«Blue velvet » est un film sur le passage à l'âge adulte et l'une des œuvres charnières de son auteur, David Lynch. Après « Elephant man » et « une », Lynch renoue avec une certaine liberté de faire et conçoit un film très personnel qui contient toutes les clés de son cinéma futur, ses thématiques, ses personnages types, son esthétique élégante. Le résultat est un polar vénéneux à l'atmosphère somptueuse et étrange. Une paisible bourgade américaine, l'été, rues désertes écrasées par la chaleur. Les oiseaux chantent, la voiture des pompiers, éclatante, passe. Un homme, M. Beaumont, arrose sa pelouse, vacille et s'écroule. Sur le chemin de l'hôpital, son fils Jeffrey découvre dans un pré une oreille humaine. La police enquête, Jeffrey aussi. Son enquête va le plonger dans un monde de plaisirs, de violence, de chantages et de mystère. Jeffrey (Kyle Mac Lachlan), boy -scout impressionnable va traverser des champs qui vont lui faire perdre son innocences. Partagé entre la blonde Laura Dern, qui incarne une jeune étudiante ingénue et la brune Isabella Rossellini, qui incarne une chanteuse détraquée subissant le chantage d'un pervers psychotique et asthmatique (Dennis Hopper, effrayant), Jeffrey va effectuer une plongée dans l'univers du mal et perdre définitivement son innocence. Le style est proche du cinéma fantastique, voire du cinéma d'horreur. « Blue velvet » annonce aussi l'univers de Twin Peaks. Derrière la bourgade en apparence tranquille, se cachent des dégénérés et des psychopathes de toutes sortes. Jeffrey est une sorte de héros timide, innocent, trop curieux qui vit encore chez ses parents. Dès les premiers plans du film, la ville respire le bonheur et la fraîcheur. Univers qui va s'écrouler très vite du moment que son père subit une attaque. La caméra glisse alors vers l'herbe touffue qui, en gros plan, révèle des insectes noirs et menaçants grouillants par dizaine. La métaphore avec la ville de Lumberton est claire. Le film commence alors. Isabella Rossellini hérite d'un rôle extrêmement complexe, celui d'une femme d'une grande fragilité qui a des penchants pervers. Son fils et son mari sont retenus en otage par un certain Frank, un homme terrible, ultra violent et sans cesse sur le qui -vive. Un mot ou un son de trop et la personne en face de lui risque de passer un très mauvais quart d'heure. Il se shoote au gaz, est tout le temps accompagné d'une bande de dingues, et ne rate aucune occasion de malmener Dorothy, qu'il viole et torture à outrance. Ce qui donne une atmosphère malsaine et glauque à toute une partie du film. C'est dans ce contexte que Jeffrey va basculer quand au cours de son enquête, il va pénétrer illégalement dans l'appartement de Dorothy, qui va le découvrir, le menacer avant d'en tomber amoureuse. Jeffrey va alors sombrer dans une descente aux enfers qui va littéralement le dépasser. Il va alors osciller entre les deux femmes, Dorothy et Sandy, incarnant chacune deux mondes bien différents. L'atmosphère sera de plus en plus tendue jusqu'à l'explosion finale. L'interprétation de Dennis Hopper est restée dans les annales ainsi que celle de Harry Dean Stanton. Pour découvrir l'univers lynchien, Blue velvet est une parfaite porte d'entrée. Un film ultime traversé de fulgurances comme on en voit peu au cinéma.