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Budget 2008 Dans les coulisses des lobbies
Publié dans Challenge le 12 - 01 - 2008

La préparation et la discussion du projet de loi des Finances est toujours un moment fort dans la vie d'une société. C'est à ce moment que des fantasmes fiscaux sont satisfaits ou que des frustrations naissent. Le projet 2008 avait cette particularité de vouloir mettre fin à des années de largesses fiscales. Des réflexes de défense corporatiste ont pris les devants.
ça ne rate jamais ! Au mois de janvier de chaque année, des professionnels de tel ou tel secteur sont surpris par une disposition de la Loi de Finances qu'ils n'avaient pas vu venir ou qu'ils apprennent dans la presse. C'est le cas encore de ce patron qui découvre à sa grande surprise dans la Loi de Finances (Bulletin Officiel du 31 décembre 2007) les droits d'enregistrement applicables sur les augmentations de capital : 1,5 % du montant pour toute opération, y compris celle réalisée par incorporation de réserves ou de plus-values résultant de la réévaluation de l'actif. Pourtant, concernant les droits d'enregistrement (article 133 du CGI), la CGEM a contesté à travers ses amendements l'application d'un tel droit (1,5%) en le jugeant inopportun, compte tenu de la sous-capitalisation des sociétés marocaines. Pour la Confédération patronale, il faut au contraire instaurer un droit fixe de 200 DH ou garder le taux en vigueur actuellement (0,5 %). Il n'empêche que le gouvernement ne l'a pas entendu ainsi. «De plus en plus, le Budget devra se baser sur les recettes fiscales, et l'Etat qui apprend à ne pas compter sur les recettes douanières et de privatisation cherche à s'alimenter à travers des mesures fiscales, notamment dans les 410 mesures dérogatoires qui engendrent un manque à gagner de 23 milliards de DH par an. Le gouvernement a tenté de supprimer quelques points de taxes de plus par-ci ou quelques dérogations par-là, pour compenser la baisse des autres recettes. Cette année encore, de la préparation à son adoption, la Loi de Finances a été émaillée de lobbying et de protestations, voire de menaces pour conserver les derniers privilèges», souligne un membre de la Commission des Finances de la CGEM. C'est dans ce sens d'ailleurs que cette Commission s'est réunie le 9 janvier 2008 pour faire le bilan de la Loi de Finances (voir encadré). Selon un de ses membres, il s'agissait plutôt d'étudier les retombées et les conséquences.
Déçue de ne pas avoir pu obtenir une baisse de l'IS (impôt sur les sociétés) en 2006 comme elle le suggérait, la CGEM a déployé l'année dernière le maximum de sa capacité de persuasion et de sa machine de lobbying pour faire passer l'idée d'une réforme radicale de l'imposition des résultats des entreprises dans la Loi de Finances 2008. Ce réaménagement de l'impôt sur les sociétés a même été le cheval de bataille du patronat, raconte ce membre de la Commission des Finances de la Confédération patronale.
Il faut dire qu'au cours de ces dix dernières années, le dossier fiscalité a souvent servi de «thermomètre» sur le degré d'influence du milieu marocain des affaires. Les patrons sont-ils écoutés ? En tout cas, la Confédération patronale se défend, depuis l'ère Moulay Hafid Elalamy, président de la CGEM, de vouloir s'immiscer dans la politique. Dans la pratique, c'est vraisemblablement une autre paire de manche. Car cela ne l'a pas empêché, par exemple, de travailler au « corps à corps » Nourredine Bensouda, directeur général des Impôts. En effet, de par sa position de conseiller technique du gouvernement, ce dernier fait plus que peser sur les choix de politique fiscale.
C'est ainsi que les numéros un et deux de la CGEM, Elalamy et Mohamed Chaïbi, le vice-président général, l'avaient rencontré le 5 octobre 2007 à Rabat et lui avaient présenté le canevas des propositions fiscales qu'ils entendaient soumettre au gouvernement. Il s'agissait pour les deux responsables de la Confédération patronale de déblayer le terrain et de s'assurer sinon le soutien, au moins, la compréhension du patron du Fisc.
En effet, pour le patronat, la priorité des priorités était de revoir en profondeur les taux de l'IS. Pour cela, quelques jours après la formation du gouvernement, Elalamy, qui continuait son lobbying, rappelle au Premier ministre, Abbas El Fassi, ainsi qu'à Nizar Baraka, ministre chargé des Affaires générales, la promesse faite par leur parti, l'Istiqlal, de réformer cet impôt lors de la présentation de son programme économique devant le patronat. Dans la foulée, il déroule pour Salaheddine Mezouar, ministre des Finances, une stratégie similaire à celle déployée pour gagner l'appui du patron du Fisc. Le patron des patrons a pratiquement obtenu d'eux la garantie d'une révision à la baisse du taux de l'IS. Discutée préalablement avec le gouvernement, comme à l'accoutumée, cette réforme ne devrait pas connaître de difficulté pour passer aussi bien en commission qu'en plénière. Mais apparemment, c'est sans compter sur l'USFP qui, dit-on, avait donné des garanties au patronat, lors de la campagne électorale, sur une éventuelle baisse de l'impôt sur les sociétés. Salah Eddine Mezouar, pour son premier budget à la tête du ministère de l'Economie et des Finances, aura droit à un «feuilleton budgétaire». Tout a commencé dans la soirée du mardi 27 novembre 2007, lorsque le groupe parlementaire USFP a refusé de voter le volet fiscal. Et c'est Khalid Hariry, député du groupe socialiste, intervenant au nom de l'USFP, qui est monté au créneau en manifestant des inquiétudes sur les choix politiques qu'implique la révision de la fiscalité, particulièrement celle de l'IS. A ses yeux, la baisse de cet impôt, qui se traduit par un manque à gagner pour le budget de près de 5 milliards de DH, n'est pas la meilleure façon d'encourager les entreprises marocaines. Ces cadeaux fiscaux profitent aux grandes entreprises et aux multinationales, dit-il.
Ce qui a poussé Elalamy, alors même que la commission de Finances se penchait sur la question de l'IS, à s'inviter dans le débat au Parlement (via la presse), voire à lancer quelques «petites piques» à ceux qui laissent entendre que les efforts de défiscalisation profitent d'abord aux grandes entreprises.
Quoi qu'il en soit, cette abstention de l'USFP mettait le gouvernement en position minoritaire au Parlement, même avec le soutien de Fouad Ali El Himma et son groupe parlementaire. Pendant ce temps, les trois groupes de l'opposition se sont carrément retirés de la séance de vote en commission. Condamné au blocage de sa première Loi de Finances, Abbas El Fassi convoquait une réunion de crise de la majorité, mercredi 28 novembre. Objectif : convaincre les députés de l'USFP de ne pas présenter ses amendements. Le lendemain, jeudi, Ahmed Zaïdi, président du groupe parlementaire de l'USFP, réunissait son équipe.
La consultation accouchera d'une souris. Le groupe socialiste dit non aux propositions de la majorité et maintient ses amendements. Face à cette persistance, les membres de la majorité se sont trouvés, du coup, dans une mauvaise posture.
Pour sauver leur Loi de Finances, ils ont mené une forte pression sur les députés USFP, durant la soirée du jeudi. Mais en vain. Avant le début de la séance plénière, vendredi 30 novembre, Mezouar a annoncé à Zaïdi un nouvel amendement. La baisse de l'IS sur les banques allait être limitée à 37%. Le passage à 35% en 2009 a été annulé. Zaïdi a convoqué, d'emblée, une réunion de son groupe qui a bien accueilli cette proposition. En fin de matinée, la majorité a présenté ses amendements aux députés, dont celui concernant la limitation de l'IS sur les banques. Mais avant de démarrer le vote, le président de séance a suspendu la séance en début d'après-midi. C'est là que tout s'est joué. Pour renoncer à leur position, les députés USFP ont exigé un engagement explicite du gouvernement sur son package fiscal. À la reprise de la séance, Mezouar a pris la parole pour annoncer l'adoption des mesures convenues avec «la majorité». Suite à cette déclaration, Zaïdi a informé l'audience que son groupe parlementaire n'allait pas s'abstenir de voter le volet fiscal de la Loi de Finances 2008. C'est là que Mezouar a pu enfin souffler. Il aura fallu que les députés restent jusqu'à 2h du matin dans la nuit du vendredi 30 novembre au samedi 1er décembre 2007 pour valider la première partie du texte qui regroupe le budget général et le volet fiscal.
Bencherki au front
du lobbying
En dehors de l'IS, la CGEM a pu sembler discrète sur d'autres mesures fiscales, sectorielles cette fois-ci, inscrites au projet de Loi de Finances, comme le leasing, la provision pour investissement ou encore la TPCVM (taxe sur les profits de capitaux et de valeurs mobilières), même si du côté du patronat, on justifie cela par le fait que les dispositions relatives à ces dossiers sont discutables. Mais, précise-t-on également, le lobbying n'a jamais cessé.
Malgré tout, le lobbying des sociétés de leasing a fini par porter ses fruits. Abdelkrim Bencherki, président de Diac Salaf, qui préside l'APSF (Association professionnelle des sociétés de financement) s'y est pris très tôt. Déjà en février 2007, ce dernier et quelques membres de l'APSF ont rencontré le patron du Fisc et son équipe. «Il ne s'agit pas de lobbying. Nous agissons dans la durée et la crédibilité. Il ne sert à rien de s'agiter pour faire passer un argumentaire. Les responsables de la Direction des Impôts sont nos premiers interlocuteurs. Ils connaissent et comprennent mieux que quiconque nos chiffres et n'ont pas non plus besoin qu'on les leur explique plusieurs fois. Avec eux, nous leur avons présenté des simulations», souligne Mustapha Melsa, directeur délégué de l'APSF. Quoi qu'il en soit, les professionnels des sociétés ne vont pas s'arrêter en si bon chemin pour rallier Nourredine Bensouda à leur cause. Ils l'invitent le 28 juin 2007 à leur assemblée générale. Malheureusement, le directeur général est alité et se fait remplacer à cette réunion par ses collaborateurs directs, notamment Ahmed Tazi, monsieur contrôle fiscal, Abdellah Bennani, chef de la division de la législation, et Abdelouahab Naciri, chef de service de la taxe sur la valeur ajoutée. Là également, les professionnels ont fait part de leur attente en séance tenante. Résultat : leurs doléances sont passées comme une lettre à la poste dans la Loi de Finances. Ainsi, les sociétés de leasing ont désormais droit au remboursement immédiat de la TVA facturée, qui mettra fin au crédit de TVA structurel qui atteignait les 5 ans. Toutefois, cette mesure ne résout pas le problème de la LOA automobile (location avec option d'achat). Pour soutenir cette activité, l'USFP a proposé une TVA de 10% pour les véhicules de moins de 200.000 DH pour limiter l'exonération aux classes moyennes. À défaut, le parti a proposé de ne pas toucher aux crédits déjà contractés et qui concernent actuellement 80.000 clients, tous des particuliers. Mais cet amendement n'a pas été adopté.
Les grands promoteurs
immobiliers boudent
le lobbying
Avant même que le Budget 2008 n'arrive à la case Parlement, le lobbying avait déjà sévi également pour les promoteurs immobiliers. C'est la proposition de la direction des impôts portant sur la suppression des avantages accordés par l'article 19 de la Loi de Finances (depuis 2000) qui était passée par là. Une option qui a provoqué une levée de boucliers des promoteurs immobiliers. La proposition du fisc fait suite à de longues concertations avec le ministère de l'Habitat, en avril 2007. Si la direction des impôts, jugeant que ces exonérations n'avaient que trop duré, voulait les supprimer purement et simplement, le ministère proposait, pour sa part, un réaménagement pour aller vers un schéma plus intelligent. La Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI), loin d'attendre sagement la décision du gouvernement, se mobilise. Elle saisit la Primature. Le Premier ministre, Abass El Fassi, se montre compréhensif et sous la pression de la FNPI, va dans un premier temps émettre son veto. À la veille de l'adoption du projet de Loi de Finances, les promoteurs intensifient leurs actions de lobbying en déroulant un agenda chargé : une rencontre avec les parlementaires et une autre, la même semaine, avec Mezouar. Malheureusement pour eux, la déclaration de ce dernier va un peu les déstabiliser. L'argentier de l'Etat évoque devant eux le schéma proposé par les impôts qui consiste en un maintien de l'exonération pour la construction de logements dont la valeur immobilière totale (VIT) ne dépasse pas 120.000 DH (avec une superficie minimale de 40 m2) et un IS réduit à 17% pour les logements dont la VIT est comprise entre 120.000 et 250.000 DH. À en croire un promoteur immobilier, les actions de lobbying menées par la FNPI n'ont pas abouti pour la simple raison que les géants de la promotion immobilière ne sont pas réellement impliqués pour défendre les avantages que leur conférait l'article 19. Pour preuve, dit-il, aucun d'eux ne figurait dans la délégation partie à la rencontre des membres du gouvernement ou encore des parlementaires. «Au cours de ces dernières années, les grands groupes immobiliers, prévoyant l'imminence de la fin des avantages conférés par l'article 19, ont mené de grandes opérations d'acquisition de foncier qu'ils ont stockées en réserve pour plusieurs années. Ce qui explique leur non implication dans nos actions de lobbying», regrette ce petit promoteur immobilier, membre du bureau de la FNPI.
Tanger sauvée par
les conseillers
Si l'article 19 que les promoteurs immobiliers ont tant défendu au cours de ces dernières années a fini par tomber, le statut de Tanger a failli connaître le même sort, n'eut été le lobbying tous azimuts des opérateurs économiques de la capitale du Détroit. «Ceux-là sont pratiquement les seuls à avoir mené cette année de véritables actions de lobbying. Ils ont été soutenus par la deuxième chambre. Et cela leur a bien servi au bout du compte», renseigne un député du RNI. Même son de cloche auprès de Miloud Chaâbi, député du PPS. «La deuxième chambre a été d'un grand apport aux opérateurs économiques de Tanger», dit-il. C'est surtout les conseillers de Tanger à la deuxième chambre du Parlement qui se sont mobilisés pour faire revenir le gouvernement sur les nouvelles dispositions de la Loi de Finances 2008, modifiant le statut fiscal de la région du Nord. Ils ont bataillé dur au sein de leurs formations politiques pour convaincre leurs collègues, représentant les autres régions du Maroc, de soutenir leur cause.
Tout a commencé en avril 2005 avec une visite de Fathallah Oualalou, l'ex-ministre des Finances et de la Privatisation, à Tanger. Il s'y était, en effet, déplacé le temps d'un week-end sous la double casquette de membre du bureau de l'USFP et d'argentier du Royaume. Devant les opérateurs de la ville, il avait abordé la fiscalité de Tanger et la ristourne de 50% dont elle bénéficie. «Il n'est pas à l'ordre du jour d'y introduire des modifications, mais le législateur peut avoir un avis différent», indiquait Oualalou, laissant la porte ouverte à d'éventuels changements. «A l'époque, de l'avis de beaucoup, l'ex-ministre avait trahi le fond de sa pensée, en affirmant que malgré des décennies de fiscalité réduite, l'économie de la ville n'avait pas avancé. Selon lui, ce sont les grands projets en cours qui font la différence», se souvient ce membre influant du club des hommes d'affaires tangérois. Depuis, lors de la préparation de la Loi de Finances 2006 puis celle de 2007, les rumeurs sur l'abandon de ces avantages fiscaux couraient et provoquaient un tollé parmi la communauté économique de la région. En dépit de ce signal, les opérateurs économiques de Tanger ont semblé être pris de cours. Montés au créneau un peu tardivement, pour défendre le confortable statut fiscal de leur ville qui date de 1963, remis en cause par le projet de Loi de Finances 2008, ils se sont livré à une véritable course contre la montre pour garder ce précieux acquis. Les dispositions qui mettent à mal ce régime dérogatoire institué par le Dahir de 1963 avaient déjà passé l'étape de la première chambre du Parlement. Ainsi, il ne restait aux contestataires, qui ont mis du temps à serrer les rangs et à préparer leur bataille, que le filet de la chambre des Conseillers pour faire tomber ces dérangeantes dispositions. Toutefois, l'enjeu étant grand pour eux, ils ne pouvaient pas prendre le risque de tout miser sur cette ultime bataille.
C'est ainsi qu'ils ont essayé de gagner en partie leur combat par le contact direct avec les principaux décideurs au niveau du gouvernement et qu'ils ont pu tenir une réunion le 5 décembre 2007 avec Mezouar et le patron du Fisc. Cependant, cette réunion a à peine permis de défricher le problème, donnant une occasion aux opérateurs de la capitale du Détroit d'exposer clairement leurs doléances et à leurs homologues de l'Administration d'en faire une première évaluation.
La réunion, qui a duré au moins deux heures, n'en est pas moins importante, comme le laisse entendre un représentant des opérateurs. Le ministre des Finances s'était abstenu de toute déclaration, préférant réserver sa position et son argumentaire pour les parlementaires de la deuxième Chambre. Pourtant, lors de cette rencontre, les Tangérois ont été surpris d'apprendre que le Dahir dérogatoire de 1963 avait été annulé depuis 2006. Car, pour eux, un Dahir royal ne peut être annulé que par un autre Dahir royal. Les opérateurs y voient une combine de l'ex-ministre des Finances, Fatallah Oualalou. Le subterfuge aurait consisté, selon eux, à intégrer ce Dahir dans le code général des impôts, institué par la Loi de Finances de 2007. Pour autant, après cette réunion, ils ne désespèrent pas de poursuivre leur lobbying.
Le Premier ministre les recevait le 10 décembre. Mais la veille, les opérateurs économiques de Tanger, réunis le 6 décembre au siège de la Chambre de commerce et d'industrie de leur ville, étaient convaincus d'une chose au sujet de la remise en cause des avantages fiscaux de leur cité.
Selon eux, l'intervention royale demeurait l'unique et véritable espoir pour faire revenir le gouvernement sur les nouvelles dispositions de la Loi de Finances 2008 modifiant le statut fiscal de Tanger. Une lettre signée par la majorité des représentants des opérateurs a été adressée au Cabinet royal.
Mais à leur grande surprise, lors des débats sur les amendements, le gouvernement a accepté un certain nombre de propositions, notamment celle concernant le statut fiscal préférentiel de Tanger, formulée par la majorité. Il s'agit de continuer à appliquer le taux de 8,75 % sur les entreprises exportatrices qui exercent leur activité dans cette région jusqu'en 2010, tandis que pour les sociétés de l'industrie de transformation, un taux de 17,5% est appliqué jusqu'à la même échéance.
L'application du taux normal est prévue pour 2015, qui marquera la fin du statut fiscal préférentiel de Tanger institué par le Dahir de 1963. Le gouvernement accepte alors de procéder à une augmentation progressive de deux points et demi chaque année à partir de 2011 et jusqu'en 2015. «Si on peut parler de lobbying, cela existe au sein de la deuxième chambre, qui a renversé la tendance qui guettait le statut de Tanger. J'ai eu d'ailleurs à le dire ouvertement en les félicitant. Le lobbying commence à peine dans la première chambre. Où sont ceux qui critiquaient la création de cette deuxième chambre ? Il faut dire que le lobbying n'est plus un terme péjoratif au Maroc», souligne Miloud Chaâbi.
Fiscalité : la CGEM ne lâche pas prise
Ni pleinement satisfaite ni pleinement déçue par les concessions gouvernementales, c'est le sentiment général qui s'est dégagé de la réunion de la Commission fiscale de la CGEM, tenue ce 9 janvier 2008 au siège du patronat. « Notre sentiment est que pour cette Loi de Finances, l'Etat nous a donné des choses par la main droite et qu'il récupère par la main gauche». Cette boutade d'un des membres de cette commission en dit long sur le climat qui a prévalu lors de cette réunion. Sur les 10 amendements du patronat, quatre ont été retenus. Pourtant, la dynamique enclenchée autour de la fiscalité et surtout de la baisse du taux de l'IS constitue le principal acquis de la Commission fiscalité de la CGEM. La Loi de Finances 2008 a même été généreuse sur la question. Pour autant, la Commission fiscalité ne veut pas lâcher prise sur la question de la fiscalité. Car elle a décidé lors de cette réunion de créer des sous-commissions qui se pencheront essentiellement sur chaque volet essentiel de la fiscalité. C'est ainsi que la première commission de l'IS a été formée. Ce qui augure déjà des joutes entre les opérateurs économiques et le gouvernement lors de la prochaine Loi de Finances.
Absence de lobbying : le prix à payer
En ces temps qui courent, où l'Etat fait la chasse aux dérogations ou avantages fiscaux, l'absence de lobbying se paye cash. Les investisseurs institutionnels (compagnies d'assurance, caisses de retraite...) l'ont appris à leurs dépens. Les dispositions du projet de budget 2008 n'ont pas reconduit l'abolition de l'abattement fiscal au titre de leurs plus-values. La Loi de Finances 2006 avait accordé un système dérogatoire applicable jusqu'au 31 décembre 2007, système repris par la Loi de Finances 2007. Mais pour 2008, le projet de Budget n'a pas reconduit la dérogation. A en croire plusieurs parlementaires, il n'y a pas eu de lobbying contre cette disposition. Un membre de l'Association Professionnelle des Sociétés de Bourse confie que leur association s'est contentée d'un mémorandum qu'elle a adressé à la Direction des Impôts.


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