Située en plein cœur de la capitale, au carrefour de plusieurs quartiers de la ville, la forêt Ibn Sina fait le bonheur de ceux qui s'y baladent ou y font leur sport. Durant le ramadan, le lieu bat des records d'affluence. Reportage. 16h30. A proximité de la forêt Ibn Sina, les voitures commencent à se garer les unes après les autres. Plusieurs gardiens sont sortis de terre durant ce mois de ramadan, improvisant des parkings devant chacune des entrées de la forêt. A chaque fin de journée de ce mois sacré, ce lieu verdoyant se transforme en aimant à sportifs, débutants ou confirmés. Petits ou grands, jeunes et moins jeunes, seuls ou accompagnés, venus en voiture ou à pied, les personnes affluent vers ce lieu qui s'anime pendant que le reste de la ville se prépare, inerte, à la rupture du jeûne. « Je suis une habituée de la forêt Hilton (nom commun donné à la forêt Ibn Sina, du nom de l'hôtel qui était situé à proximité), j'essaie d'y venir au moins trois fois par semaine. En temps normal, il n'y a pas grand monde, mais durant le mois de ramadan, c'est toujours le rush ! », nous confie une retraitée, goutte de sueur dégoulinant sur le front. Aux habitués du footing viennent se joindre les sportifs du dimanche, qui profitent de l'occasion pour se réconcilier avec une activité physique et sportive. « Que l'on marche ou que l'on court, l'essentiel c'est de venir ! », nous lancent deux sœurs venues se dégourdir les jambes. A la forêt Ibn Sina, située au carrefour de plusieurs quartiers de la capitale, on vient donc avant tout pour se faire du bien. « Normalement je viens seul, et de manière régulière. Si je dépendais de quelqu'un je ne serais jamais venu. Je fais deux ou trois tours en marchant, pour me vider l'esprit. Pendant ce mois sacré, j'ai pu convaincre un ami de m'accompagner », déclare, satisfait, un homme d'un certain âge. Les horaires de travail moins contraignants, auxquels s'ajoute la mauvaise conscience due à l'excès de sucre ingurgité à la tombée du jour, encouragent de nombreux Rbatis à enfiler leurs baskets. Certains attendent même 18 h avant de se faufiler entre les immenses eucalyptus plantés de chaque côté des allées. « Je trouve que c'est le meilleur moment pour venir. Il fait plus frais, je fais mon footing en une heure, je rentre me doucher, et je me mets à table. Pas le temps d'avoir faim ! », lance fièrement un jeune homme qui semble avoir trouvé la combinaison parfaite. Seulement, tout le monde n'a pas le luxe de ne pas être de corvée de cuisine… Aux allées réservées aux marcheurs et aux coureurs s'ajoutent des espaces de jeux pour enfants, des terrains de foot ouverts au public, ainsi qu'un espace bitumé réservé aux bicyclettes et où les plus jeunes peuvent apprendre le B.A-BA du code de la route. Arrivés à proximité de la sortie, une musique entraînante s'empare des oreilles des sportifs du ramadan. Les chansons qui se succèdent poussent au déhanchement. Mise en place par le ministère de la Jeunesse et des sports et la Fédération royale des sports pour tous, une estrade a été montée pour accueillir deux moniteurs de sport. Face à eux, une cinquantaine de personnes suivent les mouvements indiqués. « Je viens tous les jours à partir de 16h45 ou 17h, pour faire une séance d'aérobic », nous explique Hakima, monitrice souriante, ravie d'avoir face à elle un public conquis. « Les gens viennent me remercier en personne à la fin du cours. On leur donne l'occasion de bouger et ils sont contents ». Même s'ils sont épuisés à l'issue de la séance, les sportifs du ramadan sont en effet ravis. « Durant l'été, je ne m'inscris pas à la salle de sport, et ça me manque ! Ici, je peux renouer avec les mouvements que j'ai de plus en plus du mal à reproduire après la pause estivale. C'est que du bonheur ! », lance une jeune femme essoufflée. Bulle d'air frais au cœur de la ville, la forêt Ibn Sina fait le bonheur des habitants de la capitale. D'autres villes aimeraient bien avoir cette chance. Dans son guide des forêts urbaines et péri urbaines 2010, le Haut commissariat aux eaux et forêts met en avant le rôle que jouent ces forêts. « Elles jouent plusieurs rôles : social, environnemental, économique et paysager. Leur rôle social et environnemental peut seul permettre de les maintenir et de les développer. La population qui connaît et pratique la forêt peut agir spontanément pour la défendre contre des projets destructeurs ». Ces lieux bénis, vestiges d'une nature dévorée par le béton, sont en effet menacés par un foncier sans pitié, qui grignote ce qui reste d'espaces verts. Certaines forêts résistent ! Ainsi, en plus de la forêt Ibn Sina de Rabat, d'autres ont pu être préservées, comme la forêt de Harhoura, celle de Aïn Chkef à Fès, ou encore de Jbel Hamra à Oujda.