Au fil des années, l'allée des villas est devenue le paradis du shopping… et de la prostitution. Une transformation qui gêne certains habitants nostalgiques de la période de quiétude qui régnait dans le quartier. Rencontre avec les anciens de l'avenue. Tout le monde la connaît, si bien qu'elle est devenue l'emblème du quartier Agdal de Rabat. L'avenue Fal Ould Omeir mène du bas au haut Agdal, divisant en deux les rues qui ont enfilé les noms de monts et de fleuves du Maroc. Pour ceux qui souhaitent se dégourdir les jambes et en profiter pour faire du shopping, rien de mieux qu'un aller-retour sur l'avenue. Les soirées de grande chaleur et les nuits de ramadan enregistrent la plus grande affluence. Ici, les immeubles sortent de terre sans crier gare, et les enseignes (surtout des franchises) ouvrent les unes après les autres, si bien que même les habitants du quartier sont parfois dépassés par la rapidité du changement qui s'opère autour d'eux. Mustapha Harfouf, aide- pharmacien à la pharmacie Ibn Sina, a vécu la transformation de la physionomie de l'avenue. « Je travaille ici depuis près de dix-huit ans. Avant, il n'y avait que des villas et année après année, surtout à partir des années 80, les immeubles ont poussé ». Si bien qu'aujourd'hui, il a l'impression que c'est un autre quartier qui s'offre à ses yeux. Ceux qui recherchent le calme ne doivent pas s'aventurer sur les trottoirs de celle qui a été rebaptisée, à juste titre, « charii choufouni ». Mohammed, qui a pris une retraite anticipée pour aider son père au kiosque à journaux, a grandi dans le quartier. « Quand j'étais jeune, avec mes voisins, on jouait au foot sur l'avenue et quand on entendait une voiture venir au loin, près de la mosquée Badr, on pariait sur la marque de l'auto », se souvient-il avec un sourire nostalgique. « Aujourd'hui, le quartier de l'Agdal ressemble au quartier de l'Océan, et c'est Hay Riad qui est devenu le lieu prisé pour sa tranquillité ». Il n'a pas tort. Ceux qui recherchent le calme ne doivent plus s'aventurer sur les trottoirs de celle qui a été rebaptisée, à juste titre, « charii choufouni » (avenue regardez-moi). On y vient pour voir et être vu. Aux nostalgiques d'un temps révolu viennent s'opposer les plus réalistes, comme Bahia Skalli, propriétaire de la librairie Livres Ibn Sina, située tout en haut de l'avenue. « C'est l'évolution normale de tout quartier, on ne peut y échapper. Le phénomène ne se restreint pas à Rabat, c'est partout pareil ! ». Même si la libraire regrette qu'à partir d'une certaine heure, « mieux vaut ne pas s'installer dans les cafés de l'avenue, surtout si on est une femme ». Il suffit en effet d'une courte balade après 20h30 pour s'en rendre compte. L'avenue, lieu des familles et des étudiants durant la journée, se transforme en « bordel à ciel ouvert », comme le décrit crûment Mohammed, le vendeur de journaux qui en a vu des vertes et des pas mûres au fil des ans. Plusieurs jeunes filles nous avouent avoir été abordées par des hommes, surtout originaires des pays du Golfe. « J'attendais une amie devant Mc Donald's. Il a fallu qu'elle tarde cinq minutes pour que deux d'entre eux m'abordent. Ils ont été si entreprenants que j'ai dû déserter les lieux », témoigne Imane, jeune habitante du quartier. Mohammed, le vendeur de journaux posté dans son kiosque devenu sa tour de contrôle, confirme ces dires. « Ces hommes se baladent le long de l'avenue et abordent les femmes, quel que soit leur aspect. Ils pensent que leur accent leur ouvrira toutes les portes ». Un accent qui sent l'odeur de l'argent. Et qui attirent plusieurs filles, surtout des étudiantes sans le sou, mais aussi des jeunes filles vivant à Salé, Kénitra et Khémisset, qui viennent « tenter leur chance » de l'autre côté de l'Oued Bouregreg. L'avenue Fal Ould Omeir a mué, passant d'une allée tranquille à un endroit agité, d'une zone d'études et de petits commerces à une zone de franchises et de fast-foods. Chacun attend de voir ce que donnera sa prochaine mue. Aucun article en relation !