Le patronat s'insurge contre le manque de coordination avec le gouvernement et sa non implication dans les grandes décisions. Il compte changer la donne grâce à un lobbying efficace. Sans confrontation mais sans complaisance. Longtemps décriée pour sa mollesse, la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc) tente récemment de prouver le contraire. Une démonstration de force a été organisée hier par le patronat et la Chambre de commerce et de l'industrie britannique sous forme d'une conférence dont le thème est justement: « Rôle et influence de la CGEM dans le paysage politique actuel : quel impact sur les entreprises au Maroc ? Vision 2020 ». « Le patronat a été longtemps caricaturé, alors que la CGEM s'efforce tant bien que mal en contribuant à la moralisation de la vie publique et offrir des conditions d'investissement avantageuses par exemple. », a tenu à souligner Jean-Luc Rizzo de la Chambre de commerce britannique et modérateur de la rencontre, avant de donner la parole au patron des patrons Mohamed Horani. Ce dernier a rappelé au début de son allocution le contexte difficile que traverse le monde actuellement et la position du Maroc. « C'est l'incertitude qui règne actuellement chez les économies mondiales », a-t-il relevé. D'ailleurs, le FMI a revu ses prévisions de croissance mondiale à 4,3% pour l'année en cours et 4,5% pour 2012. De plus, le ralentissement de la machine économique chez nos voisins européens dû à la dette publique et la hausse incompréhensible, des matières premières aura un impact certain sur l'économie marocaine, qui toutefois reste l'exception régionale, selon le président de la CGEM. Avant de planter le décor, Horani a capté l'audience quant à la conjoncture difficile que traverse le monde actuellement et a rappelé la sensibilité de la phase transitoire que traverse le pays. Car deux risques majeurs peuvent surgir en cette période d'élections. Un risque de blocage des grandes décisions ou la prise de décisions dans un souci purement électoraliste. Or, c'est là où le rôle de la CGEM est le plus palpable. De ce fait, la méthode 3P-2C (Partenariat public-privé, sans confrontation ni complaisance) prônée par Horani semble, en effet, porter ses fruits. Le meilleur exemple a concerné les 6 conventions de partenariat qui ont été signées récemment pour la mise en œuvre de la stratégie Maroc Export Plus. La veille de cette signature, Horani a remarqué que la CGEM n'était pas présente dans les organes de pilotage. « Je n'ai accepté de signer que la dernière page. J'ai reçu les conventions il y a trois jours de là, on a répondu à nos conditions et je les ai, alors, toutes signées ! », s'enorgueillit Horani. Une exemple concret de la pression qui pourrait s'exercer, en coulisses, par la CGEM. La confédération ne compte pas s'arrêter là ! Une adaptation structurelle de la Confédération sera opérée en fin d'année et qui sera orientée région avec l'intégration d'autres secteurs. De plus, les agriculteurs pourraient faire partie de la CGEM, portant ainsi le nombre des fédérations à 32 et un lien institutionnel sera établi avec la SMAEX. « Cette restructuration sera adaptée aux nouvelles donnes politiques du pays. Avec cette nouvelle configuration, on aura plus de poids et donc plus d'influence », déclare Horani. L'homme qui regrette la passivité du gouvernement actuel, espère que le futur chef de gouvernement adopte une certaine rupture avec les méthodes de son prédécesseur, comme la mise en place de nouvelles stratégies pour d'autres secteurs stratégiques comme les services financiers, et plus important, travailler sur une cohérence d'ensemble. Lors de la conférence, Horani a tenu à rappeler, une fois de plus, les doléances du patronat. A travers la vision 2020, la CGEM compte dur comme fer inciter à mener plusieurs réformes et mesures pour « ne pas subir la mondialisation mais la choisir de façon volontaire », insiste Horani. C'est ainsi qu'une réforme de la formation professionnelle est imminente aux yeux du patronat qui est « une usine de recyclage des échecs de l'enseignement » selon le P-DG de HPS. Egalement dans le pipe, la réforme de la Caisse de retraite que le gouvernement actuel a promis, en vain, de réformer. Ensuite des efforts colossaux doivent être entrepris dans le domaine de l'innovation et la recherche et développement, « Le Maroc n'a pas à jouer la carte du low cost, il y aura toujours quelqu'un qui proposera moins cher. Nous devons produire de la valeur ajoutée », précise le président de la CGEM. Le ton est ainsi monté et la CGEM compte porter sa pierre à l'édifice de cette transition historique que le Maroc s'apprête à opérer. Un repositionnement de la CGEM est-il en train d'être effectué, en sachant que celle-ci aura 12 sièges au sein de la Chambre des conseillers ? Un atout de taille puisque les représentants des employeurs ont, enfin, été constitutionnalisés au même registre que les syndicats, les partis politiques et les Chambres de commerce. Toutefois, Horani met en garde contre la politisation de la CGEM, « Il ne faut pas politiser la CGEM. Même si elle aura le dixième des sièges, notre religion et notre cause principale restera la compétitivité de l'entreprise », insiste-t-il.