessible, compréhensible et différente. Une audience large sera ainsi capable d'accéder à cette exposition. Que vous soyez un professionnel ou juste intéressé par l'architecture, vous pourrez apprécier l'exposition. Pouvez-vous nous expliquer votre projet ? L'architecture néerlandaise est considérée comme un produit d'exportation. Les architectes néerlandais sont présents sur tous les continents. L'idée, c'est de faire une coupe transversale dans l'architecture néerlandaise et dans le contexte qui l'a créée. Le paysage est représenté par une carte des Pays-Bas en gazon de 900 m2. Au lieu de simplement présenter les grandes agences d'architecture, je veux que les gens ressentent la richesse des projets. «Au Maroc, l'architecture se diversifie, mais il y a trop de ‘‘Dubaï'', trop de projets de resort à grandes échelles» L'architecte aux Pays-Bas a répondu à de nombreux défis. Tout n'a pas été réussi, tout n'est pas parfait. Mais cette variété, avec le temps, a créé un laboratoire pour l'architecture. Cette variété est présentée à travers 36 panneaux installés en cercle, sur une table, montrant un aperçu de l'œuvre des architectes néerlandais. À la verticale, un panorama montre une interprétation de ce que l'on voit, en marchant à travers les paysages des Pays-Bas. Nous traversons des villes, des terres agricoles, accompagnés des fameux ciels néerlandais. À l'intérieur du cercle de plus de 30 mètres, des images satellites montrent que chaque mètre carré des Pays-Bas a été planifié. Sur la table, des livres sur l'architecture néerlandaise seront présentés. Les visiteurs pourront les consulter installés sur des poufs rouges. De chaque côté de la carte en gazon, on pourra découvrir des projets avant-gardistes de l'architecture néerlandaise. Flottant au dessus du cercle, 150 parapluies bleus, et un jaune sont un clin d'oeil au climat néerlandais. Pourquoi avez-vous choisi l'architecture comme moyen d'expression ? C'est un cliché de dire cela, mais je pense que c'est parce que la moitié de la population vit dans les villes. Et je dois répondre à cela et voir comment l'architecture peut être une manière très directe de comprendre la richesse du comportement urbain, parce que les bâtiments, presque invariablement, rapprochent les gens. Bien sûr, il ne suffit pas d'une construction. On ne doit pas exagérer le rôle de l'architecture, mais elle me permet de m'exprimer dans des domaines très différents. Mon rôle ne consiste pas seulement à empiler des matériaux. Sur quoi travaillez-vous en ce moment à Amsterdam ? Nous travaillons sur des projets de décoration intérieure, en utilisant uniquement du mobilier de seconde main. En parallèle, nous travaillons sur la conception très intéressante de sept villas « durables ». Nous allons utiliser une méthode stricte pour agir sur la production de matériaux, la consommation d'énergie –pendant la construction aussi – et l'espace. La forme des villas s'inspire des vieilles granges néerlandaises. Elles seront situées sur une île, augmentant la connexion avec l'écologie. Pourquoi l'architecture durable est-elle si importante pour vous ? C'est la seule voie possible aujourd'hui. Nous ne pouvons plus nous permettre de traiter notre environnement comme quelque chose d'éternel et d'indestructible. Et il n'y a pas que l'architecture qui doit être durable. Beaucoup de choses dans notre vie ont besoin d'un changement de paradigme, que ce soit la finance, ou encore la façon dont on s'alimente ou dont on s'habille. Certaines choses sont tout simplement inacceptables, contre l'éthique, trop concentrées sur la consommation qui crée un énorme gâchis. Avez-vous pensé à des projets pour le Maroc ? J'ai déjà travaillé sur trois projets au Maroc. Le premier, quand je travaillais comme chercheur-designer à l'Office for Metropolitan Architecture, l'agence de Rem Koolhaas. On a participé au concours pour le port de Tanger. À l'époque, j'avais constaté que le Maroc était en train de changer très rapidement. Plus tard, en tant qu'architecte indépendant, j'ai travaillé sur une étude de faisabilité pour un village écotouristique. Ma troisième intervention s'est faite à nouveau sur un concours qui consistait à concevoir différentes stratégies pour aider la ville de Casablanca à grandir tout en créant un nouvel urbanisme, et aussi en travaillant sur l'habitat informel, en permettant aux gens de vivre dans un environnement sain. C'est pour moi un des plus grands défis pour le Maroc. Préserver les magnifiques paysages tout en faisant en sorte que les concentrations économiques se fassent dans des environnements sains. Et, bien sûr, cela doit se faire à différentes échelles, de l'urbanisme à la simple maison. BIO EXPRESS Samir Bantal • Né à Tétouan en 1977. • Diplômé de la prestigieuse université de technologie de Delft en 2005. • Collabore avec Toyo Ito & Associates sur de nombreux projets européens, dont le Pavillon de la Serpentine Gallery à Londres. • Rejoint l'agence OMA, en 2005 où il travaille en tant que chercheur/designer. En 2006, Samir Bantal travaille sur le projet de Ras Al Khaimah, une ville durable de 195 000 habitants dans le désert. En 2008, il devient architecte indépendant et travaille sur des projets de design. • Aujourd'hui, il a son agence, Studio Oblique, et enseigne à l'université de Delft. Quels sont les projets qui vous ont le plus influencé et pourquoi ? J'ai eu l'occasion de travailler avec un grand nombre de personnes dans différents pays et venant de différents pays et qui m'ont inspiré. Les agences qui m'ont le plus marqué sont OMA et Toyo Ito avec qui j'ai travaillé. Je pense que le modèle derrière ces agences c'est leur capacité à observer. L'observation est certainement le meilleur outil pour un architecte, c'est le point de départ de n'importe quelle recherche et par conséquent de n'importe quelle position. Nous sommes moins des artistes même si les gens veulent bien nous le faire croire. Aux Pays-Bas, vous avez des architectes qui ont gagné des concours dans presque tous les pays du monde, excepté le Maroc. Avez-vous une explication ? Cela demeure un mystère. Je n'ai aucune idée là-dessus. La seule chose que je sais c'est que ça résulte d'un manque de connaissance de «l'autre côté» pour les deux côtés. Car, quand vous n'êtes pas impliqué, vous pouvez seulement observer à partir d'une certaine distance, ce qui rend vos actes moins précis. Pour agir, il faut être plus impliqué. Quelles sont pour vous les principales tendances de l'architecture marocaine ? Ce que je trouve intéressant, c'est que l'architecture marocaine devient plus diversifiée, prenant davantage en considération les apparences de « l'international », tout en arrivant à trouver un moyen de prendre les considérations culturelles et traditionnelles en compte pour ne pas devenir trop générique. Ces dernières années, j'ai constaté une incroyable influence des nouveaux médias sur l'architecture, et cette tendance est présente au Maroc. De plus, le climat économique plutôt prospère ces dernières années a joué. Le mauvais côté de tout cela, c'est qu'il y a trop de «Dubaï» au Maroc, trop de projets de resort à grandes échelles qui «bouffent» trop d'eau, de terre et d'infrastructures dans le but de s'affirmer comme un marché de l'immobilier. Le Maroc devrait pouvoir se distinguer avec plus de variété et de considération. Mais encore une fois, en tant qu'observateur distant, j'ai besoin de venir voir de plus près ce qui se passe réellement au Maroc dans le domaine de l'architecture. 2011 : l'année de l'architecture néerlandaise au Maroc L'ambassade du Royaume des Pays-Bas organise l'Année de l'architecture néerlandaise au Maroc. Au programme : une exposition rétrospective, des échanges de délégations spécialisées, un programme scolaire avec visites guidées, une série d'ateliers, des débats, des conférences et des projections de films thématiques. L'exposition qui aura lieu du 4 au 26 novembre montrera toute la diversité de l'architecture néerlandaise représentée par des talents qui ont gagné des concours au quatre coins du monde : Rem Koolhaas avec l'agence OMA ; Winy Maas, de MVRDV… Parallèlement, la 5e conférence bisannuelle African Perspectives 2011, fondée par cinq architectes néerlandais, se tiendra du 3 au 5 novembre 2011 à l'Ecole supérieure d'architecture de Casablanca. Architectes, urbanistes, professionnels de la ville, étudiants et spécialistes internationaux y débattront de la thématique « Les grandes métropoles africaines » dans le cadre d'ateliers.