IA : Comment reconnaître une intelligence artificielle ?    L'ONMT crée trois pôles stratégiques    La FRMF choisit un partenaire stratégique pour la gestion de la billetterie    Affaire Jonathan Harroch : la justice allège la peine en appel    Averses orageuses avec grêle locale et rafales de vent, vendredi dans plusieurs provinces du Royaume    Le Crédit Agricole du Maroc et la société TOURBA s'allient pour promouvoir l'agriculture régénératrice    Importations de céréales et de légumineuses : le CAM, l'ONICL et Portnet s'associent pour dématérialiser la gestion des cautions bancaires    Maroc-France : une conjoncture favorable au renforcement du partenariat stratégique    Le Canada redoute une nouvelle vague migratoire à la frontière avec les Etats-Unis    Le renforcement de la coopération au cœur des entretiens de Nasser Bourita avec son homologue qatari    Algérie : la brutalité d'un régime qui jette les migrants dans le désert    Walid Regragui : Le Maroc offre aux joueurs binationaux un projet de cœur et de conviction    Service militaire 2025: l'opération de recensement du 25 avril au 23 juin    ONU: Omar Hilale élu président du Comité de haut niveau sur la coopération Sud-Sud    Températures prévues pour le samedi 26 avril 2025    La NARSA relance la procédure d'ouverture de centres de contrôle technique    Tenue de la Deuxième édition des Assises du Féminisme le 17 mai 2025 à Rabat    Akdital: l'Hôpital Privé de Guelmim inauguré    Métaux critiques : le Maroc s'invite dans la course mondiale    Edito. Conscience collective    Effondrement... Trois éléments du "Polisario" fuient et se rendent aux Forces Armées Royales    De Tanger à Marrakech en seulement 2h40 : Le Maroc inaugure une nouvelle ère ferroviaire à grande vitesse    La Chine dément toute négociation commerciale avec Washington : pas de consultations ni d'accord en vue    Quand le régime algérien fabrique ses propres crises : d'un simple hashtag à un règlement de comptes interne au nom de la souveraineté    Challenge N°966 : Du 25 avril au 1er mai 2025    Croissance : la BM mise sur la reprise au Maroc    Le gouvernement approuve un décret relatif la mutation de certains fonctionnaires du ministère de la Santé    CAN U20 Egypte 25 : Arrivée des Lionceaux au Caire    Botola DII/J24 : RBM, Y. El Mansour et relativement l'OCK tirent profit de la journée !    Les prévisions du vendredi 25 avril    El Jadida : Une ode à la mémoire et à la création, Mahi Binebine célébré    « Le Figaro » charmé par El Jadida, joyau préservé entre océan et histoire    Le stade Mohammed V cible de vandalisme après le match entre le RCA et le HUS    Liberia: la justice invalide la destitution du président de la Chambre des représentants    Le régime algérien pousse le pays vers l'inconnu : la loi sur la « mobilisation générale » suscite la méfiance    Emploi : Aziz Akhannouch préside une réunion de travail sur l'état d'avancement du déploiement de la feuille de route    CAN futsal : Le Maroc bat le Cameroun et file en demi-finale    « Les Balades de Noor » font escale à Rabat : Le Patrimoine mondial de l'UNESCO expliqué aux enfants    Jidar : Dix ans et toujours le mur-mure des talents!    Patrice Motsepe : Morocco's football success reflects the King's visionary leadership    L'anglais séduit de plus en plus de jeunes marocains    Dialogue social : Vers un jeu à somme positive ? [INTEGRAL]    Botola DII : Cet après-midi, RCOZ-KACM, sommet de la J24    LOT Polish Airlines annonce une ligne directe Varsovie-Marrakech    Un chef patissier marocain bat le record Guinness, en réalisant le plus long fraisier du monde    SIEL 2025 : Mustapha Fahmi présente son ouvrage « La beauté de Cléopâtre »    Mawazine 2025 : Al-Qasar & Guests – Le fuzz du désert soulève la poussière à Rabat    Ukraine: la Russie a tiré 70 missiles dans la nuit, Zelensky appelle à l'arrêt des frappes    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Dastara
Publié dans Le Soir Echos le 05 - 07 - 2011

Les Constitutions pérennes sont lapidaires, peut-être même laconiques. Elles disent peu mais bien, pour laisser à la vie publique l'occasion de se développer autour de l'ossature des articles.
Le XIXe siècle est connu pour être le siècle des inventions. Moins connu est le problème linguistique qui en découla. Comment appeler ces signes qui se transmettent, ces machines qui parlent, ces cylindres qui enregistrent ? On inventa foison de mots nouveaux : le télégramme, le gramophone, le phonographe.
Les Orientaux connurent le même problème, quand ils importèrent les inventions des autres. Par exemple, la Constitution. Les Arabes empruntèrent à la langue persane le mot dastour, qui signifie «ordre».
De jeunes intellectuels orientaux apprirent à épeler avec sérieux ces deux syllabes, et réclamèrent, dans l'enthousiasme, des dastour qu'ils préféraient prononcer dostour. La Tunisie, province ottomane, établit la première Constitution dans un pays musulman en 1857. Pour la féliciter, la France la colonisa en 1882. Mais cela ne suffit pas à modérer l'engouement pour le dostour. Le Caire trépigna en 1879, Téhéran en 1905, Istanbul en 1908. Partout des peuples piaffaient d'enthousiasme pour les dostour. On leur en donna. Il n'y eut pas jusqu'au lointain empire chérifien qui apprit le mot en 1908, à l'occasion d'un conflit de famille entre Moulay Abdel-Aziz et son frère Moulay Abdel-Hafid. La France le félicita, comme elle avait félicité la Tunisie.
Depuis quelques mois, les officines où se forgent les opinions publiques arabes promeuvent un verbe nouveau, dastara, «constitutionnaliser». Formé sur le mot dostour, c'est un néologisme au carré, autant dire le symptôme d'un profond malaise. Dastara est le procédé qui permet, à coup d'articles et d'amendements, d'introduire dans les Constitutions des réalités sociales (le sport, le développement…) ou des identifications culturelles (les langues, les ethnies…). Vu comme un gage de démocratie, la dastara créera des Constitutions obèses, boulimiques de toutes les réalités sociales et culturelles, obsolètes sitôt installées.
Croire qu'une inflation constitutionnelle fonde la liberté, c'est demander à la quantité de pallier l'absence d'une conception forte et stricte de la chose publique. Une Constitution n'est pas un catalogue culturel, répertoriant la réalité d'une société donnée. Les penseurs politiques du XIXe siècle précisaient souvent constitution «politique», pour la distinguer de la culture et des traditions du pays, qui sont sa constitution «sociale». Vouloir indexer une Constitution politique, qui est une structure, sur la Constitution sociale, mouvante, c'est prendre le risque de changer de Constitution à chaque génération, au moins, et de diminuer sa crédibilité aux yeux des citoyens.
Les Constitutions pérennes sont lapidaires, peut-être même laconiques – lisez la Constitution américaine, qui date de 1787. Elles disent peu mais bien, pour laisser à la vie publique l'occasion de se développer autour de l'ossature des articles. La dastara, la constitutionnalisation, est en train d'installer dans les espaces publiques arabes en devenir trois croyances néfastes : faire de la Constitution un miroir de la société, son résumé encyclopédique là où elle doit lui fournir un cadre où prospérer ; noyer la question du pouvoir et de la souveraineté dans des considérations culturelles et sociales oiseuses, source potentielle de violences civiles ; habituer l'opinion à des Constitutions périodiques, donc peu crédibles, devant la permanence, l'éternité même, de l'ordre social. Pour se féliciter de l'octroi royal du 17 juin dernier, plusieurs observateurs congratulèrent les Marocains qui allaient bientôt disposer de l'une des meilleures Constitutions au monde, fruit d'un assemblage de pièces rares et d'importations derniers cri. On appela dans les années 1970 les «éléphants blancs» ces usines clé en main, ces infrastructures mirobolantes et inutiles, que plusieurs pays du Tiers-monde, forts de l'argent du pétrole ou du cacao, achetèrent pour meubler les jungles et les déserts. Ils y rouillent encore.
Beaucoup de pays arabes s'offriront dans les mois ou les années à venir de tels éléphants blancs politiques, rédigés dans le consensualisme le plus flou, le plus angélique, en espérant en faire un bouclier contre la gestion des inévitables rapports de force politiques.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.