Maroc-Guinée-Bissau: Signature d'un accord de jumelage entre Dakhla et Bissau    M. Hilale: L'évaluation du rôle de l'ONU au Sahara marocain relève uniquement du SG et du Conseil de sécurité    Sahara marocain : Revers décisif de l'Algérie au Conseil de Sécurité [INTEGRAL]    Hicham Rahil nommé à la tête de l'aéroport Casablanca Mohammed V    Paiement en ligne : le Conseil de la concurrence approuve les engagements du CMI et des banques actionnaires    Whatsapp: une nouvelle fonctionnalité pour organiser les discussions    Assassinat du professeur Samuel Paty par un islamiste radical: le procès de huit adultes s'est ouvert en France    Santé numérique : Lancement à Rabat du «Hackathon Al-Qods 2024», dédié aux startups    D'importants retards et annulations à l'aéroport de Barcelone à cause des intempéries    Ouganda. La foudre tue 14 personnes    Le Tchad envisage de se retirer de la force multinationale mixte    Le bureau de liaison israélien à Rabat a un nouveau chef d'origine marocaine    Cyclisme: le Maroc remporte pour la sixième fois le Tour international du Faso    Surf casting No kill: Clôture en apothéose à Dakhla de la compétition de la pêche sportive et touristique    Tennis - Vainqueurs d'un W15 et d'un M25: Yasmine Kabbaj et Elliot Benchetrit s'illustrent en Grèce et en Chine !    Toufiq relève le rôle important de la Fondation de la Mosquée Hassan II de Casablanca dans la gestion de cet édifice religieux et le rayonnement de la Charia et du Fiqh    Morocco expels two Norwegians from Laayoune    La Chambre des représentants approuve le projet de loi relatif à l'industrie du cinéma    Oriental: Découverte de la plus ancienne utilisation médicinale des plantes au monde à Taforalt    Festival international du film du Caire : plusieurs films marocains en lice    La saison 4 d'Outer Banks sur Netflix mène ses personnages au Maroc    Tan-Tan : un port réinventé pour des horizons prometteurs    USA: Qui de Donald Trump ou Kamala Harris remportera l'élection ?    Inondations en Espagne : La région de Barcelone en alerte rouge    HCP : Le taux de chômage passe à 13,6% au troisième trimestre 2024    Recettes de voyage: Hausse de 8,4% à fin septembre    L'UM6P : Première Université Marocaine et Africaine à Lancer ChatGPT Edu    Brahim Díaz : Ambitions et fierté marocaine au Real Madrid    AS Monaco : Eliesse Ben Seghir ou l'ambition de placer la barre le plus haut possible    Tanger Med : 400 millions d'euros d'IFC et JP Morgan pour l'extension du port «Passagers» et «Roulier»    CdM 2030 : Jusqu'à 10 milliards de dollars en retombées économiques, mais des défis persistent    Grève de deux jours des médecins internes et résidents, en réponse à "l'indifférence des autorités"    Lancement d'une formation certifiante en création de jeux vidéo pour 2025    Paiement électronique par carte : le Conseil de la concurrence approuve les engagements de CMI et des banques actionnaires    Au large de Tan-Tan, deux unités de la marine marocaine libèrent un cargo libérien menacé par des clandestins    Crise en médecine : El Midaoui assure les 7 ans de formation et annule les sanctions    Maroc : Les angles morts de la diplomatie économique !    L'AMO et la population légale du Royaume au menu du prochain Conseil de gouvernement    Maroc-Guinée-Bissau : signature d'un accord de jumelage entre Dakhla et Bissau    Inondations en Espagne : Pedro Sánchez accusé d'avoir été prompt à aider le Maroc et peu réactif envers Valence    Dixième anniversaire du MMVI : Une décennie de culture et d'innovation    Kamel Daoud, lauréat du Goncourt pour son roman Houris, censuré en Algérie    Quand TV5 sublime l'art du zellige marocain    Décès du hitmaker Quincy Jones à l'âge de 91 ans    Amrabat, le nouveau héro des Stambouliotes    Le conte de fées turc de Ziyech tourne au cauchemar !    Blessé, Amine Adli indisponible jusqu'en 2025    Les températures attendues ce lundi 4 novembre 2024    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'Etat-paratonnerre
Publié dans Le Soir Echos le 18 - 07 - 2011

L'extériorité de l'Etat par rapport aux sociétés est un fait ancien et majeur du monde arabo-islamique…
Shéhrazade rapporte l'histoire de la Montagne de fer : elle attirait à elle les navires de passage, les désossait de leurs structures métalliques et les envoyait, marins, marchands et biens, aux fonds des mers. Pour délivrer les hommes de cette malédiction, ‘Ajîb ibn Khassîb escalade la Montagne et jette à bas le cavalier de cuivre qui trônait au sommet.L'extériorité de l'Etat par rapport aux sociétés est un fait ancien et majeur du monde arabo-islamique.
Les villes expriment dans leur topographie cette réalité massive et occultée : Fès al Bali a son Fès-Jdid, Alep sa forteresse. Toujours la cuvette ou la plaine, face à la colline, au plateau. Ici le pouvoir, sa force militaire, ses hiérarchies, sa violence exposée en rituels ; là la ville proprement dite, ses marchands et ses artisans, ses lettrés et sa plèbe. Les deux mondes, qu'on peut appeler l'Etat et la société, se tournaient le dos, sauf en de rares occasions : le palais prélevait son tribut, la ville marchande réclamait son arbitrage. Mais toujours cette indifférence mutuelle, l'Etat et la société, dans leurs rares face-à-face, s'évitant du regard et se souriant de biais.
L'Etat arabo-musulman, comme la Montagne de fer, désossait la société de toutes ses capacités politiques, la laissant à ses activités, son industrie et sa littérature, ses mœurs et ses usages… Vies riches et subtiles que celles de Fès ou d'Alep, sociétés raffinées et tenaces dans leur être, mais vies apolitiques, dénuées de capacité publique, toute entière déléguée à la forteresse palatiale et à son cavalier de cuivre. Celui-ci se nomma le Mameluk turc, le Janissaire ottoman, le colonisateur, le Raïs-président, la junte militaire … ‘Ajîb ibn Khassîb déboulonnait l'ancien cavalier de cuivre et prenait sa place.
Pour expliquer cette étrangeté de l'Etat à sa société, deux hypothèses existent. La première émane de l'intérieure même du monde musulman : Ibn Khaldoun nota la proximité du désert, la fragilité du pouvoir urbain et sa dépendance envers la fluidité nomade. La seconde souligne la prégnance du schéma monothéiste : un seul Dieu au ciel nécessite un seul maître sur terre. Despotismes emboîtés. On peut les compléter par une troisième. La société dessaisie de sa capacité politique y trouva son avantage : elle se préserva de l'aléa de l'histoire, de la violence du changement. Pouvoirs fragiles et violents, dynasties illégitimes et éphémères… face à une culture stable, des usages séculaires, une langue ancienne et vivante, la répétition du même social sous le chaos incessant et superficiel de la politique. L'Egypte fut fatimide durant deux siècles, le Maroc almohade durant un siècle ; ni l'une ni l'autre ne renoncèrent au sunnisme, ni l'une ni l'autre n'adoptèrent le credo radical de ces deux mouvements. Le Moyen-Orient fut saccagé par les tourbillons mongols, et pourtant, jamais la yasa, le code tribal mongol, ne remplaça la charia, ou le turco-mongol la langue arabe.
L'Etat arabo-musulman, comme la Montagne de fer, désossait la société de toutes ses capacités politiques.
Cette extrême résilience des sociétés arabo-islamiques survit à tous les avatars de la tyrannie. Ce phénomène surprit et inquiéta les observateurs coloniaux ; ils jugeaient de telles sociétés inassimilables, impossibles à pénétrer, difficiles à faire évoluer. On peut dominer de telles cultures, les ployer sous le joug de l'impôt ou de la conscription militaire, mais les prégnances immatérielles, comme l'Islam, l'arabité, le patriarcat, ne seront pas touchées, ou très peu. Ce tableau binaire que nous fournit l'histoire du monde islamique s'expliquerait donc par le contrat pervers entre l'Etat despotique et la société conservatrice. La politique était un monopole de l'Etat, fructueux et sensible, comme le pétrole ou l'industrie lourde. Mais les sociétés y trouvaient leur avantage. Cet Etat despotique était un Etat-paratonnerre : il les protégeait de la remise en cause. Toute politique était à l'Etat, mais rien de fondamental ne menaçait la société. Pour que les révolutions en cours ne débouchent pas sur une simple substitution de cavalier au sommet de la Montagne de fer, encore faut-il que les sociétés arabes prennent le risque de leur propre politisation.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.