Outsourcia renforce sa présence en France et en Tunisie en rachetant SoMezzo    Le projet de décret relatif à l'élargissement de la ZAI de Kénitra approuvé    AtlantaSanad améliore son résultat net consolidé de 3,6% en 2024    Transport et logistique : Infrastructures, colonne vertébrale des ambitions de Rabat    Gestion de l'eau : Nizar Baraka explique comment le Maroc change de paradigme face au changement climatique    Guerre commerciale. Nouvelles taxes sur l'acier : l'UE riposte, Pékin promet des mesures    Canada : L'histoire de la présence musulmane depuis 1938 racontée dans un timbre    Mémoire sportive : la légende Mohamed Timoumi à l'honneur    Article satirique: Barcelone écrase le Real Madrid... grâce à une "couscoussière de Rfissa" !    Literatura: El Ministerio de Cultura apoya la traducción de obras de los MRE    Le temps qu'il fera ce vendredi 14 mars 2025    Marruecos-Argelia: tensas relaciones políticas y carrera armamentística    Comediablanca 2025: Hanane El Fadili and Roman Frayssinet Headlining    Littérature : Le ministère de la Culture soutient la traduction des œuvres des MRE    Coup de coeur d'El Jadida : L'immeuble Cohen renaît de ses cendres, un siècle d'histoire restauré!    Le festival Aji Thdm anime les soirées des Rbatis    Al-Shabab : Hamdallah claque avec un triplé contre Al-Orouba    Comex de la CAF: Augustin Senghor démissionne de son poste de vice-président    Ligue professionnelle : plus de 24 milliards de centimes alloués chaque année au championnat    Appel urgent pour sauver les enfants enrôlés de force à Tindouf... Un appel mondial pour mettre fin à ce crime    Huile d'olive: Baitas estime que l'huile exportée ne dépasse pas les 8.000 tonnes    Course à l'armement dans le domaine des drones... Le Maroc dans de nouvelles alliances et une concurrence internationale croissante    Azilal : Les équipes de déneigement pleinement mobilisées pour assurer la sécurité des usagers de la route    La Lune s'éclipsera et rougira dans la nuit de jeudi à vendredi    Crise Paris-Alger : plainte algérienne contre Sarkozy fils    La Confédération Démocratique du Travail affirme que l'unité territoriale du Maroc est une ligne rouge non négociable    Réassurance : feu vert à Africa Specialty Risks pour opérer au Maroc    Festival Comediablanca 2025 : Hanane Fadili et Romain Frayssinet à l'affiche    Le Conseil de gouvernement prend connaissance de deux accords internationaux    Complexe Mohammed V : comme un air de discorde…    Droit de grève. La cour constitutionnelle valide le cadre législatif    Addis-Abeba : La participation des élus du Sud du Royaume à la 57e session de la CEA, un signe fort d'intérêt pour l'intégration continentale    S.M. le Roi félicite le Pape François à l'occasion de l'anniversaire de son investiture à la mission papale    Météo alerte orange : pluies et rafales de vent sur Casablanca    Visites en prisons : Généralisation des demandes de rendez-vous par voie numérique    Réforme de la Santé : On avance, mais à quel rythme ?    Perturbation du trafic maritime entre Tarifa et Tanger en raison du mauvais temps    Agadir : 530 MDH pour aménager la zone du Grand stade    Le conseiller du Président palestinien salue le soutien soutenu de S.M. le Roi à la cause palestinienne    BMW Golf Cup 2025 : La Team Morocco décroche la 2e place à la finale mondiale    Chine : une économie en pleine ascension malgré les turbulences mondiales    Patrimoine : la Kasbah Ajbili classée patrimoine national    Vidéo : La RAM exalte la culture et le patrimoine marocain dans ses consignes de sécurité    SM le Roi félicite le Pape François à l'occasion de l'anniversaire de son investiture à la mission papale    "Rouge Tangerine" de Hanane Oulaïllah, un caleidoscopio de destinos giratorios    Central African Republic's Foreign Minister delivers letter to King Mohammed VI    Ramadan : Avec 37,7% de PdA, Al Aoula est la chaîne publique la plus regardée au Maroc    14e AGE de la CAF: Le vote consacre la forte présence du Maroc en Afrique (Fouzi Lekjaa)    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le Code pénal au banc des accusés
Publié dans Le Soir Echos le 10 - 03 - 2010

Samedi 6 mars, 14h45.  La salle de conférence de l'hôtel Ibis de Rabat est archicomble. L'assistance à majorité féminine commence à s'impatienter, alors que des retardataires cherchent toujours un siège pour s'asseoir. «Désolée pour ce retard. Le procès s'ouvrira dans quelques minutes ! Les acteurs prennent, juste, un moment pour se préparer», lance au microphone Aatifa Timjerdine, la coordinatrice nationale du réseau Anaruz réunissant une cinquantaine de centres d'écoute des femmes victimes de violence. Cet après-midi, des associations du Maroc entier se sont données rendez-vous, ici, pour assister à un procès pas comme les autres. Il s'agit d'une mise en scène montée par les membres d'Anaruz dans le but de «poursuivre» une loi «injuste».  Le procès symbolique porte le thème «Ensemble pour un Code pénal équitable». Les acteurs enfilent un ruban de couleur verte et quittent les coulisses improvisées à quelques mètres de la salle de conférence. Aatifa Timjerdine reprend son microphone et se place au pupitre : «Nous avons toujours souffert d'un Code pénal inéquitable basé sur une philosophie patriarcale, purement masculine. Il marginalise la personne et lie les crimes de la femme aux mœurs».
Mesdames, messieurs, la Cour ! Silence, le juge, qui ne pouvait être qu'une femme, Me Khadija Rougani (barreau de Casablanca), déclare immédiatement la séance ouverte. Devant le pupitre se place l'avocate de la défense, Me Naïma El Guellaf (barreau de Rabat), et face à elle une petite table derrière laquelle s'assoit Me Mohamed Almou (barreau de Rabat), pour jouer le rôle du procureur. Dossier 1/2010 : Larbi est poursuivi pour violence conjugale, selon l'article 404 du Code pénal. Sa femme, Nejma doit répondre de l'accusation d'avortement prémédité (article 454). Tandis que Jaouhara, responsable d'un centre d'écoute Anaruz, et le couple Hamman et Aïcha sont poursuivis pour avoir aidé Nejma dans sa fugue du foyer conjugal. «Madame le juge, je vais vous dire la vérité : ma femme ne veut pas partager le lit avec moi ! Qu'est-ce que vous voulez que je fasse ? Il faut qu'elle obéisse ! L'acte du mariage, je l'ai bien payé de ma poche, donc j'ai le droit à tout ce que je veux !» Les propos de Larbi suscitent des rires et des rougissements dans «la Cour» où l'on suit le procès avec le plus grand intérêt. Appelée à la barre, Nejma, visage meurtri, lève la tête pour crier : «Il m'a frappée et m'a renvoyée de la maison à minuit après m'avoir violée, car ce rapport sexuel, je n'en voulais pas !  Le médecin que j'ai consulté, ensuite, m'a prescrit un repos de 22 jours. Et, étant donné mon état de santé lamentable, il m'a recommandé d'avorter, alors je l'ai fait». Les trois autres accusés, eux, expliquent avoir tout simplement hébergé une femme en détresse et s'indignent des poursuites dont ils font l'objet pour un acte qu'ils qualifient d'humain : «Nejma a frappé à notre porte le visage couvert de sang, elle avait un pyjama et ne savait pas où aller. Vous vouliez qu'on la laisse dans la rue ?». Hamman et sa femme avaient cru bien faire en recommandant à Nejma d'aller à l'association qui l'a hébergée dans un centre d'accueil. Le procureur se lève pour interroger Jaouhara : «C'est votre association qui a conseillé à Nejma d'avorter ?». La responsable associative ne nie pas avoir eu connaissance de la grossesse de Nejma et souligne que cela devenait un danger pour sa santé. Jaouhara indique aussi que la violence du mari a entraîné un traumatisme chez sa femme nécessitant un soutien psychologique. Le procureur, homme de marbre, focalise son plaidoyer sur les articles 453 et 454 incriminant l'avortement qui, sans l'autorisation du mari et du délégué médical, reste un crime. «Larbi a le droit d'être un père, mais il en a été privé ! Le Code pénal punit l'avortement et sévèrement lorsque la vie de la femme n'est pas en danger et qu'il n'est pas autorisé par les parties concernées. Et le viol dont vous parlez n'est pas recevable, il est même annulé dans l'article 486 du Code pénal. Le débat est clos, monsieur le juge !». La présidente de la Cour toute surprise, fait une petite remarque, l'air enjoué : «Monsieur le procureur, je vous rappelle que je suis  Madame la juge !». Eclats de rires dans toute la salle. Le procès symbolique montre à quel point la loi se conjugue au masculin, même dans la mentalité des membres de la Cour. La partie de la défense, Me Naïma El Guellaf, est offusquée : «La composition de la société n'est pas une recette. Un acte de mariage ne peut pas être synonyme du pouvoir absolu de l'homme sur la femme. L'avortement, à l'instar d'autres pays, relève de la liberté de la femme vis-à-vis de son corps. Le Maroc a ratifié plusieurs conventions garantissant ce droit, il doit, aujourd'hui, tenir ses engagements». Un plaidoyer pour la femme, contre les discriminations dont elle fait les frais dans le Code pénal : «Nous prions la Cour d'accorder son indulgence à Nejma et de rejeter les poursuites contre les trois personnes l'ayant aidée sur le plan humain».
La Cour, après avoir traité une deuxième affaire (dossier 2/2010) concernant la différence entre deux types de viol : l'un ayant provoqué une grossesse et l'autre une défloraison (article 486 et 488 du Code pénal), prend le temps de délibérer. Une dizaine de minutes lui ont suffit. A 17h, le verdict est prononcé : «Concernant votre demande de porter le Maroc à appliquer les articles des conventions signées, la Cour se déclare non compétente. Concernant le délit de Larbi, la Cour condamne ce dernier à être interné trois mois dans un centre psychiatrique et à payer une amende de 20.000 DH, conformément à l'article 404». Larbi devra aussi purger 1 an de prison pour le viol de sa femme, tandis que les autres accusés, y compris l'épouse, ont été acquittés. Quant à la seconde affaire, les viols et les harcèlements sexuels vaudront aux accusés cinq années de prison. Le procès symbolique a soulagé les femmes, exorcisées même les peines de certaines ; mais pour que le Code pénal soit «féminisé» réellement, il faudra plus qu'une dizaine de minutes.
leïla hallaoui


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.